Il garda l’oisillon dans sa cabane, il avait créé un nid à base de feuilles mortes et d’herbes sèches. C’était encore trop tôt pour l’emporter dehors mais il pouvait commencer à habituer le moki à sa présence. Actuellement, à part le protéger, le nourrir et lui montrer de l’affection, il n’y avait rien qu’il pouvait faire. Il l’appela Uentos. Il s’était vite attaché à l’animal, ça lui faisait du bien d’avoir quelque chose sur laquelle veiller. Grâce à l’oiseau, il commençait à avancer et faire le deuil de son village. Quelquefois même, il arrivait à imaginer le futur. Son esprit se remplissait de pensées concernant Uentos. Par exemple, comment l’élever, est-ce qu’il arriverait à le dresser ou plus simplement comment il allait l’utiliser.
Maintenant la nuit, il recommençait à rêver entre ses cauchemars et terreurs nocturnes. Désormais, outre ses rêves habituels où il revivait les évènements qui avaient conduit à la destruction du village et la survit quotidienne depuis qu’il avait pénétré dans la forêt, il s’imaginait, lui et Uentos, voyageant à bord d’un navire, faisant le tour du monde, devenir plus fort, rencontrant d’autres personnes qui l’aideraient dans sa revanche. Un futur possible se dessinait à travers ces rêves.
Trois semaines s’étaient écoulées depuis qu’il s’était établi entre les racines du kapok. Il s’était habitué à son environnement et commençait à explorer de plus en plus loin. Uentos grandissait doucement. Il pouvait désormais marcher un peu et tentait de s’envoler régulièrement mais c’était encore trop tôt pour cela. L’oiseau s’était habitué à Shavheol et le considérait comme sa mère, cela approfondissait leurs liens. Quand il dormait, Uentos rampait toujours vers lui pour se blottir contre son torse, bien à l’abri et au chaud.
De temps en temps, Shavheol emportait l’oisillon avec lui lorsqu’il partait chasser ou explorer la forêt. Dans ces cas-là, il plaçait Uentos dans une petite besace faite de feuilles et d’herbes tressées. Étonnamment, l’oiseau restait silencieux et se laissait faire. L’enfant considérait qu’Uentos devait apprécier se promener avec lui plutôt que rester seul à la cabane.
Au cours d’une de ses sorties, Shavheol avait fini par tomber sur un repaire de pirates. Ils s’étaient établis dans une crique entourée de falaises. Il les observait d’en haut, caché dans un arbre qui offrait une vue plongeante de la plage en contrebas. Il en avait compté une trentaine après quelques heures d’observation. Une goélette avait jeté l’ancre dans la crique et était dissimulée par des plantes et des algues pour ne pas attirer l’attention du large.
Pendant une semaine entière, le jeune Canavali les avait observés. Prenant des notes sur la façon dont ils vivaient et leurs habitudes. Les espionner était effrayant mais de cette façon il pouvait en apprendre plus sur leur mode de vie. Le problème était qu’ils se comportaient comme n’importe quel humanoïde. Pire, ils vivaient de façon similaire à sa tribu. Tout le monde semblait avoir un rôle, une fonction au sein du groupe et ils alternaient dans la répartition des tâches. Ils n’étaient ni aussi effrayants ou monstrueux qu’il avait pu le penser. C’était simplement un mélange hétéroclite d’humanoïdes, vivant et voyageant ensemble. Il avait réussi à reconnaitre quatre espèces mais la majorité lui était inconnue. Il avait conclu que ce qu’il ne connaissait pas devait venir d’autres îles. Comme ses observations se déroulaient sans accros, il était de moins en moins prudent. À chaque nouvelle fois, il s’approchait un peu plus près.
Ce jour-là, il était resté plus longtemps qu’à l’ordinaire et Steredenn se couchait à l’horizon. Le feu que les pirates avaient allumé dansait au centre de la grève. Ils y faisaient rôtir de la viande en parlant fort, assis autour du brasier. Certains faisaient de la musique, d’autres les accompagnaient en chantant et enfin il y avait ceux qui dansaient sur les musiques folkloriques. Shavheol ne comprenait pas leur langue mais il était fasciné par la scène.
Uentos commençait à avoir faim et il sentit le besoin de le faire savoir. Il émit des croassements de façon à ce que Shavheol prenne soin de lui. Le cœur du garçon se figea en un instant. Il était terrifié à l’idée que les pirates les découvrent. Heureusement ils étaient trop loin et enivrés pour qu’ils remarquent quoi que ce soit. Il commença à ramper en direction de leur refuge quand un son sourd le fit se retourner.
Un autre navire était entrain de rentrer dans la crique,
attaquant les pirates de la plage à l’aide de flèches et d’un objet qui était
comme le tonnerre. Ceux qui étaient à terre tombaient comme des mouches, ils
essayaient désespérément de se défendre mais ils avaient trop bu pour viser. De plus ils étaient du mauvais côté de
l’attaque, faible face à ceux qui venaient de la mer. L'objet qui était comme
le tonnerre était tellement effrayant pour Shavheol qu’il avait commencé à
courir sans faire attention à se cacher ou être discret. Uentos tremblait de
peur, effrayé par les différents bruits et criait du plus profond de son âme de
moki, injectant à l’enfant de fuir plus vite. La forêt et la nuit les
absorbaient dans leurs ténèbres. Shavheol courait pour sa vie pour la seconde
fois.
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