En
arrivant à hauteur des premières habitations ils virent des traces de sangs
fraiches mais pas de cadavres. Septem fit un bond en arrière, se retenant de
hurler avec sa main. Les pensées d’Astir s’accélérèrent, il refusait de se
rendre à l’évidence. Il y avait eu des morts. Ils se rapprochèrent l’un de
l’autre, pour se soutenir, se rassurer, ils voulaient savoir mais craignaient
tellement la réponse. Les criordeaux étaient partis se cacher plus loin. Les
jeunes Leontopo étaient livrés à eux même, piégé dans l’appréhension
grandissante. Ils n’avaient aucune idée de ce qu’il avait pu se passer, ce
n’est quand se rapprochant du centre qu’ils comprirent. Le tas de cadavres rassemblé
sur la place du village était équivoque.
Les Anaons avaient pris à sac Prat, pillé les maisons et tué les habitants. Ce n’était pas une espèce humanoïde, c’était une espèce de monstre vivant terré dans la profondeur des lacs. Ils ne sortaient quasiment jamais de leur profondeur. Septem et Astir tombèrent à genoux, les larmes montèrent d’elles-mêmes. La voix coupée par le choc, ils éclatèrent en sanglots. Ils fixaient cette vision d’horreur, tétanisé par le désespoir. Ce qu’ils avaient sous les yeux n’était pas réel, ça ne pouvait pas l’être. En quelque heures seulement, ils avaient perdu tout ce qu’ils possédaient, tous leurs liens, leurs familles, leurs amis, tout. Ils ne pouvaient pas l’accepter. Ils avaient encore les images pleines de vies du village. Les enfants qui couraient dans les allés, les bruits familiers des adultes qui travaillaient, la cacophonie du village résonnait dans leurs oreilles, remplaçant le silence de mort qui les entouraient. Qu’est-ce qui avait bien pu pousser les Anaons à commettre ces crimes ?
Les criordes tournaient autour du tas de cadavres, reniflant l’air et le sang qui coulait sur le sol de terre. Astir les rappela et tout en s’accrochant à Septem pour la relever, la soutirer à cette scène d’horreur, il avança vers sa maison dans le maigre espoir d’y voir sa grand-mère, sans cela il ne se serait pas relevé. Septem continuait de pleurer, le visage couvert de larmes et morves, elle ne pouvait pas marcher seule, Astir la soutenait et la dirigeait, elle avait vu les vêtements de ses parents parmi les corps. Il fallait accepter cette fatalité. Mais là, tout de suite, c’était impossible. Trop de choses à réaliser et à mettre en place en trop peu de temps. Sans parler des chocs émotionnels auquel les adolescents faisaient face.
La bergerie était vide, il n’y avait plus d’animaux et il n’y avait aucune trace de sa grand-mère. Astir éclata en sanglot de nouveaux. Se tourna vers Septem, la prit dans ses bras et posa sa tête sur son épaule. Ils restèrent dans cette position pendant plusieurs heures, debout, à l’abri de l’extérieur dans la bergerie. Les criordes étaient assis à côté d’eux, ne comprenant pas ce qu’il se passait. Se contentant de se frotter contre les jambes de leurs maîtres dans une veine tentatives de les apaiser.
L’aube commençait à apparaître, ils avaient réussi à se calmer, ils avaient discuté entre eux du mieux qu’ils pouvaient. La décision évidente qu’ils devaient prendre n’était pas facile à choisir. Mais ils n’avaient pas le choix et ils craignaient trop de rester ici dans ce village où ils avaient tout perdu. Certes c’était le village de leur enfance et ils avaient toujours vécu ici mais c’était parce qu’il y avait leurs familles, maintenant c’était la représentation de leurs douleurs. Les deux adolescents choisirent de quitter le village le lendemain au commencement du jour. Ils allèrent chacun de leur côté faire le tour des habitations dans l’éventualité de trouver un survivant puis après n’avoir trouvé personne, ils firent leurs sac la mort dans l’âme, mécaniquement comme des automates, se focalisant sur cette tâche simple, se retenant de penser, de laisser court à leurs émotions. Ils passèrent la nuit dans le grenier de l’auberge, après s’être barricadé et blottis contre Kornog et Gwalarn dans un semblant de confort et de sécurité. Ils passaient leur dernière nuit chez eux, entouré des esprits et des souvenirs de leurs proches. Grelotant encore de peur et de tristesse, un peu de froid également. Ils s’endormirent sans s’en rendre compte dans un sommeil perturbé.
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