L’intérieur du pavillon était simplement décoré, mais tout lui paraissait précieux. Ayden était loin d’être un connaisseur, mais la finesse des meubles et le soin apporté à ces derniers lui permettait de le deviner aisément. Lu Lisong s’installa devant une table basse habitée par quelques parchemins rigoureusement entreposés, des bouquins, un repose-pinceaux, lesdits pinceaux possédant des corps en bambou savamment ciselé, et un encrier. Pour terminer, un plateau avec deux tasses et une sorte de pot à bec était posé sur le rebord.
A-Feng et A-Hui s’agenouillèrent devant leur Grand Maître et Ayden suivit le mouvement sans chercher à réfléchir plus loin sur l’instant, déposant ses affaires derrière lui. Dès que cela fut fait, Lu Lisong prit la parole.
— Mon apprenti m’a mis au courant de votre rencontre comme de votre situation et, en tant que chef de clan, Sage de Beiming Lu et maître de Lu Xiaofeng, vous avez mes humbles remerciements, noble étranger.
Ayden se rappela le parchemin que Lu Dehui avait envoyé par les airs à l’aide de son Qi et il ne put s’empêcher de sourire à ce souvenir. Il secoua la tête tranquillement.
— Ce sont vos élèves qui m’ont sorti d’un mauvais pas. Je n’ai fait que leur retourner la faveur.
Lu Lisong opina à ses mots avec lenteur tout en se frottant le menton pensivement, son regard faisant un rapide aller-retour sur ses deux étudiants avant de revenir sur Ayden.
— Vous me semblez venir de loin, noble étranger.
Ayden soupira et, après une brève réflexion, il finit par répondre d’une voix claire.
— La route a été difficile jusqu’à ce que je rencontre vos disciples. Ils m’ont été d’une grande aide et j’ai pu apprendre certaines choses grâce à eux.
Ce n’était pas un mensonge, après tout. Il était chanceux, vraiment. Vu les premières réactions, ils auraient très bien pu ne pas le croire et le prendre en chasse en l’imaginant être un démon, mettre sa tête à prix et ainsi de suite. Il ne doutait pas qu’en moins de deux, il aurait eu tous les clans à sa poursuite. Ne tenant plus la position, Ayden finit par croiser les jambes et enleva sa cape puis son épée à deux mains pour la laisser à côté de lui. Et si son attitude heurta qui que ce soit, aucun des trois autres ne le lui fit de remarque.
— Peut-être que je pousse ma chance, mais j’aurais une faveur à vous demander, puis je ne vous dérangerai pas plus longtemps. Auriez-vous de quoi me soigner et me changer, ainsi qu’un peu d’argent ?
Cette fois, A-Feng redressa la tête en lui faisant les gros yeux. Oser faire part de ses requêtes de manière si franche était indécent, mais Lu Lisong restait égale à lui-même et après un instant, il opina à nouveau.
— Le clan Beiming Lu sait reconnaître une noble âme aussi, permettez-nous de vous accueillir au Palais de Jade le temps que vous réfléchissiez à votre situation. Fuir votre contrée n’a pas dû être une mince affaire.
Ayden retint une grimace, partagé, mais Lu Dehui et Lu Xiaofeng souriaient tous deux – enfin, le premier plus que le second – la tête basse pour masquer leur expression.
— Lu Chen, j’espère voir ton rapport demain.
— Oui, Shifu.
— Lu Bao, apprête une chambre pour notre invité. Fais appeler Grand Maître Zhongyou afin qu’il prépare des soins puis va te reposer.
— Oui, Shifu !
Les deux jeunes se levèrent et saluèrent leur Maître avant d’en faire de même pour Ayden, prenant congé en les laissant tous deux. Et maintenant que les enfants étaient loin, Ayden tourna un regard plus sérieux sur Lu Lisong.
— Un invité, hm ? souffla Ayden en haussant un sourcil.
Il n’était pas dupe, Lu Lisong non plus. Ce dernier lui fit signe de s’installer devant lui avant de prendre le pot-bec pour verser une infusion délicatement fleurie dans les tasses.
— Vous n’êtes pas prisonnier du clan Beiming Lu, mais je ne peux pas vous permettre de vadrouiller au grand extérieur ainsi. Votre apparence est effectivement singulière, tout comme l’arme que vous portez, et cet œuf que vous transportez.
Ayden était en train de renifler le verre poussé à son encontre lorsqu’il se figea à ces mots. Il fixa Lu Lisong avec une méfiance renouvelée et l’homme, notant son regard, haussa un sourcil. Ce simple geste était d’une rare élégance même si affreusement hautain.
— Mes disciples sont trop jeunes pour l’avoir remarqué et je ne peux leur en vouloir, mais l’énergie spirituelle qui émane de votre sac est indubitablement celle d’un œuf de dragon. Il est très faible, à peine perceptible, mais reconnaissable pour quiconque a un tant soit peu d’expérience. Et c’est un œuf provenant de notre monde.
Ayden gronda sourdement et trempa les lèvres dans sa tasse avant de se décider à boire le contenu. La chaleur du délicat breuvage se répandit aussitôt dans son corps et il se détendit quelque peu. Puisqu’il était démasqué, il était inutile de continuer à tenter de sauver les apparences.
— Sauf qu’il était dans mon monde, couvé par des dragons bien de chez moi depuis allez-savoir combien de temps. S’il est originaire d’ici, qu’est-ce qu’il faisait là-bas ? Et comment se fait-il qu’il m’ait transporté dans cet endroit ?
Lu Lisong secoua la tête avec lenteur.
— À cela, je ne peux vous répondre…
— Ayden. Juste… Ayden. Pas de nom. Pas de titre.
— Ayden. Je peux néanmoins vous assurer que je ferai mon possible pour vous aider à trouver des éclaircissements et, si cela se peut, un moyen de retourner auprès des vôtres.
— Je vous remercie.
Ayden l’observa un instant avant de continuer.
— Et vous ne vous demandez pas si je suis un démon… ?
— Si vous étiez un démon, le thé que vous venez de boire aurait révélé votre réelle apparence en contaminant votre énergie spirituelle, répondit tranquillement Lu Lisong.
— Ah…
Est-ce qu’il devait lui dire qu’il était
insensible aux poisons ?
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