« Un héros qui ne manque pas de piquant » ! Ce petit jeu de mots semble si simple, et pourtant si approprié pour décrire l’aliment principal de cette petite histoire, c'est-à-dire Piment. Depuis qu’il avait sauvé tout le monde d’une redoutable attaque de confiture organisée par la troupe des sept fruits de l’arc-en-ciel, il était considéré comme un des aliments les plus braves de cette belle planète. Et ça ? Piment en était très content et surtout très fier ! Il ne le criait pas sur tous les toits, mais cela se voyait qu’il avait une attention particulière sur l’image qu’il donnait de lui… Et quelle belle image il donnait ! Un vrai héros ! Fort et viril ! Si beau avec son grand chapeau qu’il adorait porter ! Quelqu’un d’énergique et toujours rayonnant comme lui, c’était incroyable ! Quand il ne venait pas directement en aide aux autres, sa présence suffisait parfois à ajouter une saveur puissante et motivante. Autant dire qu’il était admiré par bien des personnes… Dont Curry par exemple ! Il a été sauvé une fois par ce héros international, et ce fut un véritable coup de foudre pour lui. Plus que du respect, nous parlons sûrement d’amour ici… Et ça ? Piment le remarquait peut-être. Un petit peu. Quelque part, cela le flattait… Mais hors de question de répondre à ce genre de sentiments, par contre ! Pourquoi ? Parce que Piment était un héros, évidemment ! Et un héros, ça doit être amoureux des demoiselles en détresse ! Et Curry avait beau être adorable et peut-être un peu mignon, ce n’était point une demoiselle en détresse… Mais qu’importe ! Piment était un héros bien trop fier pour pouvoir penser à des choses aussi abstraites et compliquées que les émotions !
Enfin… Un tout petit peu. Mais vraiment un tout petit, petit peu. Surtout le soir quand il rentrait, parce qu’une personne chère à ses yeux l’attendait, à chaque fois. C’était une jeune fille qui, bien qu’ils n’avaient aucun lien d’ingrédient, était comme une petite sœur pour lui. La sœur en question répondait au nom de Miel ! C’était une enfant des plus douces et des plus adorables, avec une voix pouvant apaiser n’importe qui… Et oui, même Piment. Ce grand énergique pouvait aussi se montrer très calme et silencieux quand il écoutait la petite Miel chanter. Et de son côté, la jeune fille aimait beaucoup la compagnie du « grand frère », bien entendu ! D’un naturel très sensible, il lui arrivait parfois d’être tristounette. Heureusement que l’enthousiasme et l’optimisme de Piment était là pour la rendre plus joyeuse et vive, de temps à autre ! Il y avait juste un petit problème dans cette relation à l’apparence si parfaite…
- Dis moi, demandait souvent Piment. Qui est ton plus grand héros ?!
- Hmmm… Je ne sais pas ! Répondait Miel à chaque fois.
Le pauvre aîné finissait toujours déçu par cette réponse. « C’est toi mon plus grand héros, Piment ! » qu’il voulait entendre ! Il l’entendait bien de la part de tout le monde, alors pourquoi pas elle ?! Cela le rendait un peu triste, mais il se calmait bien vite. Pas besoin de s’apitoyer sur son sort, il savait qu’il finirait par être son plus grand modèle ! Il l'espérait… Il le savait ! Et en attendant, il n’avait qu’à faire en sorte de la faire sourire, jusqu’à ce qu’elle admette la vérité véritable.
Et pourtant, les choses ne se passent pas toujours comme on l’imagine.
Un jour, il était arrivé à Miel de pleurer. De beaucoup pleurer, grattant nerveusement ses cheveux qui étaient tâchés de chocolat blanc. Contrairement à d'autres soirs, elle n’arrivait pas à se calmer.
La douce petite Miel était dans une mauvaise situation ? C’était une mission pour le héros Piment, ça !
- Oh, ma pauvre soeurette, que t’es-t-il donc arrivé ?! Commença Piment avec son énergie habituelle.
