[Jim]
C'est flou.
Cet endroit... C'est- *Hic*
... Je pleurs ?... Me dit pas que...
Je fis un pas en avant, inquiet. Néanmoins, un bruit visqueux m'arrêta net dans ma progression, comme si l'on marchait sous la pluie. Une odeur putride eut le temps de m'atteindre avant d'avoir pu réagir à la texture désagréable qui collait à mes talons.
*Hic*
Mes yeux se posèrent instinctivement vers le sol, comme si inconsciemment j'avais déjà vécu ce moment. Et pourtant, je semblais refuser la réalité, incapable d'accepter que plus rien ne serait comme avant. Est-ce donc ce qui va me faire sombrer ? Pourquoi ne puis-je donc pas oublier ?!
*Hic*
Les larmes s'acharnaient alors que mes jambes perdaient de leur force. Me faisant inéluctablement tomber dans l'immensité rouge qui se répandait devant moi. S'il vous plaît laissez moi tranquille...
Ma respiration s'accéléra au rythme effréné de mes battements de cœurs qui se faisaient entendre dans l'abyssal silence de ma maison.
Je veux rentrer chez moi. Retrouver mon quotidien apaisant au côté de mes parents. Les crépitements du feu de bois couplés à l'odeur de la cuisine de ma mère. Qu'ai-je fait pour mériter ça ? « Ji- ? »
Mes yeux s'habituèrent alors aux ténèbres de la pièce me laissant apercevoir l'objet de mes tourments. Gisant dans une mare de sang...
*Maman... ?*
« JIM ?! » — Je me réveille en sursaut —
« Q- quoi ?! » Je vis une petite fille m'écraser le torse, alors que je venais de me réveiller sur le sofa sur lequel je m'était endormie par inadvertance. « Elsa ? Pourquoi tu me réveilles ? » Je lui demandais, encore un peu assommé par ce réveil brusque.
Une autre fille un peu plus âgé s'avança vers moi d'un air désabusé. « T'avais qu'à pas t'endormir, flemmard. » Pas de doute, il s'agit bien de Lisa et de son hautaineté. « On s'est décidé, et pour remonter le moral de père on veut lui faire une surprise. On veut préparer le diner avant son retour mais on a aucune notion de cuisine. Tu peux nous aider ? »
Évidemment il fallait que ce soit ça. Je suis peut-être le plus âgé de l'orphelinat mais je n'ai que 11 ans. Comment pourrais-je avoir ne serait-ce qu'un dixième des compétences de père en cuisine ? « J'me demande bien qu'est-ce que vous feriez sans moi. » Disais-je d'un ton ironique accompagné d'un léger rictus en coin.
« Te fous pas de nous ! On a juste un peu... peur... du feu... » Bafouilla-t-elle, gêné. Je me levai alors du sofa en lâchant quelques bribes de rire.
C'est vrai qu'ici, tout le monde a une histoire similaire à la mienne, je me sens vraiment chez moi, alors je n'ai aucune raison de me sentir triste. Après tout, ici tout le monde se comprend et s'entraide, père nous donne des cours et nous éduque, et les autres enfants et moi aident pour les tâches ménagères de la maison. J'ai vraiment l'impression d'avoir retrouvé une vraie famille.
Du moins, si on ne compte pas Taren et Nora. Nous avons été élevé sous le même toit, adopté par le même père ; nous avons mangé le même pain, dormi dans les mêmes lits, et joué aux mêmes jeux d'enfant. Et pourtant ils ne se sentent jamais concernés aux préoccupations de leur foyer. Ils ont beau avoir des capacités surhumaines bien supérieures à nous, ce n'est pas une raison pour laisser de côté les seules personnes qui tiennent à eux.
Pour ma part, ça ne me fait ni chaud ni froid, mais je refuse qu'ils fassent éprouver à ma famille la même chose que j'ai pu vivre.
Ils me rappellent mon père. Jouant aux héros, tout en prétendants le faire pour le bien d'autrui, mais restent incapable de protéger leur propre famille. Un jour ils finiront par crever, et il n'y aura plus personne pour les pleurer. Tant pis s'ils ne sont pas intéressés par cette endroit, parce que moi je l'aime cette petite maison décrépite.
Peut-être qu'un jour cette famille que je me suis faite se dispersera et qu'on ne se reverra plus jamais. Mais en attendant, je suis heureux d'avoir retrouver un endroit que je peux appeler mon "chez moi".
Soudainement, la porte d'entrée vola en éclat sous un tonnerre de grabuge. On tomba tous sur le sol, surpris par un tel acharnement envers une porte qui ne fonctionnait, de toute manière, plus. C'est alors que trois hommes adultes entrèrent dans la maison, suréquipés d'armes diverses.
« Où sont ces deux gamins ?! » Ordonna-t-il agressivement à quiconque serait en état de répondre.
