À l’intérieur se trouvait une statue et face à cette dernière avait été dressée une table avec de la nourriture. Des offrandes. Un autel. Un autre coup d’œil lui pour s’assurer qu’il n’y avait personne, Ayden pénétra dans ce qu’il devinait à présent être un temple. Mais un sanctuaire de quoi ? Cette divinité lui était inconnue, son apparence délicate ne lui laissant pas savoir si c’était un homme ou une femme. C’était sans compter la longue robe dont les plis avaient été sculptés avec soin.
La statue tenait dans sa main une épée droite, et la gauche était devant son torse, paume ouverte et doigts tendus, et Ayden avait beau la détailler, aucune réponse ne lui parvenait. Avait-il été transporté dans une région voisine ? Mais il n’avait jamais entendu parler de cet endroit. Était-ce possible que ce soit une contrée encore inconnue ? Mais comment se pourrait-il ? Et dans ce cas, comment expliquer la position des étoiles et de la lune ? Les autres territoires auraient trouvé cet emplacement, l’information aurait fini par se transmettre et tous auraient appris l’existence de ce lieu après un temps certain.
Les guerriers du Nord dont Grodyr faisait partie étaient d’incroyables marins, rodés aux caprices des eaux salées. S’ils avaient découvert quelque chose, son ami le lui aurait dit. Ou alors le pouvoir qu’il sentait ici, cette énergie omniprésente, permettait à ce peuple de se camoufler.
L’expression sombre, Ayden rumina encore un instant avant de porter son attention sur les présents laissés à la divinité. Même si Ayden n’était pas particulièrement croyant, n’accordant qu’une prière à la Mère à chaque nouvelle lune, il faisait preuve de respect envers les dieux et connaissait sa place. Mais c’était peut-être là ses seuls vivres avant un long moment.
Il soupira, divisé, et après un temps de réflexion, il ploya le genou pour adresser ses remerciements à cette entité avant de retirer ce qu’il y avait sur la table sans même chercher à savoir ce que c’était. Des gens avaient bâti ce temple dans un endroit loin de tout et prenaient la peine de venir jusqu’ici déposer des offrandes : personne n’allait mettre de la nourriture non comestible sous peine de s’attirer les foudres de ce dieu ou de cette déesse, ça, Ayden en était certain. Terminant de nouer sa chemise sur ces petits pains blancs et moelleux et ces minuscules grains tout aussi mous, il se redressa, torse nu, et adressa un dernier regard à la divinité avant de tourner les talons pour aller récupérer le reste de ses affaires.
Le calme ambiant lui avait permis d’entendre le chant de l’eau à proximité et en fouillant les environs, il découvrit une modeste source coulant d’entre les roches. Il ne lui en fallait pas beaucoup plus pour se nettoyer et boire avant qu’il ne prenne place pour goûter ses trouvailles. D’abord du bout des lèvres, Ayden avait fini par manger pas moins de cinq pains mous et une bonne poignée de ces grains blancs. Tout était froid, sans beaucoup de saveur, et la texture était étrange, mais le guerrier ne s’en plaignait pas, le ventre enfin plein. Revigoré, il rangea le reste de la nourriture avec l’œuf après l’avoir nettoyé et récupéra sa chemise pour reprendre la route.
Et tandis qu’il s’engageait sur le chemin creusé par le passage des hommes, il eut un ultime regard pour le sanctuaire et s’inclina en direction de ce dernier avant de partir.
~*~
La route était longue, la lune avançant dans le ciel en l’accompagnant à chaque pas. Mais au bout de ce qu’Ayden estima être une heure complète, il avait fini par s’arrêter pour admirer le paysage. Peu importe à quel point tout lui était inconnu, la vision était à couper le souffle. En contrebas se dévoilait une cité, les lumières scintillant dans la nuit telle des lucioles. Un fleuve longeait l’est et d’un point à l’autre, il ne pouvait apercevoir aucune ville, transformant ce qui avait dû être un simple hameau jadis en une florissante petite agglomération marchande.
Elle était cernée par les montagnes et ici et là, il devinait à la lueur de la lune des terrains agricoles. La distance ne lui permettait pas d’apercevoir ce qui était cultivé, mais quelque chose lui disait que même s’il avait pu voir, il n’aurait pas su reconnaître de quoi il s’agissait. Jamais n’avait-il observé pareil paysage, et Ayden s’offrit un instant encore afin d’admirer l’endroit avant de reprendre la route.
S’il reportait la position de la lune par rapport à son propre pays, il pouvait estimer l’heure à une ou deux heures du matin. Pourtant, malgré l’heure tardive, la ville semblait pleine de vie. Même les rues de la cité de Sa Majesté ne grouillaient pas d’autant de monde la nuit tombée et les gens, craignant pour leur bourse ou leur intégrité, se dépêchaient de rentrer.
Ayden se glissa dans l’ombre d’une bâtisse, le pas léger, et observa à nouveau l’allée sans tout à fait parvenir à saisir les visages qui s’y trouvaient. Mais à en croire les sons qui lui provenaient d’une des fenêtres au-dessus de lui, il était juste derrière un bordel.
Il ne put empêcher un sourire de fleurir sur ses lèvres lorsque les gémissements de la jeune femme supplantèrent les grondements excités de l’homme. Et il faillit rire quand elle enjoignit à son client de continuer d’une voix trop mielleuse. Se retournant, il détailla un instant les linges et vêtements suspendus pour sécher. Les tuniques étaient longues et les manches larges dans un style là encore inconnu pour lui. Mais comme tout le reste de cet endroit. Cette pensée lui tira un rictus doux-amer, l’inquiétude montant dans son cœur avant qu’il ne balaye le tout avec fermeté.
Il attrapa un drap, vola une tenue et s’écarta du bâtiment pour pouvoir se changer et cacher les vestiges de son armure dans le baluchon de fortune. Le vêtement était trop court, lui arrivant aux genoux, et les bras couvraient à peine ses coudes. C’était toujours mieux que rien et, après avoir retroussé les manches de sa chemise et fermé la tunique d’une ceinture en tissus, il continua à explorer les environs. Jamais ne s’approcha-t-il de l’artère centrale, mais les rires et cris qu’il en percevait, tout comme les diverses odeurs, lui suffisaient.
Les édifices étaient tout de bois et, comme le temple qu’il avait vu, possédaient tous ces toitures de tuiles formant quatre pans dont les coins se terminaient en pointe arquée. Après un instant d’hésitation, Ayden grimpa au sommet d’un bâtiment inoccupé. Un premier saut puis encore un autre lui permirent de rejoindre le premier niveau d’un toit. Il atteignit rapidement le point le plus élevé avant de pouvoir regarder enfin la rue centrale. Et il blêmit furieusement.
Vraiment. Il en avait assez.
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