- Je… Renifla la petite, de sa voix mielleuse mais aujourd’hui pleureuse. J’étais chez Chocolait pour apprendre à jouer de la musique, et je m’en sortais bien d’après lui ! Mais Chocoblanc, elle… Elle n’était pas d’accord. Elle disait que j’étais nulle, et aussi pas jolie, et elle a utilisé son pouvoir contre moi !
Faisant plus preuve de sympathie que d’empathie, le grand héros puissant gardait son sourire éclatant pour se montrer rassurant. Il tapota doucement la tête de la petite et lui répondit, démarrant une nouvelle mission :
- Ne t’inquiète pas ! Repose-toi, d’accord ? Je vais aller parler avec Chocoblanc, qu’elle ne refasse plus jamais ça !
- Merci. Tu es très gentil… Répondit Miel, continuant d’enlever ce chocolat gluant de ses cheveux épais.
Elle se mit à sourire tristement, puis semblait perdue dans ses pensées bien à elle. Finalement, elle décida de prononcer quelques mots.
- Je… Je suis vraiment triste. Chocoblanc ne semble vraiment pas m’aimer et…
- Ne t’en fais pas je m’en occupe, elle ne t’embêtera plus ! Rétorqua Piment sans se rendre compte qu’il lui coupa la parole. Je vais y aller maintenant alors ne t’inquiète surtout pas, d’accord ? Tout va parfaitement bien !
- D’accord… A tout à l’heure alors, dit Miel en se retenant de gonfler les joues.
Et hop, c’était parti pour l’aventure ! Bien que le soir on est censé se reposer, un héros est fort, et peut bien accepter une mission supplémentaire, surtout si la personne en détresse était un être cher…
Piment traversa le champs de céréales pour atterrir sur les dalles sablées, faisant attention aux dures pierres de sel et évitant d'abîmer les fleurs de lait. C’était ici que se dressait une maison en chocolat clair. Là où Chocolait donnait des cours de musique, très exactement ! Piment espérait que Chocoblanc se trouvait toujours ici, et par heureux hasard ce fut le cas. Elle était dehors, ajoutant un peu de lumière à des fenêtres en bois trop foncé.
- Bien le bonsoir chère demoiselle ! Je viens ici parce que vous avez commis une erreur terrible ! Annonça Piment à son interlocutrice, ajustant son chapeau avant de croiser fièrement les bras. Et en tant que héros de ce monde, je viens pour te faire changer de comportement !
- Allons allons, je ne fais jamais rien de mal moi pourtant, répondit Chocoblanc, souriante et posant innocemment sa main sur sa joue. Pourrais-je avoir un peu plus d’explications ?
- Mais bien évidemment ! Je me permets de vous rappeler ce que vous avez fait à Miel, aujourd’hui. J’ai bien vu les tâches dans ses cheveux. Elle m’a tout raconté !
- Bah voyons…
La maligne Chocoblanc arrêta de sourire pour laisser place à une petite moue boudeuse. Elle sembla réfléchir à comment nier les faits, mais c’était impossible, n’est-ce pas ? Et puis Piment était aussi rayonnant qu’imposant…
- Ce n’est pas de ma faute, c’est elle, expliqua Chocoblanc. Elle chantait trop fort, je n’entendais plus ma flûte !
- Hah, je vois ! Rétorqua le héros. Seriez-vous jalouse par hasard ?
- … Je vous demande pardon ?!
- Je pose là une vraie question ! Vous savez, les demoiselles gracieuses comme vous jalousent souvent les filles douces et honnêtes comme Miel. Probablement que vous voyez ça comme une compétition, alors que si vous étiez amies, je pense sincèrement que…
- Je n’en veux pas de vos explications ! Je n’ai pas besoin que l’on me dise comment je suis et de toute façon, je ne suis pas jalouse ! Je l’aime pas, c’est tout !
