Je me souviens encore, comme si c’était hier, de cette nouvelle naissance. Voir ma sœur venir au monde, assister à ses anniversaires… C’était beau.
Ma mère avait enfin rencontré un homme qui lui faisait du bien. Pas comme nos deux pères, qui n’avaient fait que ternir son regard de tristesse.
Je me souviens avoir pensé : elle mérite enfin le bonheur.
Elle disait toujours :
— Je me battrai pour qu’on sorte de cette pauvreté. Mes filles, vous aurez une belle vie, je vous le promets.
Et tout s’est enchaîné…
Maison.
Voiture.
Argent.
Voyages.
Rires.
Joie.
Le père de ma petite sœur, Meliane, a vraiment changé la vie de maman. J’étais heureuse pour elle. Mais personne ne voyait que, derrière mon sourire, je portais une honte immense : celle de ce que mon père avait fait à cette femme.
Je l’avais vue heureuse… pour la première fois.
Et je me sentais coupable.
Coupable de l’avoir ralentie.
Coupable d’avoir terni ce sourire si rare, si pur.
Je fermais les yeux et je priais pour disparaître.
Je supportais les mauvaises notes à l’école.
Les moqueries de mes cousins.
Même quand je faisais des efforts, j’entendais :
— Ma pauvre, tu forces pour rien. Ce n’est pas ton père qui a dit que tu n’aurais jamais d’avenir ?
C’était Evrard. Mon cousin. Le fils de la grande sœur de ma mère.
Je ne suis jamais restée en bons termes avec lui. Rien.
Et mon frère dans tout ça ?
Pff… Il trouvait ça drôle.
Il me frappait pour rien.
Je crois qu’il ne m’a jamais aimée. Peut-être qu’il me voyait, moi aussi, comme un frein dans la vie de notre mère.
Mais peut-on détester son propre sang aussi profondément ?
Je n’avais rien demandé. Pourquoi moi ? Pourquoi tout ça ?
Ma grand-mère essayait de me rassurer.
Elle disait que c’était le rôle d’un grand frère, de veiller sur sa sœur.
Mais lui ? Était-il un exemple ?
Alors j’ai assumé.
Les coups.
Les insultes.
Les moqueries.
Ils voyaient tout. Mais ne disaient rien.
Et quand j’osais en parler, j’étais la fille qui se plaint.
Pendant que ma mère faisait sa formation — offerte par son nouveau compagnon — la vie continuait.
Maman décida de vivre avec cet homme et Meliane.
Nous, on ne faisait pas partie du tableau parfait.
Je venais rendre visite à ma petite sœur, c’est tout.
Puis, la maison fut terminée, et on put enfin vivre tous ensemble : maman, mon frère, Meliane… et moi.
Et un jour, un nouveau bébé : Lucien.
Et ce fut le début d’un nouveau cauchemar.
🥀 À suivre…

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