Encore déconcerté de ce qu'il venait d'arriver, je n'arrivais plus à réfléchir sereinement, c'est à peine si j'avais entendu la question. La panique semblait m'attraper alors qu'un des hommes attrapa un des enfants par le col pour le menacer. « On vous a demandé où ils sont ! » Je repris alors conscience dans un élan de désespoir et, luttant pour me lever, je m'interposa face à l'homme.
« Nous ne savons pas de qui vous parlez ! » Je beuglai vers les hommes, priant pour qu'ils se soient trompés d'endroit et qu'ils fassent demi-tour.
« Ho~ ? Tu veux faire le malin ? On sait très bien que ces deux p'tits connards habitent ici alors dites le nous tout de suite et vous souffrirez peut-être moins ! » BAM ! Un poing me frappa le visage, me repoussant sur plusieurs mètres.
« Argh ! » J'ai mal ! Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? Il m'a frapper ? J'ai la tête qui tourne... Du sang ?! Je saigne !
L'homme se rapprocha de moi tout en sortant un canif de sa ceinture. J'étais bien trop paniqué pour le voir arriver, tout ce que je pouvais faire était de pleurer d'effroi.
Pourquoi ça arrive ?! Ils ont parlé de "deux gamins". Est-ce qu'ils parlent de Taren et Nora ? Ils les cherchent ? Mais pourquoi ? Qu'ont-ils bien pu faire ?
Alors que l'homme été sur le point de me pourfendre, une autre voix rauque s'immisça dans l'action, résonnant même dans le vacarme de la scène.
« Arrête toi là. » Dit le quatrième homme qui entra dans la pièce.
Imposant. Du genre géant. À côté de sa stature on ressemblait à de simples insectes qu'il pouvait balayer d'un simple souffle. Comment était-il possible de voir un tel monstre dans un pauvre orphelinat ? Face à lui, toutes questions n'étaient que futilités. La seule chose qui me traversait l'esprit en le voyant, était notre inéluctable mort.
« Loup ! Que faites-vous ici ? Ce n'est qu'une petite affaire. Vous n'avez aucune raison de vous dérangeait pour des gosses. » Dit l'un des sbires.
« Idiot ! En insultant mon clan ils m'ont aussi insulté, ça me concerne aussi. »
Menteur. Même à moitié conscient, je pouvais clairement déceler que l'expression de ce bâtard n'exposait qu'une seule et unique émotion : Une incontestable envie de tuer.
« Mais pourquoi m'avez-vous arrêté ? » Se demandait l'homme armé qui était sur le point de me pourfendre de sang froid quelques secondes plus tôt.
« Voyons... tu ne penses pas que les tuer un à un en face des deux autres mioches serait bien plus divertissant ? » Avança-t-il en affichant donc clairement sa véritable motivation. « Où sont-ils par ailleurs ? »
« Ces gosses refusent de nous le dire. Et on a beau fouiller toute la maison on ne les trouve pas. »
« Vraiment ? » Prononça-il d'un rictus effroyable.
L'homme qu'il nommait 'Loup' s'avança alors en direction du sofa avant de s'allonger délicatement sur ce dernier, comme s'il voulait débuter une sieste. Cet acte bénin, placé dans ce contexte si particulier rendait la scène indescriptiblement insupportable.
« Dans ce cas, tuez-en un toutes les minutes jusqu'à ce qu'ils nous révèlent où ils se trouvent. » Ordonna-t-il tout en restant allongé sur le sofa avec les yeux clos comme pour dire qu'il ne craignait rien. Comment un homme pouvait-il être si serein tout en prononçant des mots aussi atroces ?
« Sans problème. » Affirma le sbire en s'avançant vers les enfants, regroupés au coin de la pièce, tremblant d'effroi.
Je dois faire quelque chose, n'importe quoi. Taren et Nora ne sont pas là. Ils se sont enfuis ? Rah! pourquoi tout finit toujours mal ?!
Je n'eus le temps de réfléchir que l'homme attrapa Lisa par le poignet en lui sommant de révéler la cachette de Taren et Nora. Néanmoins, elle lui était impossible de prononcer un seul mot, ce qui eut pour effet d'enrager encore plus l'homme menaçant.
« Si tu ne veux pas que ma lame transperce tes orbites, tu as tout intérêt à parler ma p'tite. » Annonça-t-il en taillant lentement sa joue de son canif.
« Aagh ! » Les gémissements de Lisa me parvenaient, mais peu importe à quel point je voulais l'aider, la peur me paralyser. Arrêtez. Je n'arrivais plus à le supporter. Ça allait encore arriver. J'allais perdre ma famille une nouvelle fois. Arrêtez...
