Sharess se rapproche petit à petit d'Inari, et à mesure que la distance entre elles se réduit, son sang devient chaud et son rythme cardiaque s'accélère, résonnant dans ses oreilles comme un tambour. Elle passe sa langue sur ses lèvres, et soudain, comme si elle devenait incontrôlable, la renarde se met à courir vers elle. La prêtresse recule lentement, à petits pas, et d'un mouvement rapide de la main, elle invoque sa barrière, se préparant à l'affrontement. Mais sortant du rang, l'homme à la chevelure écarlate et à l'armure étincelante s'interpose entre les deux femmes, le bouclier retenant la prêtresse et l'épée plantée dans le sol, dissuadant la danseuse de faire ne serait-ce qu'un geste de plus.
« Veuillez retourner dans le public Madame.»
Alors que les deux femmes semblent interloquées par l'intervention du garde, le roi intervient soudainement.
« Général Kendall, mettez cette femme au cachot ! »
Sharess entend les paroles du roi et décide de fuir, après avoir regardé une dernière fois la prêtresse. Ses poils se hérissent lorsque leurs regards se croisent, mais ses instincts de survie prennent le dessus et elle se griffe le bras pour se calmer.
{ Comment pourrais-je te revoir... }
La pensée rhétorique n'attend aucune réponse, mais soudainement, comme des lettres que l'on dessine sur un parchemin, deux mots se forment dans son esprit: Les Bals. Cependant, elle n'a pas le temps de s'attarder sur ce détail car la chasse à son encontre est lancée, et plusieurs gardes se mettent à sa poursuite. Elle parcourt rapidement les rues de la ville, cherchant à semer ses poursuivants, et rentre dans une boutique de vêtements qui semble ouverte. La cloche de la boutique retentit quand la porte la laisse entrer, mais la renarde se dirige rapidement derrière un paravent, situé au fond du magasin, non loin du comptoir massif. Les gardes, qui ont perdu sa trace, se mettent à fouiller dans tous les bâtiments aux alentours. De son coté, la femme échange rapidement les vêtements d'enfant gagnés au stand d'anneaux, contre une panoplie pour homme bon marché, et elle se déshabille derrière le paravent en quatrième vitesse.
La cloche se met à tinter à nouveau alors que les gardes entrent dans le bâtiment, tandis que le renard fanfaron sort de sa cachette. Rapidement, les hommes armés le regardent, fouillent le magasin, et partent aussi vite qu'ils sont arrivés.
{ Tsss, bande d'idiots... je n'aurai jamais pensé que cette capacité me sauverai d'une course poursuite un jour... }
Alors que ladite course se termine, sur la place centrale de Balwinder, la prêtresse se rapproche de l'estrade, maintenant que le calme est revenu. La religieuse avance tranquillement, le prince la regardant se mouvoir avec grâce, et après un hochement de tête, elle se prépare pour le spectacle.
{ Merci à vous, prêtresse, d'avoir arrêté mon père... avant qu'il ne dise quelque chose qu'il pourrait regretter...
— De rien... L'image est importante. }
Le prince marque un moment d'arrêt, les yeux écarquillés. Il ne se doutait pas que la jeune femme possède le don de télépathie, mais il se contente de lui sourire.
Alors qu'elle garde un calme et un cœur de glace en apparence, la femme commence sa danse, un rituel ancestral enseigné aux prêtresses leur permettant de se concentrer, entrant dans une sorte de transe, leur permettant d'effectuer des soins de grande ampleur. Après avoir pris son souffle, la religieuse se lance, elle brandit son bâton, et percute le sol avec la base de ce dernier, dans un son métallique. Ce bruit, couplé à la résonance des anneaux qui surplombent le manche, est presque mystique, hypnotisant légèrement la foule.
Inari enchaîne, son arme dessinant un croissant de lune descendant près du sol, à tel point que les cercles d'or touchent presque les dalles de la capitale, tout en se penchant en avant pour augmenter l'amplitude de son geste. D'un mouvement fluide, l'extrémité du Khakkara remonte dans une traînée de petites étincelles de lumière, suivant toujours la trajectoire elliptique, le fait passer derrière elle, en inclinant son buste pour garder la continuité de l'élan, avant de le redescendre au niveau du sol, achevant la boucle symbolisant le renouveau de la nature, le tout agrémenté des cliquetis mélodieux des anneaux.
