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Les Murmures d'Ys [ FR ]

Chapitre 4 - La chute d'Ys (1/2)

Chapitre 4 - La chute d'Ys (1/2)

Apr 16, 2020

D’un geste de la main, le vieillard invita ses visiteurs à s’asseoir. Son attitude déconcerta Yuna. Avait-il rencontré d’autres korrigans avant elle ? Pourquoi ne manifestait-il pas de surprise ? En dépit de sa robe de bure, de son statut de moine, il ne la traitait pas en ennemie. Elle rejoignit Killian dans l’herbe et s’agenouilla.

Debout en retrait, Ewyn prit la parole d’un ton monocorde.

— Bénissez-moi, mon père. Comme convenu, la Croix d’Argent vous a envoyé un exorciste afin de purifier les ruines de la forêt. Vous serez heureux d’apprendre que j’ai mené cette tâche à bien. Sur ce, je rentre à l’abbaye. Que la paix de Dieu soit avec vous.

Sur un bref salut, il fit volte-face. Stupéfait, Killian ouvrit la bouche. L’ermite le rappela avant.

— Ne t’enfuis pas si vite. Ce garçon et cette créature ont des choses à t’enseigner.

Ewyn se retourna. Il jeta aux autres un œil blasé.

— Ça m’étonnerait. Que pourraient-ils bien m’apprendre ?

— Assieds-toi, te dis-je. L’obéissance est le premier échelon de l’humilité*.

Il daigna s’exécuter. Son attitude transpirait l’agacement, le scepticisme. Killian se sentit froissé.

— Humains et petit peuple se côtoient rarement, poursuivit l’ermite. J’en conclus qu’un problème grave vous pousse aujourd’hui à venir me consulter. Exposez-le-moi. J’essaierai de vous répondre de mon mieux.

Ils se consultèrent du regard ; Yuna acquiesça d’un signe de tête. Le paysan tira la clé d’or de sa poche.

— Nous avons trouvé ceci. Elle reposait dans un coffret beau, très ancien. Nous aimerions savoir à quoi elle sert.

Le vieil homme saisit l’objet, examina son anneau central. Soudain, ses yeux s’écarquillèrent. Son souffle se suspendit.

— Quoi ? s’alarma Yuna. Qu’y a-t-il ?

Il hoqueta.

— Je… Je n’aurais jamais cru voir cela un jour, dans ma modeste vie.

— Par Ana ! Expliquez-vous !

— Ceci est l’une des clés légendaires de la cité d’Ys !

La stupeur frappa Yuna. Furieux, Ewyn bondit sur ses pieds.

— Vous voulez rire ?! La Croix d’Argent cherche ces clés depuis des siècles. Comment l’une d’elles pourrait-elle surgir de la poche d’un simple gueux ?!

— Dis donc, toi…

Offensé, Killian se redressa. La main de l’ermite jaillit, s’agrippa à son poignet. D’un regard, il lui commanda de se contenir. Serrant les dents, l’intéressé obtempéra.

— Ton ordre se distingue par son arrogance, assena le vieux moine. Cette attitude vous maintient dans l’échec. Or, ton supérieur n’en retire aucune leçon.

— Je vous interdis de critiquer l’abbé Fearghal !

— Calme-toi, mon fils. Observe le silence, comme tu devrais le faire.

À son tour, Ewyn se rassit. Son teint s’embrasait de colère. Yuna tira sur la robe de l’anachorète d’un geste empressé.

— Selon l’Ancienne de mon village, cette clé me permettra de retrouver ma sœur. Pouvez-vous m’en dire plus ?

— Ta sœur a-t-elle été emportée par les esprits d’Ys ?

— Oui. En quoi cette chose me sera-t-elle utile ?

Le regard de Killian glissa de l’un à l’autre.

— Attendez ! C’est quoi, « Ys » ?

— Voyons, s’étonna l’ermite, tu ne connais pas la légende ? Elle est pourtant fort répandue !

L’air dépité, il se gratta la tête.

— Que voulez-vous… J’ai manqué quelques veillées.

— J’ignore aussi nombre de détails, déclara Yuna. Mon peuple n’a pas conservé beaucoup de traces écrites, hormis quelques études sur le fonctionnement des portes.

