Chapitre 18
Léopold
Elle m’a fait peur. Elle était toute bizarre sur le canapé et elle ne me répondait pas pour l’appartement. J’ai cru qu’elle ne voulait plus de moi finalement.
On a fait les sacs et les cartons jusqu’à tard dans la nuit. Et à dix heures du matin, Clément est arrivé avec la voiture de ses parents. A nous trois, on a fait deux voyages et, quand Clément est reparti, avec la voiture vide et en nous laissant un matelas gonflable en guise de lit, Elo et moi nous sommes retrouvés au milieu d’un immense bazar, avec aucun meuble. On s’est regardés, et j’ai eu soudain envie de la prendre dans mes bras. De la serrer de toutes mes forces. On n’avait pas grand-chose mais on se raccrochait l’un à l’autre et c’était le plus important. On est resté un moment comme ça, sans bouger. Puis, elle s’est tournée vers moi. Elle avait attaché ses cheveux en une longue queue de cheval qui flottait le long de son dos et me caressait les bras. Elle m’a regardé avec ses grands yeux : on est chez nous. Et m’a embrassé pour sceller notre arrivée.
Heureusement que le studio est bien fourni en placards. Il y a même des étagères sur un des murs. Comme on ne possède pas grand-chose, on parvient à tout ranger finalement. Puis, après fait réchauffer des nouilles sautées, on établit la liste de ce qu’on va devoir acheter.
Un canapé-lit. Deux bureaux avec chacun une lampe de bureau. Une petite table pour la cuisine. C’est le principal. Heureusement la cuisine est toute équipée et il y a même un lave-linge.
- L’appartement te plait ?
- Oui, il est chouette avec le petit balcon. Et puis il est grand même si c’est un studio. Normalement on ne se marchera pas trop dessus. Elle s’amuse de cette idée. Mais on a vécu tellement de temps enfermés dans nos petites chambres de toute façon…
J’acquiesce en accrochant la nouvelle clef à son porte-clé peluche. Putain, on est chez nous Elo. Chez nous à tous les deux. Rien qu’à nous.
On fait l’amour le soir même sur le matelas gonflable pour baptiser le studio.
Moins de trois semaines plus tard, c’est l’anniversaire d’Elo. Avec l’emménagement, je n’avais pas de budget cadeau, alors je lui ai organisé une fête surprise chez nous avec ses amis. J’ai aussi invité Clément, pour le remercier pour son aide. C’est finalement à la fois une crémaillère et un anniversaire. Et ses potes se sont surpassés pour les cadeaux. Je crois qu’Elo n’en a jamais reçu autant. Elle déballe deux mugs assortis, l’un avec des dessins et l’autre avec des citations littéraires en anglais, un tee-shirt à fleurs avec l’inscription « I paused my k-drama to be there » et du matériel à dessin.
Je la regarde au milieu de ses amis, riant, un peu pompette. Elle est belle avec son jean moulant déchiré aux genoux et son tee-shirt Harry Potter. En plus elle a mis ses grandes boucles d’oreille créoles, un des rares beaux cadeaux de sa mère et s’est maquillée. Avec l’eye liner, ses yeux paraissent encore plus grands. Elle sent que je la regarde et me sourit, puis se lève et vient s’installer sur mes genoux. Il est déjà tard et on finit la soirée ainsi, enlacés, à profiter de ses amis.
Quand, vers une heure du matin, tout le monde est parti pour tenter d’attraper le dernier tramway ou le dernier bus, je sors du tiroir de mon bureau une enveloppe craft, attachée avec une ficelle fine comme un paquet cadeau.
- Joyeux anniversaire mon amour.
Elle déballe et comprend : je lui ai offert ce que j’ai écrit. Des nouvelles et deux poèmes. Ce que personne n’a jamais lu, à part mon prof d’atelier d’écriture pour un texte ou deux. Merci, ça me touche beaucoup. Après un court instant de silence, elle poursuit : je crois que je n’ai jamais eu un anniversaire pareil.
Je suis son regard vers l’immense palmier d’intérieur qui décore le salon. C’est un cadeau de sa mère. Je n’ai pas vu la carte qui l’accompagnait, mais Elo avait les larmes aux yeux quand elle l’a refermée et qu’elle a contemplé l’arbre en lui caressant les feuilles. Je suis content pour elle : sa mère est sa seule famille. Et je sais que je me sens mieux depuis qu’avec mon père on s’écrit ou on s’appelle une fois par semaine pour se donner des nouvelles, ou juste pour parler un peu.

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