Quand maman et son nouveau mari décidèrent de voyager avec Meliane et Lucien, j’ai cru que le pire était derrière moi.
Mais j’avais tort.
Car c’est à son départ que j’ai perdu ma virginité.
Pas par choix.
Quelqu’un me l’a prise. Avec force.
Sans mon consentement.
J’ai gardé le silence, supporté ses menaces.
Encore et encore.
Jusqu’au jour où je me suis tournée vers la seule personne qui me restait : Mamie.
— Oui, Henriel ?
— Mamie… j’ai quelque chose à te dire. Aide-moi, s’il te plaît.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Tu as mal quelque part ?
— Oui… en bas. Ici, là…
— Comment ça ? Explique-moi…
— C’est tonton. Il me touche la nuit. Il m’a dit que si j’en parle, personne ne me croira… et que je serai chassée.
— Quoi ?! Quel tonton ? Dis-moi que ce n’est pas Greg ?!
— Si, mamie… je t’en supplie, aide-moi.
Mamie est restée silencieuse. Puis elle m’a dit :
— Calme-toi. Écoute-moi. Tu ne diras rien pour l’instant… Je ne laisserai pas cela impuni. Mais laisse-moi du temps pour en parler à la famille.
— Ils ne me croiront pas, mamie. Ils vont me frapper.
— Personne ne te… kof, kof, kof…
— Mamie ?! Mamie, qu’est-ce qu’il t’arrive ?
— kof kof… aahhh… kof kof kof
— Mamiiiiiiiie ! À l’aide ! Au secours !!
Mamie fit un malaise.
Elle fut emmenée à l’hôpital. Diagnostic : tension élevée.
Je m’en voulais… encore plus.
Je me suis dit :
“Voilà, c’est encore à cause de toi. C’est toujours toi. Ils ont raison. Tu aurais dû te taire.”
Pendant l’hospitalisation de mamie, toute la famille s’est réunie pour organiser les soins. Maman est revenue au pays.
Après la réunion, je me suis retrouvée seule avec elle.
— Comment tu vas ?
— Bien… bien, maman… (je bégayais, sa voix était glaciale)
— On m’a dit que tu étais avec ta grand-mère au moment de l’accident ?
— Oui…
— Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Je voulais juste lui parler de quelque chose d’important…
— Tu savais qu’elle sortait à peine de l’hôpital, non ?
— Oui, mais…
— Tais-toi ! Tu es encore allée te plaindre ? Dis-moi la vérité.
— Non ! Je voulais juste…
— Tu quoi ? Tu crois que je suis idiote ? Donc oncle Greg ment, c’est ça ? Hein ?
J’ai compris à ce moment-là que mon oncle avait retourné la situation.
Il avait sans doute entendu quelque chose.
Et, pour se protéger, il s’était empressé de raconter sa version.
Et maman, qui aimait tellement sa mère, a cru qu’à cause de moi, elle avait failli la perdre.
Alors j’ai fait le seul choix possible.
J’ai menti.
J’ai étouffé ma voix.
— Pardon maman… Je voulais juste entendre une histoire de mamie. Je savais pas qu’elle allait si mal…
— À 15 ans, tu savais pas ? Tu es encore plus stupide qu’à ton enfance ! Tu es une sorcière. Tu veux séparer ma famille. Tu m’as déjà apporté des complications en naissant. Et maintenant tu veux me prendre ma mère ?!
— Mam…
— Tais-toi ! Tu me pourris la vie ! Sors.
C’est là que j’ai décidé de me taire pour toujours.
Parce que, cette fois, mes mots avaient failli briser le cœur de celle que j’aimais le plus.
🕳️ Dans l’obscurité de ma chambre, une voix intérieure est née.
Elle s’appelait Amélie.
Elle me chuchotait :
— Ma pauvre… tu es un porte-malheur. Tu as failli tuer ta grand-mère.
Je pleurais.
Elle riait.
— Allons… tes larmes n’y changeront rien. Mais tu as de la chance. Moi et mes amis, on est là pour t’aider à disparaître doucement.
Tu ne veux plus faire de mal aux gens, n’est-ce pas ?
Je hochais la tête.
— Parfait. Alors première mission :
Tu fermes ta bouche. Jusqu’à nouvel ordre.
Et c’est comme ça que…
Ma voix est partie.
“Et ce silence… allait durer bien plus longtemps que je ne l’imaginais.”

Comments (0)
See all