Une fois rendu de nouveau au motel, il se précipita vers sa chambre, et se déshabilla. Il grogna de douleur, évitant de toucher la partie artificielle avec sa main gauche, par peur que le troisième membre artificiel lui aussi commence à faire mal. Rapidement, il s'empara de quelques outils, et détacha ses jambes, gémissant silencieusement avec la douleur du métal qui s'arrachait de sa peau en feu, les membres tombants sur le sol tapissé, atterrissant avec son sourd. La douleur lui paraissait moins forte maintenant, et en même temps, c'était comme si les deux extrémités de ses moignons de cuisses étaient engourdis, mais en feu. En regardant de plus près, il s'aperçut que ses jambes avaient vraiment l'air brûlées, pas trop, mais juste assez, rougeâtres, comme si de l'eau bouillante était tombé sur la chaire, juste un instant, mais assez pour laisser des marques sur sa peau, déjà couverte de cicatrices provenants d'un passé qui lui était inconnu. Caleb soupira, et se traîna vers la salle de bain, prenant une serviette et se soulevant au dessus du comptoir du lavabo sale et taché de brun. Il tourna le robinet d'eau froide, qui sortit du trou en coups saccadés, des gouttes glacées volants sur la main de Caleb et le faisant grelotter, puis devint plus chaude, et Caleb mouilla la serviette, avant de délicatement tapoter ses blessures avec le bout tiède. Il fallait dire que ça faisait longtemps qu'il avait utilisé autant d'énergie.
Le cœur d'alimentation du chien lui avait demandé plus que ce qu'il utilisait d'habitude dans ses réparations. Il n'utilisait pas souvent ses capacités à plus que 2%, par peur de faire surchauffer ou surcharger ses membres artificiels, et de se blesser par la suite. Et, comme il l'avait prédit, c'est exactement ça qui était arrivé. "Mautadine, pourquoi donc…" Caleb ronchonna, fixant ses moignons qui pendaient par dessus le comptoir. "Vous pouvez pas juste repousser pis me rendre la vie moins dure, non?" Il s'exclama, lançant la serviette contre le mur opposé. S'apercevant de son geste impulsif, il soupira et roula des yeux, avant de débarquer du comptoir. Heureusement qu'il avait des bras forts, sinon, il aurait été mal prit. Il se traîna vers la serviette, la mettant dans sa bouche pour retourner vers le lavabo et se hisser sur le comptoir, puis la déposa dans l'évier. Il gémit un peu, et ferma les yeux.
Son premier souvenir, c'était la ruelle. Une place sombre et puante, avec des sacs à ordures et plein de machines brisées ou défectueuses. Ses articulations restantes lui faisaient mal, et il avait de la misère à voir clair. Et là, il s'est aperçu qu'il ne savait rien, à part son nom, sa profession, et son… abilité.
Et puis le choc qu'il a eu en voyant sa main gauche, froide, sans douleurs ni sensations, blanchâtre-grise, avec des petits boudins noirs comme doigts, remplaçant ce qui aurait dû être de couleur beige uniforme, peau lisse, souple. Peut-être qu'il a toujours eu cela, mais au fin fond de son être, quelque chose n'allait pas. Et pourquoi avait-il perdu ses souvenirs?
Caleb s'est seulement rendu compte qu'il s'était endormi lorsque qu'il se réveilla en sursaut, une douleur aiguë à sa tête lui faisant lâcher un sacre assez villain. Il était tombé du lavabo, ce qu'il constata en ouvrant les yeux et se voyant par terre, et compris s'était sûrement cogné la tête sur le carrelage du plancher. Caleb grogna, clignant des yeux un peu, puis se traîna hors de la salle de bain, pour retourner au lit. S'il fallait qu'il dorme, au moins, ça serait mieux de le faire au lit. Il se rendormi presque immédiatement.
En se réveillant à nouveau, il fut heureux de constater que la douleur à ses jambes n'était plus là, même si, malheureusement, celle à sa tête était encore présente.
Il regarda le cadran sur la table de chevet, et râla en voyant l'heure. 10:35. Il faudrait qu'il sorte et aille dîner.
Caleb se leva, se rhabilla, puis prit son manteau et ses lunettes. Il ne partait jamais sans elles, peu importe s'il en aurait besoin ou non. C'était un peu comme une doudou, d'une certaine façon. Un objet qui lui était cher et qui le réconfortait.
Il se mit en marche vers la ville. Il se rappelait qu'hier soir en arrivant là, il avait vu un beau petit restaurant. Peut-être qu'il pourrait manger là? Ils y servaient de la nourriture Italo-Allemande, s'il se souvenait bien. Il n'en avait jamais mangé avant, mais l'idée d'un spaghetti aux saucisses et sauce tomates le faisait déjà saliver. C'était un plat qui sonnait tout simplement délicieux.
