3-Faire connaissance
Alex et la femme commencent à s’accorder. A chaque fois qu’il rentre de la bibliothèque, elle est là, toujours exactement au même endroit, et semble l’attendre, lui.
-Est-ce que tu es là aussi les jours où je ne travaille pas à la bibliothèque ?
-Non. Je ne suis là que quand tu es là.
-Mais je ne t’ai jamais dit quand je travaille !
-Non. Mais je ne me suis jamais retrouvée là sans que tu ne passes.
-Comment arrives-tu là ?
-Je ne sais pas…
-Tu ne sais pas où tu ne veux pas me le dire ?
-…
-Pas… pas de problème.
La femme n’était pas sûre que parler du couloir sans fin à Alex était une bonne idée. Cependant, elle avait retrouvé quelques souvenirs « d’avant » le couloir. Ils ne contenaient aucun nom, aucune information utile. Juste quelques sensations, quelques images et sons complètement décousus. Rien qui soit vraiment utile. Tout ce qu’elle avait pu en tirer, c’était qu’il y avait eu quelque chose avant le couloir. Quelque chose comme ce qu’Alex vivait. L’environnement dans lequel elle se trouvait lorsqu’elle était à ses côtés lui semblait étrangement familier même si elle n’avait encore rien retrouvé de similaire dans ses souvenirs.
Pendant leurs échanges, elle ne savait pas quoi dire ou quoi demander et se contentait de répondre aux questions d’Alex lorsqu’elle le pouvait. Mais elle voyait bien qu’il semblait toujours peiné à chaque fois qu’elle ne savait pas. Elle maudissait intérieurement son état. Elle était toujours très heureuse de se retrouver en-dehors du couloir, et encore plus lorsque la Ford noire s’arrêtait. Mais à cause d’elle, leurs discussions n’en étaient pas vraiment.
Même si elle n’avait toujours aucun repère dans le couloir, Alex avait évoqué des noms de jours. Elle avait retenu un cycle. Trois jours de suite avec lui, puis un jour sans, puis elle le revoyait une fois, puis elle devait attendre deux jours. Et le cycle recommençait. C’était ce qu’elle avait retenu. Et elle essayait de le sentir, ce temps qui passait, lorsqu’elle marchait seule dans le long couloir. Parfois elle y arrivait, parfois pas.
Encore d’autres sensations avaient fait leur apparition, elle avait maintenant faim et soif lorsqu’elle attendait dehors. La bouteille d’eau était toujours présente et après plusieurs cris de son ventre, Alex lui avait indiqué où trouver des biscuits. La femme lui était très reconnaissante.
Lorsqu’elle le quittait, un trouble l’envahissait. Elle n’arrivait pas à penser clairement, son esprit était flou ou inexistant. Cela lui rappelait quelque chose, elle avait déjà ressenti quelque chose comme ça avant.
Alex
Alex était toujours heureux de prendre la femme en stop. Même si elle ne disait pas grand-chose, qu’il ne connaissait pas son nom, qu’il trouvait la situation un peu bizarre. C’était devenu une habitude. Elle semblait avoir mémorisé les horaires de son travail et était toujours là, au bord de la même route, toujours au même endroit. Depuis quelques temps, elle lui semblait plus proche, plus… Humaine ? Vivante ? Elle lui parlait, elle avait faim et soif et lorsqu’elle lui serrait la main, elle était tiède. Pas vraiment chaude mais plus glaciale.
Elle n’était pas très bavarde mais écoutait toujours Alex avec une grande attention et beaucoup de bienveillance. Il ne se sentait jamais vraiment jugé. Il préférait éviter les longs silences et avait tendance à parler d’un peu tout, principalement ce qu’il aimait ou simplement sa journée.
Et rien ne lui faisait plus plaisir que lorsqu’elle se rappelait d’un détail ou demandait la suite d’une histoire, ou prenait des nouvelles d’un ami d’Alex.
Même s’il appréciait vraiment de la voir, lorsqu’elle ressortait de sa voiture, il repassait toujours leur échange en tête un nombre incalculable de fois, se demandant où il avait été trop loin, où il avait été trop indiscret, ce qu’il avait fait et qui l’avait mise mal à l’aise, …
Et puis, lui aussi gardait certains aspects de sa vie pour lui. Il n’avait jamais mentionné sa mère devant la femme, et encore moins le fait qu’il ne puisse jamais lui dire non. D’ailleurs, il la déposait toujours quelques rues avant chez lui, afin d’éviter que sa mère ne voie une femme sortir de sa voiture. Il se sentait honteux de cette situation mais que pouvait-il y faire ?
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