La pluie battait les carreaux de la fenêtre. Dehors, le ciel avait viré à la tempête. Une bourrasque de vent ouvrit violemment la fenêtre, qui vint renverser le pot de fleur posé sur le bureau. Le bruit réveilla Adriel en sursaut, et il s'empressa, d'un geste gauche, d'aller refermer la vitre. Fais chier, pensa-t-il, il adorait cette orchidée. Il la ramassa maladroitement, evitant les débris du pot en marchant dans la pénombre.
“Je la rempoterai demain, se persuada-t-il”
Il retourna se coucher, le torse en sueur.
Le jeune homme posa sa tête brune sur l'oreiller, sa mâchoire carrée prenant place dans le tissu. Il ferma ses yeux et s’enroula un peu plus dans ses draps. La nuit était à peine entamée, il saurait vite retrouver le sommeil. Il lui restait encore quelques heures à dormir, avant que la journée ne commence. Il aimait tant ces moments, où le temps semblait s’étirer, comme si soudain tout était en pause, et que le monde cessait de tourner. Il n’y avait rien à penser, et rien à faire d’autre que profiter de ces précieux instants de répis .
Il poussa un long soupir, et se rendormit.
***
Au petit matin, la pluie s'était arrêtée, et une lumière rose teintée de jaune passait par dessus les toits des immeubles, pour traverser la fenêtre et venir illuminer les yeux clos d'Adriel. Ce dernier, ouvrit les yeux et plaça sa main au dessus de ses paupières. Difficile de croire que la tempête avait ravagé son bureau cette nuit.
Il regarda le radio réveil sur sa table de nuit. 7h14. Encore quelques minutes et il se lèverait. Cela faisait quelques jours que l’été avait commencé, amenant avec lui des vacances bien méritées. Comme chaque année, sa mère avait organisé trois semaines de vacances chez sa tante. Il avait commencé à préparer ses affaires la veille, enfin plutôt à entasser des affaires sur son bureau dans le but de les mettre plus tard dans un sac.
Il regarda à nouveau son radio réveil. 7h20. Un bâillement contracta son visage.
Il se leva péniblement, et mit un pied à terre.
« Merde ! »
Il s'était entaillé le pied avec les vestiges du pot de fleur tombé pendant qu'il dormait. Il sautilla jusqu'à la salle de bain, sans même prendre le temps d'enfiler ses vêtements.
« Fais chier ! »
Il rinça son pied, la coupure n'était pas profonde. Il soupira de soulagement. Il pressa du coton pour empêcher le sang de couler. En se retournant il se retrouva nez à nez avec sa petite sœur, qui, à la vu du liquide rouge qui tombait en gouttes sur le sol se mit à courir en direction de la cuisine.
« Maman, maman, Adri s'est coupé et il saigne ! »
Sa mère déboula dans la salle de bain, son livre encore à la main, ses lunettes sur le bout de son nez.
« C'est rien, le vent a fait tomber mon orchidée cette nuit, il va falloir que je la replante.
- Je t'avais déjà dit de ne pas la mettre prêt de la fenêtre, surtout qu'il vente beaucoup cette semaine.
- Oui je sais, je ferais attention.
- Et tu pourrais t'habiller quand même, tonna sa mère en retournant vers la cuisine, suivie de très près par sa fille »
Il finit de désinfecter l’entaille avant d'aller s'habiller. Il se traîna jusqu'à la cuisine en boitillant, et se servit un café, qu'il amena jusqu'à sa chambre pour finir de préparer ses affaires. Il se brûla en avalant la première gorgée, et reposa sa tasse sur son bureau en grimaçant.
