Taren et moi, nous avons pris l'habitude de jouer avec tout et n'importe quoi. C'est une sorte d'insouciance, que seul ceux ayant des capacités suffisantes pour ne pas être inquiétés par de possibles dangers, puissent avoir. Néanmoins, peu importe nos forces il y a des choses contre lesquelles on ne peut lutter.
« Où est-ce que vous étiez encore ? » demanda père, de toute évidence, irrité par nos actions imprudentes à répétition. « Ne savez vous donc pas à quel danger vous vous exposez en vous baladant insouciamment dans les rues ? »
« Mais père, même si on est en danger, on peut toujours s'enfuir. »
« Parce que tu penses que des kidnappeurs te laisseraient t'échapper ? Ne soyez pas naïfs les enfants, il y a toujours des imprévus. » dit-il d'un air sérieux. Il semblerait que l'on soit peut-être aller trop loin, on voulait pas l'inquiéter... « Sinon, qu'est-ce que tu tiens dans ta main droite Nora ? »
« Ha ! Ça ? Je ne sais pas, je l'ai pris à des méchants, je crois que ça s'appelle du "whisky". » lui répondais-je, insouciante.
« Pardon ? Du Whisky ? C'est une blague ? T'as trouvé ça où ? » Demande-t-il d'un air perplexe.
« Bah chez des méchants j'ai dit. » Rétorquai-je de nouveau alors encore inconsciente des conséquences de mes paroles. «Ils avaient des couteaux et des airs de voyou. Mais ne t'inquiète pas on s'est enfui après les avoir tabassé. »
« ... » Un long silence s'installa, alors que Taren se retournait lentement vers moi d'un air abattu, comme s'il voulait me crier quelque chose sans pouvoir le faire. Mais ce qui me perturbait le plus était le regard de père.
"Pourquoi il nous regarde comme si on avait fait quelque chose de vraiment idiot ?" pensais-je.
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20 minutes de sermons plus tard, dans le dortoir de l'orphelinat
Un silence s'était installé dans le dortoir dans lequel Taren et moi avons été congédier. Je ne comprend pas ce qui n'allait pas. Je veux dire, d'accord c'était un peu dangereux, mais ce n'est pas la première fois que ça nous arrive, on est largement assez fort pour pouvoir se défendre nous même, alors pourquoi s'être autant énervé pour ça ? Ce n'était pas la peine de s'inquiéter.
Je me tournai alors vers Taren, qui était assis contre un mur, me fixant avec un regard déconfit. Je pouvais lire dans son regard un certain mépris.
« Pourquoi tu me regardes comme ça ? Je te rappelle que t'étais avec moi lorsqu'on est parti jouer au quartier sans-loi. » Je lui ai lancé en brisant le silence, pour lui rappeler qu'il n'avait aucun droit de me juger.
« Sauf que moi, je n'avais aucune intention de mettre père dans tout ses états en lui racontant la vérité. Tu devrais savoir que peu importe notre force, il est toujours contre ce genre de prise de risque, idiote. » Il me lançait un regard encore plus dédaigneux, comme pour mettre toutes les fautes sur mes épaules. J'en reviens pas qu'il ose dire ça. Un sentiment de tristesse se mélangeait à ma colère, il ne m'avait encore jamais regarder avec de tels yeux avant.
« Répètes un peu ça ?! » Mon ton devint tout de suite bien plus féroce alors que je me levai en m'approchant de Taren encore assit contre le mur. « Je n'ai jamais voulu ça ! Et pourtant toi, tu agis comme si j'étais une sale raclure et toi, la pauvre victime de mon acharnement ! » Lui criai-je dessus tout en attrapant son torchon qui lui servait de tunique, avant de le plaquer contre le mur sévèrement. « Tu n'as aucune leçon à me donner, toi et grosse tête. »
Le visage de Taren semblait se noircir de rage alors qu'il m'attrapait violemment le bras qui lui saisissait sa tunique, afin de dissiper sa colère, alors qu'il semblait se retenir de me frapper.
