j’ai entendu une voix familière.
Et là, dans le noir…
j’ai entendu une voix familière.
— Henriel ? C’est bien toi ?
— Dornelia ??
C’était elle.
Cette amie d’école qui m’avait surprotégée de la 6e à la 4e.
Celle qui partageait son goûter avec moi. Qui me défendait, me rassurait.
Celle qui avait quitté le collège pour une formation pro,
et qui, maintenant, sortait avec un homme bon, un étranger généreux.
— Oui, c’est moi ! (heureuse) Mais… que fais-tu ici, avec un sac d’école, à cette heure ?
— Ah je…
— Hum… connaissant ton oncle, tu ne devrais pas traîner dans ce coin-là.
Cette amie-là… elle avait pleuré quand elle avait dû partir.
Elle m’avait traitée comme une petite sœur.
Elle me ramenait de la nourriture. Elle restait à mes côtés.
Et là, elle était de nouveau là. En face de moi. Comme une évidence.
— Il m’a chassée. (murmure)
— Hein ? Parle plus fort.
— Je disais qu’il m’a chassée… parce que j’ai dit la vérité à ma mère. Alors elle a réduit l’argent.
— QUOI ?! Quel salaud… un vrai monstre. Il te met dehors dans un quartier pareil ?!
Je la regardais s’énerver. En silence.
Sa manière de parler m’avait manqué.
J’avais envie de la serrer fort.
— Il mérite la prison. Bref… ta mère sait que tu es à la rue ?
— Non.
— Quoi ? Mais pourquoi ?
Je baissai les yeux. Je venais de me rappeler.
En partant, il avait cassé mon téléphone.
— J’ai plus de téléphone… il l’a brisé.
— QUOI ?! Mais comment on va faire ? Tu connais l’adresse d’un autre membre de ta famille ?
— Non…
— Aaaah Henriel… y’a pas plus embrouillée que toi, sérieux. Bon. Réfléchissons.
— Mais…
— Chut ! Tu crois quand même pas que je vais te laisser ici ?
— Je veux pas te déranger, t’inquiète pas pour…
— Arrête un peu. Tu vas dormir où ? Tu connais même pas bien cette ville.
— C’est que…
— (Elle m’attrapa les épaules.) Écoute-moi bien. Tu crois vraiment que je vais te laisser dehors ?
Je n’ai pas changé, Henriel.
— Mais que…
— Bébé ? (Un garçon s’approche.)
— Ah, bébé, désolée.
— Qu’est-ce que tu fais ? On te cherchait partout. Et c’est qui cette fille ?
— C’est Henriel.
— Hein ? Elle existe donc vraiment ?!
(Il lui tape gentiment la tête.)
— Eeeeh, donc tu me croyais pas ?
— Si, mais… je m’attendais pas à ça. Désolé. Salut !
— Salut.
— Moi c’est Chris, et voici mon frère Julien.
— (Julien) Salut Henriel.
— Salut…
Ils écoutèrent attentivement pendant que Dornelia expliquait tout ce qui s’était passé.
Chacun affichait une tristesse, une indignation.
On s’est éloignés un peu.
Et pour la première fois… j’ai goûté à l’alcool.
C’était pas bon.
Mais j’y ai trouvé un étrange réconfort.
Et je me suis amusée. Juste un peu.
Assez pour oublier que j’avais été chassée.
J’avais des amis, maintenant. Des gens prêts à écouter.
À m’aimer sans condition.
À injurier ma famille à ma place.
Et il y avait lui.
Lui, qui était arrivé en silence.
Le meilleur ami de Dornelia. Grand. Beau. Mais froid.
Son regard me faisait peur.
Je l’évitais. Il imposait, même sans parler.
Alexandrin.
Je crois que… tu m’intrigues plus que mes problèmes.
Est-ce que c’est ça, la puberté ?
Non, je crois que j’ai dépassé l’âge.
Mais ta voix, Alexandrin…
Ta voix m’a figée.
— J’ai une chambre libre, chez mes parents.
Tu pourrais y rester, le temps que je finisse ma mission ici.
Je n’ai pas su quoi répondre.
Pas parce que j’étais choquée.
Mais parce que… j’étais émerveillée.
Pas par la proposition.
Mais par la manière dont il l’a dite.

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