Le vieillard hocha le menton.

— Je vois. Laissez-moi donc vous rapporter cette histoire, dans sa version à ma connaissance la plus complète.

« Voilà plusieurs siècles, une ville se dressait au large des côtes de Cornouaille. Ses rues formaient un labyrinthe remontant vers une butte. En haut, un palais magnifique élançait ses tours vers la demeure de Dieu.

« Les maisons riches avaient des toits d’ardoises, des murs blancs. Des pavés garnissaient les artères larges et les passages étroits. De grands jardins offraient des promenades agréables. Les montreurs d’animaux, les marchands se pressaient sur les places. Des négociants de tous horizons faisaient des affaires sur le port. Les navires affluaient depuis la Bretagne, la Gaule, les îles du Nord. Tous les rois ambitieux des alentours désiraient bâtir des cités à son image. Les Francs nommèrent même leur capitale Par-is, ce qui signifie "pareille à Ys".

« Le premier souverain avait fait construire sa ville sur une petite île, non loin du continent. Cette position stratégique lui permettait de filtrer les entrées. La mer formait une barrière naturelle contre d’éventuels envahisseurs. Ys constituait donc un lieu très sûr, protégé à la fois par sa garnison de soldats et par sa géographie.

« Cependant, un événement inattendu se produisit. Le niveau de l’eau monta d’année en année. Au début, le phénomène paraissait anecdotique ; il se révéla de plus en plus inquiétant. Les inondations se multiplièrent. En quelques siècles, l’océan s’éleva au point de menacer les rues d’engloutissement.

« Sous son règne, le septième roi entreprit de doubler les digues existantes avec de véritables murailles. Il demanda au peuple de la terre, les korrigans, et au peuple de la mer, les morgans, de conjuguer leurs connaissances afin de concevoir une porte monumentale. Dès lors, derrière son enceinte épaisse, Ys ne craignit plus les calamités. Avant chaque marée, les gardes condamnaient l’accès. Lorsque l’océan se retirait, ils rouvraient les vantaux et permettaient à nouveau aux bateaux d’entrer et de sortir.

« L’océan continua de gonfler. La cité passa sous le niveau de l’eau à marée haute. Les bourgeois n’éprouvaient pas de peur, l’envie de s’installer ailleurs. Sûrs de leur protection, ils oublièrent totalement la notion du danger. En hiver, la tempête pouvait se déchaîner, les vents mugir. Les vagues battaient les murailles, mais rien, rien ne surpassait l’orgueilleuse place défiant les lois de la nature.

« Deux clés fermaient les postes de commande de la grande porte. Le souverain en personne les gardait autour du cou, sans jamais les quitter. Elles symbolisaient des centaines de vies, des siècles d’histoire. De toutes les merveilles d’Ys, ces objets, si petits qu’ils soient, étaient les plus précieux.

« Comme dans toutes les capitales, une part d’ombre se développa. Certains voyageurs décrivaient la cupidité, la fourberie des habitants. Des cargaisons, des gens disparaissaient parfois.

« Sous le règne de Gradlon, la débauche s’invita jusqu’au palais. La princesse Dahud organisait de nombreuses fêtes. Des notables de tous les pays accouraient pour manger à foison, boire, se trouver des femmes. Le roi n’approuvait pas ces débordements, mais il vivait dans le souvenir de sa défunte épouse. Il laissait son enfant unique, sa fille chérie, faire tout ce qu’elle voulait.

« Le caractère de Dahud se gâta. De capricieuse, elle devint méchante. Bientôt, elle ne respecta même plus la vie. Chaque soir, après ses réceptions, elle invitait discrètement un homme à rester en sa compagnie. Au matin, elle le tuait et le jetait à la mer.

« Un jour, un noble inconnu débarqua au port. Tout le monde admira sa beauté, ses bonnes manières. Il savait jouer de son charme et de son verbe. La princesse ne manqua pas de le remarquer. Elle lui demanda de la rejoindre dans ses appartements une fois le bal fini.