Une lueur commence à se dégager de la danseuse, et la foule se sent légèrement apaisée par la chorégraphie de la femme, autant charmé par le spectacle, que par la musique douce accompagnant chaque pas. L'ange, prenant un appui particulier sur le sol, se met à tourner sur elle-même, bâton dans une main, décrivant un nouveau cercle autour d'elle, ses longues manches flottant dans le vent, avant d'éloigner sa jambe droite sur le côté, et d'arrêter le Khakkara horizontalement, dans le prolongement de son bras. D'un mouvement du poignet, elle fait tinter les cercles métalliques, avant de changer le bâton de main, et de claquer à nouveau ce dernier contre le sol, elle est à présent revenue à sa position initiale, mais entourée de plusieurs anneaux pailletés d'or.
Lors de l'impact, les étincelles s'envolent dans le ciel, avant de retomber telle une pluie d'or sur la foule, soignant leurs petites blessures et les quelques défauts physiques mineurs, leur esprit s'éclaire, et la population se sent plus légère. C'est alors que la prêtresse recommence à danser, libérant la foule de leur colère et ressentiments, donnant l'illusion d'un renouveau, qui ne durerait que quelques jours dans le meilleur des cas. Mais voir l'espoir dans le regard du peuple, donnait du baume au cœur de la prêtresse.
Nobanion, fanfaronnant comme à son habitude, bien trop fier d'avoir échappé si facilement à ses poursuivants, arrive vers la fin de la danse et siffle un peu en regardant le spectacle de lumière. Mais son air s'assombrit rapidement lorsqu'il entend le roi prendre la parole :
« Vos actes néfastes sont maintenant purifiés, vivez vous aussi le renouveau et restez dans le droit chemin ! »
{ Pfff et c'est toi qui dit ça, espèce d'hypocrite de merde... }
Alors que la foule rassemblée autour de l'estrade acclame la performance de la nouvelle prêtresse, un cri retentit loin de là, de l'autre côté de la muraille éclatante, un cri de désespoir et de terreur. Enfermé dans une cage, un homme avec des oreilles de chat se débat et frappe contre les barreaux :
« Je n'ai rien fait, pourquoi vous...
— Ta gueule, sale sous-race ! »
Un coup de pied dans la cage fait rapidement taire l'homme, qui se recroqueville au fond de celle-ci, les oreilles basses. Le tortionnaire part tranquillement, alors que derrière une des caisses en mauvais état empilées dans un coin de la pièce, des touffes de poils gris apparaissent.
{ Tsss, pas le temps pour la charité, ce n'est pas ça qui va me payer mes bières... Désolé mon gars. }
Fhritz passe rapidement devant la cage pour suivre le tortionnaire, dans une discrétion presque terrifiante. L'homme-bête se colle alors au mur, et écoute la conversation des "Libérateurs". À l'intérieur, il peut distinguer trois voix, tous des hommes.
« Combien aujourd'hui ?
— Cinq de plus, tu crois que ça leur suffira ?
— Ils ne sont jamais assez rassasiés, mais j'avoue que les récompenses sont assez incroyables !
— Héhéhéhé, d'ailleurs, vous avez pas entendu la meilleure !
— Et bah accouche ! On a pas toute la soirée !
— On est accusé d'avoir kidnappé la nouvelle prêtresse, quelle bonne blague !
— Bah, ils font ça car ils savent qu'on est introuvables. Ils sont vraiment prêts à toutes les magouilles, et après c'est nous les vilains. »
Après un petit rire, les trois reprennent leur sérieux.
« Ça en est ou l'enquête sur celle qui a buté certains des nôtres ?
— On a rien trouvé, c'est comme si elle s'était volatilisée dans les airs. Ou même qu'elle n'a jamais existé.
