Enfin, Sel put partir en direction de la forêt. Heureusement, sa blessure au bras ne l’empêchait pas de marcher. Et puis… Elle ne faisait pas si mal que ça ! Par précaution, il l’avait quand même recouvert avec ce fameux mouchoir qu’il avait reçu plus tôt… Une fois le cœur de la forêt atteint, le jeune garçon appela Bretzel à plusieurs reprises. Il savait que son ami serait ici ! C’était facile pour se cacher, mais c’était surtout le petit paradis qu’ils avaient trouvé ensemble… Après un certain temps, le renard arriva finalement… Et lentement, en boitant un peu. Sa blessure, à lui, n’était pas superficielle...
- Ne t’en fais pas Bretzel ! Commença Sel, lui créant un petit bandage. Je… Je vais veiller sur toi ! Mais je crois pas que l’on ne pourra rester tout le temps ensemble… Ça va être risqué pour toi car je… Je risque de te ralentir, encore une fois…
Sel ne put retenir un sanglot après cette phrase. Le pauvre enfant était tellement plein de rancœur… De regret !... De, de…
Bretzel s’approcha davantage de son ami et le regarda avec ses grands yeux gris. Sel tenta d’afficher un visage gai, mais il se sentait plus coupable qu’heureux. Et ça se voyait bien trop !... La petite bestiole lui répondit par une léchouille sur la joue, comme pour le consoler et le rassurer. Cela fonctionna… Un peu. Sel se sentait un peu encouragé, en tout cas ! Il frotta ses yeux humides avant de continuer sa phrase, avec un sourire :
- Mais... Ne t’en fais pas! J’irais te voir tous les jours, promis ! Et j'essaierai aussi de voir pour ta patte, la vérifier régulièrement… Et trouver un moyen de la soigner ! Tu es d’accord ?
Bretzel fit un petit cri, comme par satisfaction. Sel, satisfait également de cela, lui caressa joyeusement la tête.
- Nous serons toujours ensemble, je te le promets !
Et il fallait croire que cette façon de faire fonctionnait plutôt bien ! Bretzel se plaisait en forêt, et Sel n’oubliait jamais de le voir. La patte de la petite bestiole ne semblait pas aller mieux, cependant. Et Sel n’était pas très sûr de savoir comment la guérir… Serait-ce parce qu’il n’avait pas eu de “méthode” ou de “plan”, ou… Non. Il ne fallait pas penser à ça. Il trouvera un moyen et puis… Bretzel semblait s’y habituer, donc temps mieux, non ? En tout cas, ils passaient de longs et bons moments ensemble. Café essayait de les trouver, mais sans succès. Il arrivait toujours trop tard -ou trop tôt?- et finit par abandonner, se suffisant des croquis faits lors de ses expériences. On pouvait dire que « tout allait pour le mieux ». Du moins, c'est-ce que l’on croyait… Cette relation était fort mignonne, mais elle commençait à rouiller avec le temps sans même que Sel s’en rendit compte. Enfin… Il le comprit le jour où tout se fissura… Brusquement. Cette fin commençait un soir comme un autre pourtant, avec Sel qui venait voir son ami le sourire aux lèvres ! Une fois à destination, il l’appelait !... Aucune réponse. « Peut-être est-il parti jouer près de la rivière! » pensa Sel. Il s’y rendit pour l'appeler, plus fort cette fois !… Toujours rien. Le petit garçon ne désespéra pas pour autant et continua. Il bougeait et l'appelait encore et toujours !…
- Bretzel ? Où te caches-tu ?... C’est moi, Sel, ton ami ! Allez, viens me voir !… C’est… C’est pas drôle de ne pas me répondre !… Et c’est… C’est pas gentil …
De plus en plus Sel appelait son ami, de plus en plus sa gorge se serrait et sa voix tremblait… Jusqu’à éclater en sanglots. Où se trouvait-il ?! Il n’avait tout de même pas été attrapé ?!… Il s’assit un moment, le temps de se calmer. Réfléchissons... Ca ne servait à rien d’aller partout. Il devrait avoir entendu, autant rester au même endroit jusqu’à ce qu’il arrive, non ? Ou bien…! Oh... Qu’est-ce que c’était ? Sel remarqua quelque chose briller, tandis qu’il regardait aux alentours. Quelque chose de petit, de blanc, de scintillant… Le jeune garçon s’approcha, espérant voir son ami !… Mais ce n’était rien d’autre que le collier de Bretzel, toujours blanc immaculé. Qu’est-ce qu’il faisait là ? Café l’aurait-il enlevé et emporté Bretzel !? Qu’est-ce qu’il… Il…
