C'était qui, ces deux-là, déjà?
Raphael… Gabriel…
Le grand homme à sa droite, appuyé au mur avec le regard à terre, yeux caramels et longs cheveux frisés noirs… c'était Gabriel.
La fille à sa gauche, qui fixait le plafond, aux cheveux tressés et aux piercings sur son visage, c'était Raphael. La sœur de Gabriel.
Il savait ça… mais pourquoi?
Non, il ne fallait pas qu'il continue à y penser!
Penser à ça le ferait penser à toutes les autres choses!
Sa tête lui faisait mal, comme si elle était pleine de coton. Mieux vaut ne pas trop penser. Mieux vaut ne plus bouger, ne plus crier, plus rien faire.
Il ne fallait pas qu'il se souvienne!
Par pitié, il ne voulait pas s'en souvenir!
S'il fermait les yeux, peut-être que ça passerait plus vite.
Il entendit les deux Anges parler. Il devrait peut être les écouter, histoire d'arrêter de penser à ses souvenirs méli-mélos.
"T'es vraiment sûre que c'est Mikhael? M-mais-"
"Il s'est effacé la mémoire avant de partir."
"On aurait dit quelqu'un d'autre.. son visage, son expression… ils sont si différents.."
"C'est vrai, mais…"
De quoi est-ce qu'ils parlaient..? Non, nom, il ne fallait pas y penser. Il fallait juste focuser sur leurs mots, sans y chercher le sens. Combien de lettres dans "Mikhael"? Quels sont les synonymes de "sûre"?
Soudainement, Gabriel se tourna vers la porte, portant une main à son oreille. "Je reviens, cinq minutes. Urgence."
Il sortit rapidement. Si seulement l'autre pouvait sortir, elle aussi.
Caleb inspira profondément, essayant de garder son calme. C'était difficile, avec la douleur.
Espérons qu'il trouve une façon de sortir bientôt.
Jezebel vint le revoir à plusieurs reprises. Chaque fois, pour lui demander s'il se souvenait de lui. Et chaque fois il se décidait à ne rien dire.
Les pensées se battaient dans sa tête, comme si elles essayaient toutes de prendre le dessus. Pour les ignorer, il prit tous les moyens possibles. Écouter les conversations de ses gardes, compter les tuiles sur le plancher, puis celles du plafond, regarder combien de taches de sang il y avait sur sa camisole, compter les taches de rousseur sur son bras, passer sa langue sur ses dents pour trouver les irrégularités, compter les secondes, même se concentrer sur la douleur à sa tête, comme si elle pouvait être plus forte que ses souvenirs…
Après trois jours, il était à bout. Il n'y avait plus rien à faire pour se concentrer. De toute façon, il se sentait tellement faible, qu'il ne croyais pas vraiment que ça changerait grand chose, car il finirait sûrement par s'évanouir.
À part les maigres rations qu'il se faisait donner, et le peu d'eau, ce qui avait sûrement été fait pour l'affaiblir assez pour qu'il devienne docile, il n'avait rien d'autre pour lui redonner des forces. Cela faisait des jours qu'il n'avait pas dormit. Si seulement...
Mais soudainement, la machine s'arrêta.
Ce n'était pas juste l'arrêt temporaire pour lui donner un semblant de répit, non… jugeant par le grondement qui diminua...
C'était un vrai arrêt.
Pourquoi donc?
Il était si fatigué. Il n'avait même pas la force d'y penser plus. Il n'avait pas la force de penser tout court. Il ouvrit la bouche, histoire de demander ce qui se passait, mais, trop exténué, tout ce qui sortit fut un filet de bave, qui coula hors de ses lèvres asséchées, et atterri sur ses pantalons.
Puis soudainement, ses liens se détachèrent, et il tomba au sol. Même pas capable de se lever. Même s'il en avait la force, ça serait presque impossible sans ses jambes et son bras.
Il sentit quelqu'un le soulever, et sortir.
Il ne pût qu'émettre un faible gémissement en réponse à cette action, trop fatigué pour parler.
Il releva la tête faiblement. C'était la Mage Raphael.
Qu'est-ce qu'elle faisait..?
Elle le trimballait nerveusement dans ses bras, marchant rapidement le long d'un couloir blanc. Elle regarda des portes, les ouvrants une après l'autre.
Elle arriva devant une grande porte blindée, et déposa Caleb à terre. S'apercevant qu'il la fixait, elle le regarda de retour. "Oh, t'es encore réveillé?"
Il hocha lentement de la tête, regardant autour de lui.
"J'te sort d'ici." Chuchota-t-elle, le soupçon d'un accent français dans sa voix, avant d'entrer dans une pièce, et de pousser un bouton, qui activa la porte.
"J'aurais aimé ça trouver tes membres, mais je sais pas ils sont où, alors, ça falloir faire avec."
Rapidement, elle reprit Caleb dans ses bras. La porte se referma derrière eux rapidement, et elle marcha un peu plus rapidement.
