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La chute d'Icare

AVEUX AU SOLEIL • PT. I

AVEUX AU SOLEIL • PT. I

May 08, 2023

Le matin suivant, Apollodore émergea du sommeil avec un mal de crâne tenace. Il avait pour sûr fumé et veillé plus que de raison la veille. Mais ce n'était pas une excuse valable pour traîner au lit. C'était au petit matin, dans la lumière rasante du soleil levant qu'il avait toujours été le plus productif, et il n'avait que trop prit de retard dans ses travaux dernièrement. La vérité c'était qu'il s'était laissé distraire. Par Icare principalement, mais pas que. Il avait presque laissé de côté ses objectifs, embrigadé dans la révolte étudiante qui grondait dans tout Paris. Pourtant, s'il était là, ce n'était pas pour faire de la politique. C'était pour sculpter. C'était la seule chose qui devait importer. Le fait qu'Icare l'ait ignoré la veille lui avait au moins permis de se rendre compte de cela. Il déviait de son chemin et bientôt il l'aurait complètement perdu de vue. Du moins s'il ne se reconcentrait pas. Et Icare pouvait bien aller se faire voir, s'il était trop puéril pour fixer son attention sur une chose ou une personne pendant plus de quelques jours, ce n'était définitivement pas le cas d'Apollodore. Aussi, une fois vêtu d'une chemise blanche de laquelle il retroussa soigneusement les manches et d'un pantalon sombre, il quitta la tiédeur de sa petite chambre pour arpenter les couloirs frais jusqu'à l'atelier de sculpture. À cette heure-ci, il serait sûrement vide, du moins c'était ce à quoi Apollodore s'attendait.

Pourtant, au même moment, Icare justement s'était laissé guider jusqu'au même atelier, où il laissa ses doigts courir sur le marbre froid d'une statue. Sa nuit avait été fade, et tout du long, il avait souhaité se retrouver de nouveau seul à seul avec Apollodore, de pouvoir profiter de sa lumière plutôt que de s'enfoncer dans les ténèbres. Malgré ce qu'il laissait transparaître, Icare était très attentifs aux autres, ainsi, il savait sans se tromper qu'Apollodore débarquerait dans cet atelier tôt ou tard dans la matinée. Il le voyait y entrer chaque matin depuis l'autre côté de la cour, dans l'aile de la bibliothèque dont les fenêtres donnaient sur celles de l'atelier.

Patientant, Icare continua de découvrir la statue face à lui. Les détails de la peau, des muscles, des veines, y étaient ancrés avec un tel réalisme, une telle virtuosité, qu'il s'attendait presque à la trouver chaude, vibrante, vivante, sous la pulpe de ses doigts. Doigts qu'il n'avait par le fait pas pu garder pour lui. Pourtant, il savait bien qu'il ne devait pas toucher aux œuvres, ou alors juste avec les yeux. Mais lui préférait voir avec les doigts, voilà tout. Les doigts comme extension de la vision. De toute façon, la seule espèce capable de toucher avec les yeux, c'était les escargots et Icare, lui, préférait voler que ramper. 

Apollon, le dieu soleil. Voilà ce que représentait cette sculpture. Et Icare eut envie de lui faire l'amour, rien que comme ça. Avec ses doigts. Il les laissa glisser jusqu'à la nudité flagrante de cette personnification astrale de tous ses désirs enfouis, les laissant reposer sur son sexe qui resta de marbre, dans tous les sens du terme. Icare se surprit à rire, avant de reprendre son exploration en silence. Ses doigts remontèrent le léger mais bel et bien présent sillon entre ses abdominaux quand il fut stoppé par une voix dans son dos.

« Ce que tu vois te plaît ? »

Adossé au chambranle de la porte, il était là. Apollon. Non plus celui de marbre qui perdit aussitôt tout attrait aux yeux d'Icare, mais celui de chair et de sang. Celui qui serait tiède, puis brûlant sous ses doigts. Celui qui le ferait s'embraser entièrement. Apollodore. Dans sa chemise blanche aux manches relevés et au col négligemment déboutonné, son dos droit et ses épaules carrés, accentuées par les bretelles sombres accrochées à un pantalon de la même teinte. Comme il l'avait fait avec son homologue statuaire, Icare le dévisagea sans vergogne. Et au bout d'un temps, il répondit : « Maintenant, oui. » Puis il sourit doucement, comme si les événements de la veille n'avaient jamais eut lieu, comme s'il n'avait pas passé la soirée à l'ignorer.

