Chaque mois, il y aura un bal organisé dans l’établissement. Notre premier bal sera celui d’Halloween. Tout le monde sera déguisé même si, dans tous les cas, ce sera facile de reconnaitre chacun, les tatouages, les cheveux teints, les démarches étant de bons indices. Des guirlandes accrochées au mur, ça aura un petit air de bal des pompiers ou de fête du village - quand il restait des villages (en 2096 les seuls villages restants seront ceux jouxtant les villes, les campagnes seront dépeuplées vouées à elle-même, plus d’école, d’hôpitaux, de mairie…). On en profitera pour tournoyer tous les deux au rythme de la musique tout autour de la salle en faisant de petits pas. Quel plaisir, même si nous ne savons pas vraiment danser. On se ravitaillera à la buvette de sandwichs au poulet pimenté (ce ne sera pas du poulet évidemment, juste une galette de viande développée en laboratoire à partir de cellules de blanc ou de cuisses de poulet, les élevages d’animaux pour la consommation humaine étant interdits depuis 2050). Je prendrai du blanc. Ce jour-là, tu me proposeras de faire le mur avec toi, une petite escapade secrète, pas longue. Je serai partante, j’aurai pu te suivre n’importe où. « Mais comment faire pour déjouer les détecteurs de mouvements ? » Une fois tout le monde couché (surtout les surveillants), on longera les murs dans l’obscurité en tentant de ne réveiller personne. Une fois dans le hall, à quatre pattes pour ne pas faire sonner l’alarme des détecteurs, on manquera de tout faire échouer en piquant un fou-rire incontrôlable. Irrésistible, toi dans ton costume de superman, moi en princesse froissée, à quatre pattes pour passer sous les détecteurs. J’essaierai encore de contenir mon fou rire quand tu commenceras à désamorcer le système de verrouillage de la porte. Enfin dehors ! La nuit sera fraîche. On s’assiéra un peu plus loin dans l’herbe, tremblotants de froid au bout de quelques minutes dans l’humidité de la nuit. Les éclairages modulaires de la ville clignoteront faiblement (fini la pollution lumineuse en 2096 grâce à des leds de faibles amplitudes intégrées dans les infrastructures, routes, ponts, immeubles), ce qui nous laissera tout loisirs d’admirer les myriades d’étoiles de la voie lactée. Tu me serviras un petit verre, tu auras tout prévu, et on se passera la dernière i-cigarette que tu te seras procurée, tu auras même un paquet de vieilles cigarettes, celles à combustion. On sera émoustillé par tant de liberté. On aura l’impression de faire les 400 coups, de vivre vraiment dans l’instant présent. On se sentira soudé « à la vie, à la mort ». Dans un élan d’insouciance naïve, je me brûlerais la main avec l’extrémité de ta vieille clope pour te prouver mon amour. Rien n’aura d’importance que notre bonheur présent, cette impression que nous seuls nous comprenons l’un l’autre.
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