Une alarme sonna au loin, et elle sursauta. "Ahh, putain, j'croyais pas qu'ils s'en aperceveraient aussi vite!!"
Elle commença à courir, mais, dans sa course, tomba nez-à-nez avec Gabriel.
"L-Lizza, qu'est-ce qu-" il s'exclama, regardant Caleb, puis lui prit le bras. "Qu'est-ce que tu fais??"
Elle glissa son bras hors de l'étreinte de son frère et le foudroya du regard.
"J'le sort d'ici. S'il est parti, c'est pour une bonne raison, et moi en tout cas, j'veux savoir c'est quoi!"
"M-mais-" il s'arrêta, puis soupira, regardant la porte blindée, vers où des cris se rapprochaient. "Je veu- je peux pas t'arrêter... mais les autres vont le faire."
"Je sais."
"Je suis désolé…"
Raphael recommença à courir, sans répondre à son frère, qui resta sur place, à les regarder partir. Elle venait juste de franchir la porte de sortie lorsque la porte du couloir s'ouvrit, et d'autres mages et soldats sortirent, bousculant Gabriel pour courir vers Raphael. Des coups de balles retentirent dans le garage, et Raphael doubla de vitesse.
Rapidement, elle s'empara d'un camion, et rentra dedans, avec Caleb à côté, l'attachant rapidement.
Une balle frappa la fenêtre arrière et Raphael se dépêcha d'allumer la voiture.
"Allez, allez, plus viiite…" siffla-t-elle nerveusement, tournant et retournant la clé à maintes reprises, avant de se tanner, de zapper la boîte d'un index, et de démarrer.
Elle commença à conduire, allant le plus vite possible, et défonçant les portes du portail menant à l'extérieur.
Elle se retourna momentanément vers Caleb.
"Est-ce qu'y'a un endroit sécuritaire où je peux t'cacher??" S'exclama-t-elle.
Il n'entendait presque rien. Sa tête tournait et lui faisait mal, et les lumières multicolores des panneaux dehors n'aidaient pas non plus.
Nathanahel. Il fallait aller voir Nathanahel.
"N-Natha… nahel…" il marmonna, dans une sorte de demi-sommeil. "Papa…"
Élizabeth soupira, et redoubla de vitesse.
"Nom de famille?"
Utilisant toutes les forces qui lui restaient, avec son seul membre restant, Caleb se releva sur son banc, et gémit. "Nathanahel… Vermillion…"
Puis sa tête tomba vers l'arrière et tout devint obscure.
Il regardait la télévision avec sa sœur. Il y avait un petit robot à terre, qui roulait et faisait de petits bips sonores.
Sa sœur rit, et poussa le robot.
Quelqu'un sonna à la porte. Marie ouvrit la porte.
Il y avait deux hommes, en costumes cravate.
Les deux parlèrent. Caleb ne comprenait pas vraiment. Il n'avait que dix ans, après tout.
Marie se fâcha, et Azariah embarqua dans la conversation, qui ne faisait que monter en intensité.
Puis soudainement, l'un des deux hommes poussa Marie, pointant les deux avec un fusil, et se précipita vers Judith.
Judith commença à pleurer et à crier, en mordant et tapant l'homme du plus fort qu'elle pouvait avec ses petits poings.
Caleb fonça sur l'homme, essayant d'aider, mais l'autre s'en empara. Finalement, Judith réussi à se déprendre, et sauta, se sauvant.
Caleb ne fut pas aussi chanceux.
Les hommes s'enfuirent avec lui.
Ils grimpèrent dans une voiture,
Caleb essaya de sortir par la fenêtre.
Il vit ses parents et sa sœur qui couraient.
Judith s'accrocha à la fenêtre, tapant dessus en hurlant de redonner son frère
L'un des deux hommes sortit son fusil et lui tira dessus.
Elle tomba, alors que du sang gicla de son oeil droit.
Caleb avait peur.
"Ils ont le même groupe sanguin, ça devrait fonctionner pareil."
Caleb ouvrit les yeux. Sa vision était embrouillée. Il ne pouvait que voir des formes. Il était couché… dans un lit?
"Oh, dieu merci!"
Cette voix… c'était…
Caleb cligna des yeux, et grogna. Il se sentait mieux qu'avant d'être tombé dans les pommes. Sa tête lui faisait encore mal, par contre.
Quand sa vision redevint claire et il put voir normalement, il poussa un soupir de soulagement.
"N-Nath..?" Fit-il d'une voix faible.
Nathanahel sourit, et le prit dans ses bras. "Caleb! Oh, j'ai eu vraiment peur, t'sais??"
Il le serra fort, puis le re-déposa sur le lit. Caleb bascula un peu. Dur de garder l'équilibre avec un seul bras et pas de jambes.
"Ça va? Qu'est-ce qui s'est passé? Et c'est qui la Mage, là?"
Caleb regarda Raphael, qui était assise sur une chaise près de la porte. Elle avait enlevé sa cape et son manteau, et regardait le plafond.