Il arriva au restaurant, et choisi une place, près de la fenêtre, puis examina les lieux. La place avait l'air plutôt vide, sûrement puisqu'il n'était que l'avant-midi, mais très belle tout de même. Les murs étaient faits en briques anciennes, rougeâtres et jaunâtres de tons poussiéreux. Il y avait des plantes et des fleurs sur le plafond, soutenues par une sorte de grillage. Certaines de ces plantes sillonnaient les murs, montants et descendants sur les briques en de beaux zig-zags, et certaines fleurs et tiges pendaient de par en-dessous de la grille, comme pour imiter les lampes de papier suspendues au plafond un peu partout dans la pièce. Les tables, bien que vides, étaient toutes très jolies, incluant la sienne. Elles étaient en bois poli, peut être en chêne, ou en sapin. Les garnissants étaient des nappes blanches en tissu, avec de la dentelle fine tout autour. Les ustensiles argentés, posés par dessus, étaient enroulés dans des serviettes rouges, qui complémentaient les bougies de couleur cramoisie, encore éteintes, dans le milieu des tables. Il prit celle sur sa propre table et la renifla. Ça sentait la cerise.
En admirant la place, il vit que la table en diagonale de la sienne était occupée par un homme et une femme bien bâtis. Ils étaient tous les deux en uniformes de couleurs sombres; capes, épaulettes, chemises à cravates, cheveux longs attachés en queues de cheval, et tatouages noirs sortants de leurs manches retroussées. L'homme avait une cape bleue pâle et un poitrail vide, alors que la femme en face de lui avait une cape bleue marine, et un poitrail remplie de médailles, qui indiqua qu'elle était sûrement haut gradé. Vu leur apparence générale, c'était des Mages de Jezebel. Caleb avala sa salive, se retourna, et porta son attention au menu devant lui. Pas le temps de les fixer, se mettre dans le trouble était la dernière chose qu'il voulait en ce moment.
Il scanna les noms de plats des yeux sur le papier ciré, cherchant celui du plat dont il rêvait depuis qu'il avait vu le restaurant pour la première fois, puis sourit, satisfait de l'avoir trouvé, avant de déposer son menu sur la table et d'attendre.
Quand la serveuse arriva près de lui, il commanda, puis s'installa un peu plus confortablement sur sa chaise, et regarda par la fenêtre. Et bien sûr, c'est là qu'il commença à pleuvoir. "Merde, j'aurais dû apporter un manteau plus isolant…" il pensa.
"Ouais, ça va pas être le fun, le retour à la maison. J'espère que tu va trouver un taxi!" Un rire se fit entendre derrière Caleb, et il se retourna, voyant le Mage juste devant lui. Caleb au une expression un peu apeurée, ce qui était normal. Les Mages ne parlaient jamais au civils, s'habitude . L'homme s'accroupit et regarda Caleb. Ou plutôt, le bras de Caleb, qui sortait de sa manche de manteau retroussée. "Oh, ça va aller, elle est étanche." Il répondit, fronçant des sourcils un peu. Qu'est-ce que cet homme lui voulait?
Sa supérieure se retourna, sûrement pour lui demander de revenir s'asseoir, mais eu une expression horrifiée lorsque son regard tomba sur le jeune homme, expression qui ne dura que quelques secondes, mais juste assez pour que Caleb s'en aperçoive. Bizarre…
"On s'est pas déjà vu quelque part?" L'homme lui demanda, tournant la tête légèrement comme pour essayer de mieux le dévisager. Qu'est-ce qu'il lui prenait?
"Oh, j'ai un visage commun, vous savez…" il rit nerveusement, grattant la cicatrice barrant la lèvre.
La serveuse arriva avec l'assiette de Caleb, et le Mage profita de l'occasion pour aller se rassoir, et Caleb pour commencer à manger, espérant que la Mage supérieure ne commence elle aussi à poser des questions bizarres.
Comment auraient-ils pu le reconnaître? Il était arrivé dans cette ville hier soir!
Peu importe, il s'en occuperait plus tard, car en ce moment, tout ce qui était important, c'était que ce spaghetti était délicieux.
Après avoir fini son assiette et avoir payé, il se leva, et se dirigea dehors, tirant ses lunettes sur son visage comme seule protection.
"Attendez!!"
La même voix que tantôt. "Merde, qu'est-ce qu'il veut, encore?" Il pensa en se retournant.
Le Mage s'approcha de Caleb, et lui tendit un parapluie noir avec une bordure bleue fluorescente.
"Tenez, ça peut vous servir." L'homme dit, avec un sourire qui avait l'air un peu sournois, mais aussi étrangement apeuré.
Il hésita. Peut être est-ce que tout cela avait un rapport avec son amnésie? Mais, il ne pouvait pas lui demander, au cas où c'était mauvais. Le regard des deux Mages l'inquiétait un peu, peut être valait mieux ne pas mettre de l'huile sur le feu.
"Non, ça va aller, gardez-le." Répondit Caleb, souriant poliment au Mage, avant de se retourner et de se rediriger vers son hôtel. L'expression de l'homme tomba, mais il ne suivit pas Caleb, et, après le regarder partir, ferma son parapluie, et s'en retourna vers le restaurant.
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