Ma mère est morte durant un cambriolage qui a mal tourné, alors que mon père était trop occupé à prétendre défendre l'humanité pour nous protéger nous, sa propre famille. Et juste après, j'appris la mort de mon père sur le champ de bataille. J'étais désespéré, j'avais tout perdu à cause d'un homme qui avait mal choisi ses priorités, et de ma propre faiblesse. Cependant, père m'a recueilli, il m'a offert un foyer, des frères et des sœurs et une raison de les protéger.
Malgré tout, me voilà à terre, incapable de protéger quoique ce soit, et assistant, impuissant, au massacre de ma nouvelle famille auquel je tiens tant. Suis-je destiné à tout perdre continuellement ? À me débattre vainement dans un monde qui cherche à m'enterrer ? J'en ai marre, plutôt mourir que de vivre comme ça...
« Lâchez là !! » Brailla une voix aigüe, comme une salvation dans cette angoisse perpétuelle.
Phil ? C'était un garçon de 6 ans qui s'était interposé pour protéger Lisa. Mais pourquoi ? Tu n'as aucune chance de changer quoique ce soit à la situation, alors pourquoi ?
« Il veut quoi ce gosse ? Lâche moi, merde ! »
« Relâchez là ! Bande de vilain ! »
... Qu'est-ce que je fous ? ... C'est moi l'ainé, c'est moi qui suis censé m'interposer. Alors qu'est-ce que je fous à me lamenter pitoyablement sur mon sort alors que ma famille est en danger ? Personne ne viendra nous aider et peut-être que je n'ai aucune chance, mais il est hors de question d'abandonner si facilement. Peu importe si je meurs, mais personne ne touchera à ma famille !!
« Très bien, si tu ne me lâches pas tu seras le premier ! » Alerta le sbire, prêt à embrocher Phil d'un simple mouvement de lame. Néanmoins, il reçut soudainement un coup sur la tête provenant visiblement d'une cuillère lancée approximativement sur lui. « Hein ? »
Une silhouette apparut alors, se dirigeant à toute vitesse vers l'abdomen de l'homme. Ce dernier n'eut le temps de réagir autrement que par une brève pensée : "il va me planter !". Et paf ! le choc n'eut certes que peu d'impact, cependant, cela suffit à déstabiliser l'homme au point qu'il relâcha Lisa, alors qu'il s'imaginait déjà se vider de son sang. Néanmoins...
« ... Je vais... bien ? » S'exclama l'homme, lui même surpris de n'avoir aucune blessure. Il regarda alors vers le bas, comprenant que la personne l'ayant chargé n'avait tout simplement pas d'arme.
En réalité, je n'avais strictement aucune idée de comment vaincre cet homme, et n'avait agit que par pur instinct en tentant de bloquer l'homme en le plaquant. Mais mon manque de force m'empêchait de ne serait-ce que le bousculer.
« Tu penses faire quoi là ? Tu crois qu'on joue ?! » me hurla-t-il dessus en me tirant les cheveux, néanmoins, je refusais de le lâcher. Peut-être ne puis-je pas le vaincre, mais je ne le laisserai pas tuer qui que ce soit !
L'homme enragé commença à me frapper sur le dos, me menaçant de me tuer. Mais je n'écoutais plus, la seul chose à laquelle je pensais était de les protéger eux, ma famille, de ces monstres. Peu importe si je devais y laissais la peau !
« Je t'ai dit de ma lâcher ! » L'homme me frappa violemment au ventre, me faisant instantanément lâcher prise pour m'écrouler sur le sol. « Toi, je te garde pour la fin. » Dit-il en s'approchant dangereusement des autres enfants.
"Non ! Je ne te laisserais pas faire !!" Pensais-je alors en puisant dans toutes mes forces pour ne pas m'évanouir. J'attrapa de ma main droite la cheville de l'homme, désespéré de les sauver.
« Bahaha ! Tu te fais manquer de respect par un gosse boloss ! » Dit un autre sbire qui regardait la scène à quelques mètres.
« Tu cherches vraiment à crever en premier ?! » Beugla l'homme, enragé par ma détermination, alors qu'il s'apprêtait à me pourfendre.
Je ne lâcherais pas ! je ne lâcherais pas ! Je ne lâcherais pas !
S'il vous plaît, n'importe qui, venez à notre secours ! Je ne veux plus jamais revoir ma famille mourir sous mes yeux ! Je ne peux pas les sauver moi-même. Alors si les héros existent... s'il vous plaît.. n'importe qui... juste une personne... juste une.
Un grincement résonna dans la pièce. Accompagné d'un pas délicat sur le plancher de l'entrée. Qui est-ce... ? La porte grand ouverte, la lumière m'éblouit. Une légère silhouette tenant une bouteille dans sa main droite. Tout bruits s'arrêtèrent et chaque personnes présentent dans la pièce se tournèrent vers cette silhouette mystérieuse. Mes yeux s'écarquillèrent alors que je m'adaptait à la lumière aveuglante, laissant découvrir petit à petit l'identité de cette silhouette salvatrice... Nora ?
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