LU LISONG lui avait assuré faire de son mieux et Ayden lui-même le savait, mais il n’y avait rien à faire… Au bout de plusieurs jours, il s’ennuyait. Le mercenaire avait rarement autant de temps libre, toujours occupé à courir la Contrée, chassant les contrats les uns après les autres avec ses camarades. Ils avaient une vie bien remplie et même si elle n’était pas facile, ils avaient constamment de quoi faire. Et ils étaient ensemble.
Ayden regarda un groupe de jeunes disciples passer et, saisissant les coups d’œil des jeunes femmes, il leur sourit, joueur. Plusieurs d’entre elles rougirent et pressèrent le pas pour rejoindre leur cours et Ayden les observa partir avec un sourire amusé. La pudeur était plus marquée dans ce monde et il trouvait cela presque rafraîchissant. Les jeux de séduction et les mains baladeuses étaient d’usage chez lui, les gens masquant leurs intentions sous des doigts coquins ou un sourire ravageur. Il devait admettre qu’il en avait parfois fait les frais. Mais il avait rendu la monnaie de leurs pièces à d’autres.
Reprenant sa route, il allait rallier un des terrains d’entraînement qu’il avait découvert avant que son regard n’accroche quelques têtes bien connues plus loin. A-Hui le salua d’un grand geste de la main et Ayden bifurqua pour le rejoindre lui et A-Feng.
— Jeune maître Ayden ! dit aussitôt Lu Dehui en s’inclinant.
Ayden avait renoncé à essayer de l’arrêter avec ses « Jeune Maître » depuis déjà plusieurs jours. A-Hui y tenait dur comme fer alors il le lui laissait volontiers.
— Jeune maître Ayden, salua plus tranquillement Lu Xiaofeng.
— Les enfants, répliqua le rouquin, faisant fi du grondement bougon d’A-Feng. Vous partez ?
— Oui. La commande du Grand Maître Zhongyou est arrivée en ville et nous allons la chercher, répondit A-Hui avec un sourire.
Ce gosse était tout simplement adorable, toujours de bonne humeur. En dépit de l’incongruité de la situation, Ayden s’était rapidement attaché à lui. A-Hui et A-Feng étaient souvent ensemble et malgré le caractère de l’un et de l’autre, ils s’entendaient visiblement très bien. Le côté plus explosif d’A-Feng était tempéré par le calme d’A-Hui et à eux deux, ils formaient une excellente équipe.
— Je descends avec vous, attendez-moi là, je vais chercher de quoi me couvrir, dit Ayden en tournant les talons.
Lu Lisong lui avait dit qu’il n’était pas prisonnier du clan : c’était l’occasion de voir. Et quelques minutes plus tard, les trois descendaient le long du sentier. Le soleil était haut dans le ciel et tapait fort aujourd’hui et comme le craignait Ayden, quelques minutes suffirent pour qu’il commence à souffrir de la chaleur.
Mais il s’inquiéta sérieusement lorsqu’ils parvinrent aux portes de la cité : la grande rue devant eux était tout simplement noire de gens. Même A-Hui et A-Feng avaient l’air d’hésiter à affronter la foule. Il fallait dire qu’ils arrivaient au pire moment possible : nombre de marchandises avaient été délivrées ce matin et tout le monde venait récupérer ce qu’ils avaient commandé ou faire le plein de certains produits.
— Voyez ça comme un combat à mener à bien, murmura Ayden derrière les deux jeunes en posant une main sur chaque épaule en signe de motivation.
Ils acquiescèrent tous deux et, après une bonne inspiration pour se donner du courage, ils s’avancèrent tous trois dans un même ensemble. Et ils se firent engloutir par la foule.
Les multiples odeurs – foins, herbes médicinales, sueur, bétails – les assaillirent en même temps que l’infernal boucan. Les gens criaient, gueulaient, parlaient par-dessus la tête des uns et des autres dans un brouhaha impressionnant. Tout s’emmêlait, s’enchevêtrait et créait un tableau saisissant qui donnait le tournis à plus d’un. Et avec la masse, la chaleur au milieu de cette cohue était suffocante.
Lors de son arrivée ici, il avait eu raison de penser que l’endroit était plus animé que la ville de Sa Majesté ; il n’avait jamais fait face à pareille foule, dans son monde. Même dans les pires jours, durant les célébrations officielles ou les jours de prières.
Ayden avait son physique pour lui ; grand et musclé, ceux qui avaient le malheur de lui rentrer dedans rencontraient un mur inébranlable et se faisaient repousser sans pitié. Les gens n’avaient pas le temps de s’inquiéter de son apparence peu avenante, importante silhouette encapuchonnée toute de noir vêtue. A contrario, Lu Xiaofeng et Lu Dehui étaient happés dans la masse, essayant tant bien que mal de se frayer un chemin. Ayden avait dû se résigner à les attraper tous les deux par la main pour ne pas les perdre tout en les protégeant derrière lui.
— Par où ? cria Ayden en jetant un coup d’œil par-dessus son épaule.
Il y avait un tel boucan général qu’ils s’entendaient à peine. A-Hui tenta tant bien que mal de regarder où ils se trouvaient, mais… Le gamin faisait une tête de moins que lui.
— Avancez encore, jeune maître Ayden !
Par tous les dieux… Même dans ce genre de moment, il ne pouvait pas laisser tomber les politesses ? Ayden gronda vaguement et continua à progresser, suivant les directives d’A-Hui. Les mains pleines des deux plus jeunes, il ne pouvait plus éviter les heurts même si ces derniers ne l’empêchaient pas de poursuivre. Et alors qu’il était en train de partir vers la droite pour rejoindre l’échoppe de plantes médicinales, il bouscula un homme portant plusieurs armes dans ses bras et…
SCRAAATCH !
A-Hui et A-Feng en fixaient avec horreur les cheveux flamboyants s’échapper, se déroulant sous leurs yeux écarquillés en longs filins rouge sombre. Le silence se fit autour d’eux tandis qu’Ayden rattrapait le pan déchiré de sa cape. Mais le mal était fait et celui qu’il avait poussé blêmit dangereusement. Une épée tomba sinistrement par terre.
— AU DÉMON !
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