« Des leçons ? Tu ne les écoutes jamais ! » Taren étant d'une nature calme, cela me surpris grandement de le voir hurler pour la première fois. « Tu es tellement inconsciente que je dois tout le temps te restreindre ! » — ma poigne commençait à s'allégir dû à la force avec laquelle Taren m'agrippait — « Bien sûr que j'approuvais tes idées ! Parce que sinon tu t'enfoncerais toutes seules dans des histoires dangereuses ! Tout ce que je fais, je le fais pour toi, père et notre maison ! Pour ne pas les inquiéter plus que tu ne le fais déjà ! Et pourtant toi tu passes ton temps à empirer leurs craintes ! Comme maintenant ! » — les larmes commençaient à monter à l'écoute de ces paroles qui ont tout pour me mettre en tord —
« Tu sais quoi ? Je comprend pourquoi ta mère t'as abandonné ! »
Ses paroles m'affectèrent énormément, je ne pouvais contenir les émotions qui bouillonnait en moi. Et pourtant il y a une seule chose que je ne pouvais absolument pas laisser passer.
« Ma mère ne m'a pas abandonnée, et tu le sais ! Ne parle plus jamais d'elle comme ça !! » Me suis-je écrié pour défendre ce qui me tenait à cœur. Une avalanche d'émotions en moi semblait s'octroyer le contrôle de mes dires et actions. Je ne semblait plus moi même, à tel point que j'aurai pu aller jusqu'à commettre un acte que j'aurai regretter plus tard.
Soudainement, la porte s'ouvrit, laissant entrer une petite fille âgé de 5 ans.
« Elsa ? » disais-je, décontenancé par sa brusque apparition à un moment qui ne me mettait pas à mon avantage.
« Je vous ai apporté des brioches » disait-elle d'une voix timide. « Père m'a dit de vous en apporter, avant qu'il parte. »
Je ne pouvais m'empêcher de fondre en larme face à un tel ange miséricordieux venu en aide à de pauvres brebis égarées. Taren et moi nous calmions avant d'attraper chacun une brioche. Néanmoins, si la situation semblait s'être calmé, Taren et moi ne faisions que nous retenir devant Elsa. En réalité, l'atmosphère était tellement pesante que je suis presque certaine que même Elsa, une enfant de 5 ans, a pu le ressentir.
« Mais où est parti père ? » demanda Taren à Elsa, brisant la glace de manière astucieuse.
« Il a dit qu'il devait allez voir les gentils gardes pour corriger vos erreurs. » Ce poignard m'enfonça encore un peu plus dans la culpabilité. Néanmoins c'est probablement une bonne chose. Après tout, ces bandits avaient l'air de causer beaucoup de souci aux gens d'ici, alors je suis content de les avoir trouver par hasard en suivant des types louches.
« En tout cas, merci pour la brioche ! » disais-je en souriant gracieusement. Elsa n'est pas une orpheline de naissance, elle a été abandonnée alors qu'elle n'avait que 3 ans puis a été adopté par père. Il paraît que sa famille voulait la vendre. Franchement je suis un peu triste pour elle. Je n'ai jamais connu mes parents alors je ne sais pas ce que c'est que d'être trahi par sa famille, mais elle ne le méritait certainement pas.
Tout en continuant de manger ma brioche, je remarquai Elsa qui semblait hésitante. Elle voulait très certainement nous demander quelque chose mais son visage disait clairement qu'elle avait peur de la réponse.
« Kefkiya, Efha ? » Lui demandais-je d'une voix curieuse en bafouillant, alors que je mangeais la brioche.
« C'est que...» réussissait-elle à peine à chuchoter. Elle semblait vraiment avoir du mal à exprimer ce qu'elle voulait dire. Étant plutôt du genre "direct", je ne sais pas trop comment m'y prendre avec ce genre de cas...