Piment était très surpris de s’être fait coupé la parole. Lui. Par une méchante demoiselle qui plus est ! Il resta silencieux un moment, se persuadant des choses à lui-même en se massant légèrement les tempes. Il se remit vite à sourire car il ne fallait pas rester déstabilisé, cela dit !
- Ah, d’accord, commença-t-il. Mais dans tous les cas, vous êtes interdite de recommencer ! Comme je suis bon, vous n’aurez pas de punition pour cette fois. Mais que je ne vous reprenne pas, d’accord ?
Chocoblanc continuait de faire la moue, regardant sur le côté. Il était très mauvais de rétorquer les ordres de Piment, n’est-ce pas ? Elle répondit alors, déçue.
- Hmhm, c’est d’accord.
Et voilà une bonne chose de faite ! Une mission qui ne s’est pas avérée très compliquée au final ! Le cœur battant, la fierté parcourant tout son être dynamique, Piment rentra victorieux chez lui.
- J’ai réglé l’affaire avec Chocoblanc, annonça-t-il alors ! Elle ne t’embêtera plus de sitôt, si tu veux mon avis !
- Vraiment ? Comment as-tu fait ? Qu'a-t-elle dit ? Demanda Miel, ne doutant pas de ses propos mais qui était juste curieuse.
- Ne t’en fais donc pas, je n’ai pas été injuste avec elle. Un simple avertissement !
- Oh… D’accord ! Merci !
Miel semblait presque déçue pour certaines raisons, elle était néanmoins honnête dans ses remerciements. Cette déception néanmoins n’a pas été remarquée par le grand héros au cœur vaillant ! Tout était positif et tout allait bien, n’est-ce pas ? Peut-être, cependant, une partie de lui s’était mise à douter de sa personne, puisqu’il demanda à nouveau, presque instinctivement :
- Dis-moi Miel, Qui est ton plus grand héros ?!
- Hmmm… Je ne sais pas trop !”
Rien de nouveau à ce niveau-là. Pourtant, les picotements qui parcouraient actuellement Piment étaient loin d’être des piques d’énergie très agréables… Mais qu’importe ! Un héros n’a pas le temps ni le droit de se poser des questions ! Il suffisait simplement d’être le plus valeureux. Après une journée bien remplie, on a le droit de s’accorder un peu de repos, déjà prêt pour des prochaines aventures qui nous attendent avec impatience le lendemain !
Et quel lendemain surchargé que nous avons là ?!... Et bien, pas vraiment en réalité. C’était plutôt calme. Cette drôle de patrouille ressemblait plutôt à une promenade de santé. Et d’autant plus qu’il n’était pas seul, cette fois-là ! La douceur qu’était Madame Lait avait décidé de marcher avec lui aujourd’hui, voulant se ressourcer quelque peu avant de retrouver la grande famille laitière. Être maman de tant de petits, c’était loin d’être une mince affaire. Elle était un peu leur héroïne en quelque sorte ! C’est bien pour cela que même si elle avait participé à cette fameuse course pour choisir des héros, elle était bien trop occupée pour partir en mission comme le faisait Piment… Ce que ce dernier trouvait un peu dommage, d’ailleurs ! Car il appréciait la compagnie de Madame Lait. Un peu de la même façon que Miel, elle avait le don de le rendre un peu plus calme. Parfois même au point de le rendre mal à l’aise, comme si sa douceur avait un certain charisme indescriptible et trop imposant pour le vaillant héros tout en couleur !
C’était heureusement suffisamment rare pour qu’il s’entende bien avec elle. Parfois même, il s’était demandé s’il ne devrait pas être amoureux d’elle ! Ce n’était pas une demoiselle en détresse, mais une héroïne douce et sympathique, n’est-ce pas tout aussi bien pour un héros ?! Un duo convenable et convenu. Mais bien qu’il le devrait probablement, il n’arrivait pas à développer quelconque sentiment de la sorte. Après quelque temps, il finissait par s’auto-persuader d’avoir un problème qui, espérons, se résoudra plus tard avec le temps. C’était dommage, mais c’était plus simple ! Ainsi il évitait de se poser des questions pendant trop longtemps ! Les héros, ça ne doit pas trop douter, alors autant tout mettre de côté !