Il sorti de son placard un sac assez grand pour y contenir quelques vêtements, des livres, une trousse de toilette, son chargeur de téléphone, sa console et sa trousse de médicaments. Il s’arrêta un instant, s’étira, faisant craquer ses articulations. En se tournant pour libérer son dos de la douleur qui le prenait depuis quelques jours, il vit au pied de son lit un carnet, sur lequel était entreposée une trousse, vidée de ses stylos et pinceaux sur le sol. Il avait dessiné avant de s’endormir la veille. Il s’empressa de le ramasser et de l’ouvrir, comme s’il ne se souvenait plus de ce qu'il avait fait. Il parcouru les pages, une à une, à la recherche de son insomnie passée. Il aimait surtout prendre ses crayons et les faire glisser sur le papier le soir. Une fois la journée terminée, il pouvait se libérer de toute la pression accumulée en griffonnant son carnet jaune. C’était comme une danse dont il connaissait la chorégraphie par coeur. Le rythme des grattements du crayon qui s’use sur le grain de la feuille, la matière qui se dépose, les formes qui se créent, les ombres qui viennent s’ajouter. Un dessin retint son attention alors qu’il s’apprêtait a passer à la page suivante. C’était un phare, éclairant la nuit. On ne voyait presque plus le blanc du papier tellement le crayon avait marqué les ombres. Il l’avait fait quelques jours auparavant, et sur le moment, en avait été fier. Mais maintenant qu’il le voyait à nouveau, le dessin l’interpelait. Il soupira, se demandant s’il réussirait un jour à être satisfait de son travail.
Un bruit de pas dans le couloir l’aida à sortir de ses pensées. Il soupira de nouveau. Pas le temps d’avoir la tête ailleurs, il devait préparer ses affaires. Sa mère avait organisé ce voyage des mois auparavant.
Une fois son sac rempli, il l'amena jusqu'à l'entrée, et le posa sur une chaise.
« Ah parfait, tu as fini de faire tes affaires, lui dit sa mère. Tu as un peu de temps avant que nous partions est-ce que tu peux me passer un coup de balais s'il te plaît ?
- Tout de suite m'dame, répondit Adriel. »
L'appartement faisait 45m², il ne serait pas long à balayer. Le jeune homme vivait seul avec sa mère et sa sœur. Leur logis était petit pour trois, mais suffisamment grand pour qu'Elona et lui aient leur chambres. Dalia, sa mère, dormait dans l'entrée, sur le canapé qui se dépliait en lit. Chaque matin, elle refaisait le lit, et le repliait, et chaque soir, lorsqu’elle rentrait tard du travail, elle le dépliait et s’y écroulait, vidée de ses forces. Adriel, qui l’attendait tous les soirs, profitant de la table du salon pour dessiner, la couvrait alors d’un plaid avant d’aller se coucher.
Le jeune homme finit de passer le balais assez rapidement, pendant que sa mère faisait la vaiselle. Elona, de son côté, comptait les rayures de sa robe, afin de déterminer si elle était jaune à rayures bleues ou bleue à rayures jaunes.
***
Le train s’apprêtait à partir lorsqu’Adriel, Elona et Dalia montèrent à bord, essouflés.
“Places 67, 68 et 69, murmura Dalia, c’est à droite !”
Les deux frères et soeurs emboîtèrent le pas à leur mère.
Une fois assis, Adriel s’empressa de mettre ses écouteurs, et de lancer sa playlist. Les musiques familières se précipitèrent à ses oreilles. Il ferma les yeux, et posa son front contre la vitre, sentant les vibrations du mouvement du train secouer gentiment sa tête.
Il avait hâte d’arriver, il détestait les voyages. Trop de stress pour lui. Enfin, plus précisément il détestait devoir partir de chez lui. Préparer planifier, oublier... Voyager, c’était une autre affaire. Découvrir de nouveaux endroits était agréable.
“Merde mon orchidée.., pensa-t-il en serrant le poing et en baissant la tête”
Laissée négligement sur le sol à coté des débris de pot de fleur, elle serait sûrement morte à son retour. Pris de tristesse, il se renfrogna, soupira, et augmenta le volume dans ses écouteurs. Il ne tarda pas à s’endormir, bercé par la musique. Quand il rouvrit les yeux, le train était à quai.
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