Apollodore ne s'en préoccupa pas plus et sourit lui aussi avant de se décaler de l'huisserie, gardant ses bras croisés sur son torse, et de s'approcher du blond d'un pas nonchalant. Il n'avait pu empêcher son ventre de se tordre quand il avait aperçu Icare au milieu des statues. Ô quelle divine vision. Sa beauté rendait tous ces visages de marbre futiles, c'était comme s'il avait été sculpté par l'artiste le plus virtuose avant que les dieux eux-mêmes, abasourdis par la pureté de ses traits, ne décident de lui insuffler la vie, parce que pareille création ne méritait pas de rester figée.

En arrivant proche de lui, Apollodore se saisit de la main qu'Icare n'avait toujours pas laissé retomber et la posa de nouveau sur le marbre lisse, dans le dos cette fois-ci. Il la fit glisser, comme pour guider Icare dans sa découverte, passant sur le rebondi des fesses pour s'arrêter juste en dessous, dans un creux.

« Là, tu sens ? » Il ne regardait pas Icare en lui posant la question. Il avait le regard résolument rivé sur leurs mains liées et posés sur la pierre froide. Icare le détailla un instant avant de reporter son attention lui aussi sur leurs mains. « C'est mon endroit préféré. Parce que l'on sent encore les coups de burin. »

C'était un tout petit recoin, et c'était à peine perceptible, juste entre la peau de la statue et le tronc du décor contre lequel elle était appuyée dans un soucis d'équilibrage des masses et des forces.

« Ça me permet de de rappeler qu'elles ne sont pas réelles. Quelles sont façonnées de la main d'un homme. Et ça me permet de ne pas oublier que les miennes le sont tout autant. Qu'il serait narcissique que de trop les aimer. »

« Tu as peur de tomber amoureux de tes statues ? »

« Une en particulier. Tu trouves ça étrange ? »

« Non. »

« Ça s'est déjà vu. Certains artistes en sont devenus fous. Fous d'amour pour leur propre œuvre. Peut-être fous d'amours pour eux-même. »

Icare fit la moue, comme si cette idée le dérangeait. C'était étrange de voir Icare dérangé par l'idée de la folie.

« Au moins ainsi, ils ne peuvent pas être déçus. » Ajouta Apollodore.

« Je crois plutôt qu'à l'inverse, ils ne peuvent qu'être déçus. On ne se complaît dans l'amour que s'il est partagé. »

Et le revoici, le garçon curieux de la bibliothèque, celui qui avait tant intrigué Apollodore, malgré ce qu'il avait pu dire ce jour-là. Bien sûr qu'il ne trouvait pas Icare insipide. Il ne l'avait jamais pensé, pas même un instant.

« Tu me la montreras un jour ? Ta statue. »

« Peut-être. »

Icare avait déjà vu le travail d'Apollodore, enfin certaines de ses œuvres, et il devait reconnaître qu'elles étaient somptueuses. Pourtant, quand le noir parlait de cette statue en particulier, Icare pouvait sentir à quel point c'était différent. Presque comme si un voile mystique l'entourait. Et bien qu'il ne l'ait jamais vu, Icare savait que cette statue était spéciale. Peut-être serait-elle celle qu'il présenterait au concours de l'académie si toutefois il décidait d'y prendre part. S'il devait être tout à fait honnête, Icare n'avait rien contre le fait que son ami y participe, bien qu'il pense ce concours futile et stupide, ce qui l'embêtât réellement, c'était surtout qu'Apollodore passe plus de temps avec Alain C. Laurent. Icare ne savait se l'expliquer, mais il n'aimait pas la façon dont ce dernier regardait où même se comportait avec Apollodore. Ça lui rappelait de douloureux souvenirs qu'il avait cru avoir enfouis depuis longtemps déjà. Aussi, plutôt que se laisser couler dans ses souvenirs d'enfance, il se tourna vers Apollodore pour lui dire :

« Parle moi de toi. »

Se plonger dans l'enfance d'Apollodore serait sûrement bien plus intéressant à découvrir que ressasser ses propres drames.


P4R4D0X
Kracotte

Creator

#amour #Mai68 #lgbt #Paris #bl #art

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