« Est-ce que vous n'aimez pas cet endroit ? » dit-elle alors que nous avalons chacun brusquement notre dernier morceau de brioche, un peu surpris par cette question. « À chaque fois vous partez pour aller jouer dehors. Est-ce que c'est parce que vous ne nous aimez pas et préférez être loin d'ici ? »
« ... » Un léger silence s'installa dans l'air, le temps que nous digérions la question et la brioche.
Elle semblait sur le point de pleurer... mais je comprend mieux maintenant. Je regardais Taren une petite seconde, et même après notre dispute, on semblait d'accord de repousser notre conversation pour ne pas faire peur à Elsa. Néanmoins, face à cette scène, je commence un peu plus à comprendre les paroles de Taren. À force de ne penser qu'à moi, j'en avait délaisser cette maison qui nous avait vu naître pour aller jouer dehors et inquiéter tout le monde. Dit comme ça, ça sonne un peu ingrat de ma part. Et il est vrai que Taren a toujours tenté de me retenir dans mes idées farfelues, la faute me revient donc de ne jamais avoir compris, en plus d'avoir embarqué Taren dans tout ça. Je ne pense pas que j'aurais pu changer ce que je pensais sans avoir vu directement les conséquences de mes actes, alors maintenant, je dois me racheter.
« Tu penses vraiment qu'on ne vous aime pas ? » Dis-je alors d'un ton monotone mais attristé intérieurement.
Taren s'avança alors pour prendre la parole vers Elsa. « Bien sûr qu'on aime cet endroit, et on est désolé qu'on ait pu vous faire penser le contraire... alors s'il te plaît, arrêtes de pleurer. »
«Si ça peut te rassurer, on te promet qu'on ne vous abandonnera jamais et qu'on ne vous inquiétera plus jamais, que ce soit toi, les autres, père ou cette maison. » J'ai ajouté fièrement, déterminé à tenir ma promesse. « Alors sois brave et retiens tes larmes. Après tout, je n'aimerais pas être puni de dessert pour avoir oser faire pleurer un ange... »
Taren me frappa soudainement sur la tête, me réprimandant pour cette réplique de trop en ajoutant : « Oi ! Tu ne peux pas penser à autre chose que toi et ton ventre ? »
« Mais- mais j'aime les desserts ! Y a rien de criminel là dedans ! » Répliquai-je, confuse des raisons pour lesquelles il s'est dit qu'il avait le droit de me taper. Il se prend pour qui avec sa tête d'oignon !?
« C'EST PAS LA QUESTION ! » me criait-il dessus en me renvoyant un coup au même endroit que le premier alors que je ne pu m'empêcher de brailler un : « AÏE ! » Mais c'est quoi cette manière de traiter une lady ?! En plus on venait de finir un super discours de vrais pro et il commence à me taper pour aucune raison ! Il se relâche un peu trop sur moi j'ai l'impression, depuis qu'il m'a crié dessus tout à l'heure !
Soudainement, un léger pouffement se fit entendre entre deux insultes, ce qui nous fit arrêter notre chamaillerie avant de nous retourner vers la seule personne encore présente dans cette pièce — Elsa —
« Shishi- shishishi~ » Taren et moi restions bouche bée face à ce spectacle divin. Jamais nous n'aurions pu imaginer voir de notre vivant un ange rire.
« Et bien tu vois quand tu veux. » J'ai dit, heureuse d'avoir pu rendre le sourire à Elsa. Peut-être qu'ainsi nous avons pu commencer à nous racheter... même si c'est en nous ridiculisant. « C'est comme ça qu'il faut être, t'es bien plus mignonne quand tu ris héhé. » Me suis-je exclamé, plein d'assurance, envers Elsa qui semblait en pleine admiration. Je suppose qu'on a réussi à regagner un peu sa confiance...
« Bon c'est pas tout ça, mais nous on est puni ici, alors retourne t'amuser avec les autres au lieu de te moquer de nous. » a dit Taren d'un ton bienveillant.
« D'accord ! » a dit Elsa après s'être essuyé les yeux, puis s'est ensuite dirigé vers la sortie, fermant la porte délicatement avec ses petites mains. "Et dire que certains trouvent les chats mignons..." ai-je pensé.
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