"Oh…"
Pourquoi était-elle encore là?
"J'ai beaucoup de choses à t'expliquer, Mikhael. Mais…" elle regarda Nathanahel. "J'aurais besoin d'être seul avec lui…"
Mikhael… tout simplement entendre ce nom lui donnait la chaire de poule.
Nathanahel soupira, et se leva. "Bon, d'accord." Il prit Caleb par l'épaule. "Si y'a quoique ce soit, chui en bas, ok?"
Caleb acquiesça, et puis Nathanahel s'en alla, le laissant seul avec Raphael.
"Mon nom, c'est Caleb." Dit-il d'une voix rauque.
Elle soupira, et se redressa sur sa chaise, souriant, un peu amusée. "Si c'est comme ça, moi j'm'appelle Élizabeth. Élizabeth Angevin."
Caleb resta silencieux, puis regarda le plafond.
"Pourquoi… pourquoi est-ce que tu m'a sauvé..?"
"Parce que, Caleb, t'es le premier d'entre nous qui a réussi à te sortir de l'emprise de Jezebel."
Jezebel…
Il sentit une rage monter en lui, et serra son poing. Élizabeth continua.
"C'est un rat, cet homme. Il nous manipulent, son emprise est tellement forte autour de nos cous,-" elle passa sa main sur son collier, qui brillait faiblement "-longtemps, on a cru que c'était impossible de sortir. Et puis, il y a ceux qui sont réellement loyaux envers lui, et qui n'ont aucune envie de sortir." Élizabeth passa une main sur son front, puis secoua sa tête, la chaîne accrochée à son nez suivant le mouvement. "Mon frère, Gabrie- euh, Ezra, il n'est pas vraiment d'accord avec ses valeurs, mais…" elle regarda par la fenêtre. "Il fait bien son rôle de p'tit soldat. Je sais qu'il jamais aimé Jezebel, et il sait t'es qui, mais… depuis qu'il a perdu la mémoire, il fait qu'obéir aux ordres, sans poser de questions…" Elle sourit. "C'est drôle. Il avait l'air content de te voir. Tu sais, il t'admirait beaucoup, avant."
Puis, après un moment de silence, elle se retourna vers lui. "En parlant de ça, comment ça va, les souvenirs?"
Caleb haussa les épaules. "J'essaie de pas trop y penser."
Élizabeth fronça les sourcils. "Vraiment?"
Il hocha la tête. "C'est douloureux. J'me sens pas vraiment prêt à voir ça."
Elle soupira, et se recula sur sa chaise. "Ok…" Puis elle fixa son mognon qui lui servait de bras gauche. "Ton paternel, Nath, il avait l'air fru, quand il a appris que t'avais perdu tes jambes et ton bras. Qu'est-ce que tu va faire?"
Caleb soupira. "Je pourrais les refaires. J'aime bien à quoi ils ressemblent de toute façon. Et j'pourrais ajouter quelques p'tits trucs de plus."
Puis, soudainement, il se redressa. "OH, JUDITH!!"
"Judith?"
"Ma soeur, e-elle était là quand j'me suis fait enlevé! Et mes parents aussi!!"
Élizabeth eut l'air confuse "Tes parents? M-mais, Nath, c'est pas ton père?"
Caleb rit un peu. "N-non… enfin, un peu. J'veux dire, mes parents biologiques. Nath c'est juste mon ami, même s'il agit comme mon père, des fois."
"Oh... ok." Elle se leva. "Ils vivent où, ta famille? J'pourrais aller leur parler." Demanda-t-elle, plaçant sa main sur la poignée.
"Oh, dans le complexe Mirabel, à l'appartement 7-"
Soudainement, le souvenir de son kidnapping, quand il était enfant, surgit.
"J-je sais pas si ils seraient contents de voir un Ange, par contre."
Elle haussa un sourcil. "Pourquoi?"
"Parce que, c'est à cause de Jezebel q-que, qu'on m'a enlevé de ma maison, et tout.."
Elle sourit. "Oh. Non, c'est correct. Ils se souviennent pas de ton kidnapping."
Caleb fronça les sourcils, surpris par cette nouvelle. "Q-quoi??"
Elle rit. "J'peux pas te dire pourquoi, par contre. Faut que tu t'en souvienne. Ordres de… Mikhael lui-même."
Puis, rapidement, elle s'éclipsa, et Caleb resta seul dans la chambre. Enfin, pour quelques secondes seulement, car, avant même qu'il n'aie le temps de penser à ce que Élizabeth lui avait dit, Nathanahel revint rapidement, trimballant la chaise.
"Ça va?" Fit-il, le prenant dans ses bras pour le faire s'asseoir.
Caleb hocha la tête. "Elle est allé chercher mes parents."
À cette mention, Nathanahel figea, et fit une grimace de confusion. "H-hein??"
Caleb rit, et lui tapota l'épaule. "J'ai beaucoup de choses à te raconter, huh?"
Comments (0)
See all