Ce sera le 1er jeudi de septembre, il fera chaud. En 2096 la fraicheur de septembre sera toute relative. Ce sera mon premier jour dans cet établissement, je me sentirai toute petite, tout le monde me semblera bien plus vieux. Je reconnaitrai les longs couloirs qui se ressemblent tous, la cour, la bibliothèque, le restaurant et les chambres que le directeur nous aura fait visiter quelques mois auparavant. Je serai en chambre double avec une autre pensionnaire. La chambre sera petite mais propre, air climatisé-filtré (en 2096, on ne respirera l’air extérieur qu’après filtrage des particules fines et élimination des polluants). L’ouverture de l’unique fenêtre sera condamnée.
- « Ils ont peur qu’on s’enfuie ? » je penserai tout bas.
Mais je ne dirai rien pour ne pas faire honte à ma famille, pour ne pas les voir rougir. Ma co-turne me verra regarder la fenêtre cadenassée et me sourira. Je saurai qu’on est sur la même longueur d’onde. Ma famille me regardera m’installer, déballer mes affaires et les ranger dans la petite commode à côté de mon lit. Ils attendront un peu mais pas trop, juste assez pour être sûr que je vais bien rester. Ensuite, ils feront comme si tout allait bien, comme s’il n’y avait aucun problème à me laisser là.
- « On te récupère vendredi soir ! On ira manger à ta pizzéria préférée, ce sera sympa».
Je ne répondrai pas. S’ils croient que ça m’intéresse d’aller à la pizzéria avec eux. Et pas besoin de venir me chercher, ils pourraient aussi bien m’envoyer notre VAL (véhicule autonome).
Au bout de quelques jours, je me serai faite à la routine des lieux, à mon nouvel emploi du temps. Ma co-turne me briefera sur tous les mecs de l’établissement « tu vois celui-là, il a un an de plus que nous mais il est fait tellement plus jeune », « Et celui-ci, il parait que sa famille est tellement riche qu’ils ont trois maisons ». Mais celui qu’elle préférera ce sera le prof de sport, qui lui aura tapé dans l’œil parce qu’il joue bien au basket. Je passerai pas mal de temps avec ma copine de chambre, toujours côte à côte au fond de la salle. Sinon je resterai dans ma chambre, à lire ; sur mon lit ou parfois allongée par terre sur le tapis bleu. Avec ma liseuse intégrée à mes lunettes, je n’aurai qu’à faire un clin d’œil pour tourner les pages.
Et les week-ends, ce sera toujours pareil : la pizzeria et la maison, je squatterai le canapé avec mon casque de réalité virtuelle. Les interactions seront minimales avec ma famille :
- « Alors c’est comment, tu t’es fait des amies ?? »
- « …. Oui, oui….»
- « La nourriture est bonne ? »
On fera comme si tout allait bien, comme si tout était comme il faut.
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