La lumière perçait à travers les
branches des arbres avec le lever du soleil. Les feuilles triangulaires
bougeaient avec le vent, projetant des silhouettes bleutées, dansant au rythme des
courants d’air. Les grenouilles hibernaient plus longtemps à cause des basses
températures du matin. C’était à l’aube qu’il était le plus simple de les
attraper. Toujours plonger dans un sommeil profond, froide de la nuit,
incapable de bouger. Shavheol était au courant de ce fait car, il se
nourrissait presque exclusivement de ces batraciens depuis déjà deux semaines. Il
avait essayé d’attraper des iluks mais ces derniers fuyaient trop vite.
Ces satanés léporidés étaient tellement habitués à être chassés qu'ils avaient développé un impressionnant sixième sens lorsqu'il s'agissait d'identifier les prédateurs. En contrepartie, ils étaient plutôt bêtes. Mais tellement bons. Shavheol n’en pouvait plus de ne manger que des grenouilles et des baies. Malheureusement, il ne possédait aucun outil de chasse et, non, un bâton taillé en pointe ne suffisait pas à attraper des poissons ou e petits mammifères.
Shavheol était originaire d’un petit village situé à côté d’Uisge, la mer intérieure de Gliima, le continent au Sud-Ouest d’Igemba. Des pirates avaient assailli le village, tuant les hommes et violant femmes et enfants, avant d’en faire leur nouveau repère. Heureusement, Shavheol était parti explorer la forêt à ce moment-là et il avait pu fuir. Autrement, il serait surement passé sous un pirate comme les autres enfants. C’était un canavali d’à peine douze ans. Les canavali sont une tribu de la mer d’Uisge. Ils avaient la peau vert sombre parsemée de taches vert clair avec des yeux d’un bleu sombre et des cheveux similaires. Shavheol était légèrement plus grand que les autres enfants de son âge cependant, il paraissait encore jeune et ne pouvait être confondu avec un adulte. Il n’avait pas encore appris à chasser car dans sa tribu, l’apprentissage commençait à seize ans. Avant, les enfants aidaient à faire les tâches quotidiennes au village.
Il n’avait pas prévu de rejoindre une autre tribu ou de la famille éloignée car il ne connaissait personne. Apparemment il avait une grande tante éloignée qui vivait à l’opposé de la mer d’Uisge, mais il n’avait ni l’envie ni les moyen de la rejoindre. La seule chose dont il était sûr, c’est qu’il allait survivre et revenir dans son village quand il sera plus fort pour se venger. C’était pour ça qu’il traversait la forêt malgré ses pieds blessés et la perte de ses proches.
Cinq jours plus tard, Shavheol se trouvait plus près de l’océan et beaucoup plus loin de son village. Il pouvait sentir les embruns et voir des mokis, une espèce de mouette endémique de Gliima, possédant une envergure d’un mètre vingt à l’âge adulte et un plumage gris-vert. Il avait inventé un piège pour capturer des oiseaux de plus petite taille dans l’optique de diversifier son alimentation. Tristement pour lui, il était vraiment mauvais à ce jeu-là et n’avait absolument rien pris avec son piège. A l’inverse, il avait réussi à attraper deux gruts verts. Des lézards de taille moyenne qui n’étaient pas venimeux contrairement aux gruts jaunes. C’était meilleur que les grenouilles donc il était satisfait malgré ses échecs.
Il se trouvait à un peu moins d’un jour de marche de l’océan mais toujours protégé par la densité de la forêt. Il choisit de construire sa cabane dans un arbre. Il y avait deux options : soit dans un palétuvier, c’était l’option la plus sûre par rapport aux autres tribus et les grands carnivores qui auraient du mal à accéder à sa planque. Mais il y aurait quantité d’insectes dangereux, par exemple des anophèles, qui se nourrissent de sang et transmettent des maladies. Après, il y aurait aussi de nombreux petits animaux dont il pourrait se nourrir. L’autre option serait de faire sa hutte un peu au-dessus du sol entre deux grosses racines de kapok. C’était une bonne et une mauvaise option car y construire quelque chose serait beaucoup plus simple mais il serait beaucoup moins protégé.
Après une longue réflexion, Shavheol décida de faire sa cabane entre les racines du kapok. La probabilité de croiser de grands animaux sauvages était réduite par sa proximité avec la côte et après avoir exploré autour de lui, il s’était rendu compte qu’il n’y avait pas d’humanoïdes aux alentours.
Au bout d’un mois, seul et isolé dans la forêt, Shavheol avait développé un vrai talent dans la chasse et la cuisine. Il était lentement entrain de s’adapter à son environnement et son corps également. Ce dernier se transformait à vue d’œil et il développait des muscles en profondeur, les mêmes qu’un chasseur aguerri. Son ventre d’enfant fondait à une vitesse croissante. C’étaient des changements importants mais Shavheol était trop impliqué dans ce qui se passait dans sa tête pour s’en rendre compte.
Lors d’une chasse aux iluks, il avait trouvé un nid de mokis, celui-ci contenait trois oisillons. De ses observations, les mokis étaient une espèce plutôt intelligente mais qui ne s’intéressait pas du tout à leur progéniture. Il en conclut que les oiseaux n’essayeraient pas de le retrouver s’il les volait. Il en prit deux et en laissa un. Il avait décidé d’en manger un et d’élever l’autre. Il se disait que s’il arrivait à le dresser, il aurait une vue d’ensemble dans le ciel.
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