“Pourquoi cherches-tu donc à porter ce poids ? Pourquoi veux-tu être coupable des crimes des autres ?!”
“Parce que je suis coupable ! Je suis un Dralyon ! Tu sais bien que c’est la vérité !”
En entendant ces mots de l’autre côté de la porte, Serafim crut que son cœur allait le lâcher. Il le savait. Il savait qu’Ewald se sentait toujours coupable, que le nom des Dralyon était une malédiction pour lui. Mais entendre tant de désespoir dans sa voix, lui donnait une autre vision de ce poids invisible qui écrasait son frère. Un poids qu’il portait aussi, mais d’une autre nature.
“Imbécile ! La seule vérité est que Fabel était et est coupable de ces événements ! Depuis longtemps ils rêvent de leur vengeance, de leur conquête du continent ! Ce qu’il s’est produit il y a seize ans n’était pas de ta faute !”
La haine dans la voix de Kasey le tira de sa torpeur, le ramenant avec brutalité dans le présent. C’était là la vérité, dans sa cruauté la plus sublime, que crachait Kasey. Car Fabel avait toujours rêvé de dominer Draeshura. Mais plus que tout, ils voulaient réduire l’Empire en cendres, pour leur faire payer leur affront d'antan. Celui de s’être libéré de leur emprise, de les avoir écrasés et redonné la liberté à tous ceux qui vivaient sur Draeshura.
“Mais -!”
“Est-ce qu’Anastasiy est coupable de la situation actuelle de l’Empire ?”
Une grimace de douleur déforma les traits de Serafim à l’entente de la question du valet. C’était un coup extrêmement bas de la part de Kasey. Mais il connaissait mieux son jumeau que lui et il savait exactement quoi dire pour faire réaliser à Ewald les idioties qu’il pouvait dire.
N’entendant plus de bruit dans la pièce, Serafim referma la porte, décidant de reporter leur discussion à plus tard. Il était épuisé, et pourtant, ce n’était même pas lui qui avait reçu de plein fouet la rage de Kasey. Il n’osa pas imaginer dans quel état pouvait être son jumeau.
Arrivant en haut des escaliers centraux, Serafim tomba sur deux serviteurs se dirigeant vers les cuisines. Cependant, les propos de l'un d'eux le fit stopper.
“Tu ne trouves pas ça étrange ?!”
“Ce que tu dis n’a ni queue ni tête.”
“Mais voyons ! C’est parfaitement logique ! Déçu du plus jeune, Sa Grâce l’élimine pour faire rentrer dans le Duché son fils illégitime qu’il a eu avec sa maîtresse !”
“C’est complètement ridicule. Est-ce que tous ceux de Lirdiff pense comme toi ou tu es le seul ?”
Serafim n’était pas bête, bien loin de là. Mais à cet instant précis, il se sentait comme un idiot. Intellectuellement, il avait bien compris sur quoi portait la discussion qu’il venait d’entendre, mais il était incapable de faire sens à ces paroles. Peut-être que les propos de Kasey l’avait plus sonné qu’il ne le pensait.
“Une histoire très intéressante. Accepterais-tu de m’en dire plus autour d’une tasse de thé ?” Demanda une voix bien connue de Serafim, qui fut pris de sueur froide.
“Bien sûr ! Euuh…”
“Veronica.”
Serafim regarda le valet de son frère guider l'insouciant vers l’aile administrative du château.
“Il va se faire tuer,” lâcha Serafim.
“En effet Votre Noblesse. Il va se faire tuer,” répondit le serviteur, cette même expression de peur figeait sur le visage. “Devrions-nous prévenir Madame Mor, Votre Noblesse ?”
“Attendons encore un peu,” décida Serafim en finissant de descendre l’escalier central. “Peut-être que nous pourrions lui trouver une autre utilité après que Veronica en ait fini avec lui… Cela me fait penser qu'il va falloir prévoir un petit coup de ménage.”
“Nul besoin de vous inquiéter de cela, Votre Noblesse. Nous avons déjà commencé."
“Parfait.”
S’inclinant, le serviteur salua Serafim avant de partir pour les cuisines, afin d’aider aux préparatifs de cette nouvelle journée.
De son côté, le jeune homme aux cheveux rouges se dirigea vers l’aile administrative, plus précisément, vers le sous-sol. En chemin, il fut salué par plusieurs serviteurs et il remarqua en effet l’absence des trois autres serviteurs envoyés par Agata Mor, la femme de Giusto.
Maintenant qu’ils n’étaient plus sous l'entière emprise du kroseil, leur père et mère avaient décidé d’examiner tout ce qu’ils avaient reçu des Mor. Malgré les liens d’amitié entre les deux femmes, ils devaient se méfier de tout, ne sachant pas si Agata était elle aussi une victime dans cette histoire. Et cela voulait dire que les serviteurs qu’ils avaient reçus avaient été retirés des services qu’ils occupaient afin d’être interrogés.
“Il va falloir prévoir une prime,” marmonna Serafim, n’osant pas imaginer la quantité de papier qu’il allait retrouver sur son bureau à son retour de Lirdiff.
“Cela est déjà prévu.”
“Père ? Mère ? Je vous croyais couché," dit Serafim avec surprise.
“Ce genre de nouvelle n’est pas bon pour le sommeil,” répondit Serenity avec un sourire triste.
“Votre Noblesse ? Oh ! Bonjour Vos Grâces,” salua Veronica, ses vêtements légèrement salis.
“Je croyais que tu prenais le thé avec ton nouvel ami ?” Lâcha Serafim, surpris de voir le valet d’Anastasiy dans ce sous-sol plutôt que celui d’au-dessus.
“Malheureusement, Monsieur Calogero a décidé de monopoliser toute l’attention de celui-ci et m’a convié à accomplir sa tâche à sa place,” expliqua-t-il en tendant une enveloppe, de taille bien plus commune que celle que Serafim avait trouvé dans le bureau d’Anastasiy. “Apparement, le nouvel ami du jeune maître a trouvé cela sous son bureau de l’ancienne demeure. Il a été particulièrement insistant pour que la lettre soit délivrée ainsi.”
La saisissant, Serafim vit, sans surprise, le nom de Sorley sur l’enveloppe.
“Je transmettrai en même temps que le reste.”
“Dans ce cas, au nom de mon maître, je vous souhaite un bon voyage Votre Noblesse.”
Remerciant le valet, Serafim salua ses parents avant de poser sa main sur la pierre se trouvant au centre de la pièce et de disparaître.
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