— Ok, continuez les recherches... J'ai un mauvais pressentiment. »
Soudainement, des bruits de pas rapides se font entendre, et Fhritz se retourne pour apercevoir d'autres libérateurs arriver, avant de se téléporter dans une cage vide. Il voit passer une personne plutôt bien habillée, même trop bien pour n'être qu'un simple habitant se baladant dans le district. Les deux gardes, leur escorte achevée, retournent à l'extérieur pour monter la garde.
« Sortez de là, vous avez une missive spéciale, demande d'un VIP. »
Le trio sort de la pièce en soupirant, laissant les otages sans surveillance.
« C'est quoi cette missive ?
— Un travail bien payé... Cinq pièces d'or si vous y arrivez. »
Le trio ne peut cacher son excitation et celui qui semble être le plus vieux récupère la feuille. Les deux autres regardent par-dessus son épaule, et un sourire se dessine sur leurs visages.
« Des conditions ?
— Évitez simplement de trop l'amocher, pour le reste, vous avez carte blanche. »
Les deux hommes, qui semblent avoir parfaitement mémorisé leur cible, partent rapidement en chasse, laissant le dernier de leur compère avec la feuille.
« Vous en faites pas, on l'aura rapidement...
— J'espère pour vous ! »
Le visiteur sort du bâtiment en claquant la porte, et l'homme se retrouve seul, il compte alors les personnes dans les cages, pour vérifier qu'il n'en manque aucun.
« Un, deux, trois, quatre, cinq, Six !? Pourquoi y en a six ? »
Un petit rire retentit derrière lui, et l'homme à la rose d'argent lui répond, avec une voix enjouée.
« Buh buh, apprenez à compter ! »
Une dague se plante dans la carotide du brigand, tandis que Fhritz récupère le document avant qu'il ne soit tâché du sang de sa victime. Il tire sur la dague, relâchant la pression et laisse le sang couler en abondance, tout en s'éloignant un peu.
« Voyons voyons... »
Alors qu'il ouvre le parchemin, il remarque que le portrait d'une femme renarde avec des cheveux blond, une peau mat, des yeux bleus et des trait assez attirant, en couvre la plus grande partie. Fhritz range le papier dans une de ses poches et revient aux côtés de l'homme qui se vide de son sang, tentant du mieux qu'il peut d'arrêter l'hémorragie avec ses mains. L'assassin sort alors une rose d'argent de sa veste.
« Bien, tu es mon ticket pour boire des bières pour un petit moment, ne m'en veux pas, ta mort sera bénéfique à mon palais... »
Fhritz plante alors la fleur épineuse dans le torse de l'homme, la tige atteignant le cœur dans une dernière blessure qui lui sera fatale. Une fois l'étincelle de vie définitivement éteinte, l'assassin prend le temps de décapiter le membre des "Libérateurs", puis il se téléporte avec la tête en dehors du lieu pour l'échanger contre l'argent promis.
À quelques rues de là, dans une petite impasse sombre et crasseuse, où seules les ordures semblent prospérer, une porte s'ouvre sur un homme-rat. Le dos voûté, il tire un cadavre en dehors du bâtiment, le jetant sans ménagement au milieu des poubelles, malgré sa frêle constitution. Le corps sans vie de l'enfant chèvre, les yeux vides et le visage crispé dans une expression de douleur intense, glissa sur les pavés avant de s'immobiliser. L'immonde homme-bête retourna à l'intérieur une fois, puis une seconde, transportant à chaque fois une nouvelle dépouille, toujours affublée des attributs de la race animale dont lui-même faisait partie, sans la moindre émotion. Une fois sa besogne achevée, il émet un sifflement aigu suivi d'un claquement de mâchoire, et des dizaines de rats, sortant des décombres, se jettent sur les cadavres, les dévorant méthodiquement, et avec un appétit certain. Un large sourire se dessine derrière les incisives de rongeur de l'homme, alors qu'il referme la porte derrière lui. Cette dernière, une fois la clé tournée dans la serrure, disparut tout bonnement du mur, comme si elle n'avait jamais existé.
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