« L’heure venue, l’homme obéit. Il lui parla de sa grâce, de son intelligence. Selon lui, les pleins pouvoirs lui revenaient à elle seule. Par son audace, Dahud faisait le prestige de son royaume. Elle devait donc tenir les clés et décider de la vie, de la mort de chacun de ses sujets.

« Confortée dans son orgueil, cette femme s’introduisit dans la chambre de son père. Elle profita de son sommeil, coupa le cordon et s’empara des objets d’or. Lorsqu’elle revint vers son amant, celui-ci les lui arracha. Il la frappa fort. Elle tomba évanouie.

« À son réveil, Dahud ne trouva pas sa trace. Son bateau n’était plus amarré au port. En revanche, les portes ouvertes laissaient entrer des lames immenses.

« Les postes de commande furent les premiers submergés. Les gardes essayèrent d’actionner le mécanisme, en vain : l’inconnu et ses complices avaient tout saboté.

« L’océan terrible se déversa dans les rues. En un battement de cils, les vagues engloutirent les maisons. La mer noya les gens entre leurs murs, rattrapa ceux qui fuyaient. Des torrents de débris destructeurs se répandirent.

« Gradlon s’éveilla sur une vision d’horreur. L’eau léchait les pieds du palais. Les bêtes s’affolaient dans les écuries. Les domestiques grimpaient dans les arbres, se hissaient sur les toitures. Il courut chercher son cheval Morvarc’h, cadeau de sa défunte femme Malgven. Cet animal-fée pouvait galoper si vite qu’il volait par-dessus les flots.

« En chemin, le souverain rencontra sa fille sanglotante. Saint Gwénolé, son conseiller fidèle, arriva sur sa propre monture en criant de fuir. Des survivants affolés tambourinaient contre les portes du château. Le roi ramassa Dahud, ordonna d’ouvrir le passage. Les malheureux se précipitèrent à l’intérieur. Les cavaliers prirent la direction inverse et se jetèrent dans la mer.

« Gradlon et saint Gwénolé poussèrent les bêtes à contre-courant. L’homme de foi montrait la voie. Derrière, le destrier royal luttait pour avancer. Le chaos régnait. Les sabots de Morvarc’h s’enfonçaient de plus en plus.

« L’animal râla. Il se débattait avec force, mais il sombrait davantage à chaque foulée. De l’eau jusqu’aux genoux, son maître blêmissait.

« — C’est votre fille ! hurla saint Gwénolé. La faute de ce désastre lui incombe ! Le poids de ses péchés abat votre cheval. Si vous ne la laissez pas, vous mourrez tous les deux !

« Gradlon s’obstina. Morvarc’h cria. Les flots entrèrent dans ses naseaux. Il rejaillit en battant des jambes.

« — Est-ce vrai ? M’as-tu volé les clés ? demanda le roi.

« Dahud confirma en pleurant. Une nouvelle lame engloutit la monture. Gradlon prit peur. D’un geste, il poussa sa fille dans l’océan.

« Des supplications retentirent. Le souverain ferma ses oreilles, continua droit devant. Morvarc’h trouva juste la force d’atteindre le rivage.

« Au matin, Gradlon et saint Gwénolé réalisèrent l’effroyable : ils étaient les seuls survivants. La mer rejetait des cadavres. À la place d’Ys flottait un tas de déchets informe. En une seule nuit, son peuple, son prestige avaient été anéantis.



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* Extrait de la règle de saint Benoît, manuel de vie monastique rédigé au VIe siècle.

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Mélange d'action, de folklore traditionnel, d'aventure et de fantasy, Les Murmures d'Ys revisite la Bretagne du XIIe siècle, entre réalité et légendes aussi merveilleuses que glaçantes !

[EN] Les Murmures d'Ys (The Whispers of Ys) tells the story of Killian, a young and disenchanted peasant from Brittany, in the 12th century. One day, by accident, he unearths a mysterious object straight out from a distant past. It's the beginnig of a fantastic journey to the sunken city of Ys, where the treasures and the cursed souls sleep...

The Whispers of Ys is the first book I publish here ! Unfortunately, I don't feel comfortable with English yet, so it will be published in French. I hope one day I'll be able to propose a good translation !
Thank you for your caring !

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