La preuve, cette petite « promenade » ne resta pas sans embûches, puisqu’une nouvelle mission lui faisait face ! Quelque chose de plutôt simple, pas de grand combat à l’horizon... C’était le petit Abricot qui était en train de pleurer sans raison. Du moins, sans raison apparente ! Est-ce que quelqu’un lui a causé du tort ? Est-ce qu’il a envie de créer quelque chose mais que son pouvoir à lui seul ne suffit pas ? C’est ce que nous allons voir ! Armons-nous de notre plus grand altruisme et c’est parti !
Piment, après avoir réajusté son chapeau auquel il tenait tant, s’approcha et prononça ces mots, rayonnant :
- Allons allons, ne pleure plus, petit ! Le grand héros Piment est là, prêt à te sauver de tes tracas ! Pourquoi pleure-tu donc ? Que puis-je faire pour toi ?!
Abricot continuait de pleurer. Piment continuait de sourire, les mains fièrement posées sur ses hanches. Puis enfin, après de nombreux reniflements, il daigna répondre :
- Je… Rien, M’sieur. Merci.
- Mais voyons, c’est impossible, rétorqua Piment. Il y a bien une raison ! Quelqu’un t’a fait du mal, peut-être ?
- … Le problème c’est moi. Je suis mauvais, j’échoue tout ce que je commence et…
Abricot fondit en larmes à nouveau, n’arrivant pas à finir sa phrase. Piment, lui, commençait à être un peu perdu et ne plus trop comprendre. Il ne semblait en rien d’un mauvais bougre pourtant, ce petit Abricot ! Alors il continuait à sourire, bien qu’il commençait à se sentir quelque peu mal à l’aise.
Finalement, Madame Lait décida d’intervenir. Pouf ! D’une douceur incomparable, elle serra le pauvre Abricot dans ses bras délicats. Par réflexe, le jeune garçon se blottit contre Madame Lait, continuant de pleurer.
- C’est bien, ne te retiens donc pas, commença à dire Madame Lait ! Je suis là, tu es en sécurité. Tu peux raconter tout ce que tu veux, je suis attentive…
Le petit Abricot commençait à balbutier quelques mots. N’arrivant pas à se faire comprendre, il prit quelques inspirations avant de confier ses problèmes. Il parlait de ses projets de création qu’il ne réussissait pas, de personnes avec qui il ne s’entendait pas, d’avoir l’impression que c’était lui, le problème… Tant de choses ! Tant de petites choses et pourtant Madame Lait n’en perdait pas une miette. Elle écoutait tout très attentivement, continuant gestes chaleureux et rassurants, accordant toute sa présence… Elle parlait de temps en temps, si peu au final, et plutôt là pour apporter un soutien émotionnel plutôt que de simples conseils. Finalement, c’est ce qui permit au jeune garçon de se calmer, et même de sourire un petit peu !
… Mais Piment, lui, ne comprenait toujours pas. Ses problèmes n’ont pas été réglés de cette manière, non ? Mais de toute façon… Ce n’était pas comme s’il avait une autre solution à proposer, le grand héros ! Lui qui, au final, restait là, sans bouger tandis que lui faisait face à un nouveau souci, répétant ces picotements non agréables qui parcouraient son cœur plus sensible qu’il n’y paraît… Cette aventure était un échec.
Il avait échoué en tant que héros, là où Madame Lait avait réussi. Et ça, c’était tellement frustrant ! Un peu de culpabilité de ne pas avoir réussi… Une blessure au niveau de son égo, sûrement ! Et surtout, une nouvelle remise en question. Alors Piment partit, sans dire le moindre mot. Il n’y avait pas besoin de lui par ici après tout !
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