… Non. Ce n’était pas ça. Il observa plus précisément le collier… Il aperçut qu’il était ouvert, cassé, mais les marques… C’étaient des morsures… Des morsures de petites dents. Sel ne douta pas une seconde que c’était son compagnon qui avait enlevé volontairement le collier… Mais pourquoi ? Cela ne pouvait pas être un signe le prévenant d’un enlèvement, il aurait fait autre chose de moins visible, et puis… Sans Sel, même avec une patte blessée, Bretzel s’en serait sorti… Il ne comprenait pas… Pourquoi avoir fait une chose pareille ?… Reprenons les choses dans l’ordre. Le collier… Bretzel qui ne répondait plus… Malheureusement, l’enfant finit par comprendre. Ce n’était pas Café qui l’avait enlevé, en réalité. La vérité, la voilà : le petit renard avait estimé ne plus avoir besoin de son ami, c’est tout. Il était devenu sauvage maintenant. A force de vivre en forêt, il a du vouloir plus d’indépendance. Peut-être que ce n’était pas pour lui faire du mal ? Peut-être qu’il avait des raisons, mais... Sel ne pouvait pas le savoir, lui ! son ami était parti sans donner d’explications. Il trouvait ça méchant mais aussi…
« Égoïste! Egoïste! » se disait-il.
« Pourquoi tu m’as laissé comme ça, sans rien me dire !? Tu n’es qu’un égoïste ! Après tout ce qu’on a vécu ensemble… Ça ne signifiait rien pour toi ? Je sais que je t’avais gêné, mais… ça se passait mieux maintenant, non… ? Et puis… Et puis temps pis pour toi ! Tu n’as qu’à rester sauvage, je n’en ai plus rien à faire de toute façon! Je… Je ne veux plus te voir ! Plus jamais ! »
pour la première fois, la tristesse de Sel se transformait en rancœur… Il se sentait indigné, trahi, …! C’est comme ça que l’on montre son affection à ses amis alors? Alors très bien ! Les « amis », ça ne servait à rien en fait, si c’est pour que ça finisse mal !
« Autant ne pas avoir d’amis. C’est stupide, ça prend du temps et ça nous fait de la peine à la fin ! ». Le petit n’en pouvait déjà plus de cette forêt et de ce qu’elle signifiait pour lui. Il partit, en ne laissant cette fois si aucune larme. Pleurer aussi, ça n’apporte rien ! De toute façon, il n’était pas triste. Il ressentait seulement de la colère, une puissante colère qui se garda en lui pendant de nombreuses années.
Le jeune garçon se résigna à la « tâche » qu’on lui avait proposée : faire des pierres. Même s’il pouvait pousser pour avoir le choix, il n’avait pas l’énergie ou même l’envie de se battre encore et encore. Il s’en fichait maintenant, si c’est pour que ses créations destinées à faire sourire les autres finissent exploitées de façon juste stupide : maintenant, les « compagnons de jeux » étaient vulgairement appelés « animaux ». Ne connaissant pas la recette exacte, les gens créèrent des animaux de toutes sortes, mais aucun n’était comme Bretzel… Cet animal blanc était à présent une légende -ou plutôt une rumeur- pour la majorité des gens. Sel, lui, savait très bien l’histoire de cette magnifique bestiole. Mais il ne disait rien. Ce n’était pas important, et puis qu’est-ce que ça pourrait lui apporter de dire la vérité à ces pauvres gens qui ne sont même pas ses « amis »? Et puis, et puis... Personne ne le saura, parce que personne ne sera son « ami » !
Pendant des années, Sel regardait les autres, observait leurs faits et gestes… Il se disait vraiment que ces gens-là avaient l’air hypocrites entre eux, qu’ils ne pensaient jamais vraiment à l’autre… Ils n’ont rien compris au sens de ce lien que l’on appelle « amitié » !… Lui, il l’avait peut-être découvert, mais l’a perdu car ça lui faisait trop mal… Peut-être le découvrira-t-il à nouveau, mais pour l’instant il préférait ne pas se donner de faux espoirs et oublier ce terme, l’effacer de sa mémoire, jusqu’à ce qu’un tissu de douceur essuie les larmes de son passé…
Avez-vous déjà goûté des bretzels? Je ne parle pas des petits pour apéritifs, mais des gros, en pâte, avec des morceaux de sel à l’intérieur. A tous les amateurs de nourriture salée, je vous conseille vivement d’y goûter !
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