Yu acquiert en un signe de tête en n’oubliant pas de récupérer son carnet. Ils sortirent, l’un après l’autre, de la chambre située au premier étage accompagnés par le craquement du plancher au pas de la porte. Les Naterelli habitent dans une maison à l’ouest de la ville. Le bâtiment, aux murs blancs assez effacés par le temps et les intempéries, emprunte un charme aux vieilles poutres en bois qui le supportent. Il ressemble, avec ses grandes fenêtres au verre terni et sa tour, à un minuscule château. Ou encore une grande maison que le temps à assez bien épargnée. Il s’inscrit au milieu d’un immense jardin. Un jardin que l’on peut admirer du troisième et dernier étage, si l’on ne compte pas le grenier.
Cet espace vert, décoré aux goûts et aux envies de la maîtresse de famille, est vraisemblablement le lieu préféré de Yu depuis qu’elle est arrivée. Elle y passe le plus clair de son temps et ne s'ennuie jamais. Pendant une heure elle va contempler les arbustes sculptés en forme de créatures représentant la famille, comme si elles lui parlaient, et l’heure suivante elle va courir après les insectes en longeant la basse haie. Sans nul doute que l’odeur douce et pourtant si forte des fleurs ajoute à leurs milles et une couleurs, un pouvoir enjôleur. Pouvoir auquel notre jeune petite pousse ne peut résister.
Après avoir descendu les marches de l’escalier en bois de chêne usé par le temps et les nombreux passages des domestiques, les deux enfants empruntent les allées du jardin pour rejoindre le portail de l’entrée du domaine. Ne vous méprenez pas, ils ont tout à fait la possibilité de passer par le double escalier en granit rouge du hall du manoir. Néanmoins, Yu le trouve froid, malgré ses couleurs chaudes, et sans vie. À l’inverse, l’escalier en bois à du vécu et son craquement ajoute du charme à son aspect fatigué. Et son odeur à la fois corsée et poussiéreuse le rend unique et familier.
Une fois le portail en métal noir passé, Yu et Léo se dirigent vers la zone de production où se trouvent la forge, les ateliers du tisserand, du menuisier, du bijoutier, du potier, etc… C'est le chemin le plus court pour rejoindre l'école. Les deux jeunes n’oublient pas de saluer chaque artisan qu’ils croisent. Les échanges de sourires chaleureux sont maintenant comme un rituel. Un rituel que Yu apprécie fortement, chaque sourire lui donne de l’énergie. Pas seulement celle de la positivité. À chaque sourire une énergie vient comme la chatouiller de part et d'autre en lui réchauffant le cœur et en la rechargeant comme une batterie. De plus, les maisons en bois et en torchis, excepté pour la forge faite en briques, rappellent la nature que Yu aime tant.
Arrivés devant l’école, une construction en pierre avec plusieurs fenêtres sur la longueur, Léo dit au revoir à sa petite-sœur. Il la laisse devant la grande porte d’entrée située sur le côté gauche en compagnie de son maître de classe. Il reprend sa route pour se rendre à l’académie des arts martiaux à l’opposé de la ville. Les académies d’arts martiaux, de magie et l’établissement proposant l’enseignement des deux en même temps accueillent les disciples dès leur dix ans, s'ils sont prêts.
Yu n’est jamais heureuse de voir son frère partir. Mais Monsieur Sgoïl arrive toujours à la rassurer. C’est un homme d’apparence âgée aux cheveux poivre et sel garnis plaqués en arrière. Son nez fin aquilin et sa moustache bien coiffée lui donnent des airs d’aristocrate. Ces airs qui s’accentuent avec son long manteau et son gilet sans manche orné de broderies. Bien que sa tenue et sa façon de se présenter soient très soignées, cet homme est plus riche de connaissances et de cœur que de monnaie.
Tous les camarades de la jeune Naterelli étant arrivés, Monsieur Sgoïl sonne la cloche accrochée au mur. Une fois la classe réunie en salle, tout le monde peut s’asseoir. Yu s’installe à son petit bureau juste devant celui de l’enseignant. Elle se sent bien dans cette salle de classe chaleureuse. Le sol, les bureaux et la porte faits en bois apaisent tout naturellement la jeune enfant. Elle se sent particulièrement bien entourée grâce aux plantes vertes dispersées aux quatre coins de la salle et sur le bureau en face du sien. Tout le monde enfin assis, l’homme d’âge mûr ouvre son livre d’histoire pour commencer le cours.
Alors aujourd’hui nous allons parler du phénomène qui a marqué le cours de l'histoire. Et qui a chamboulé l’évolution de plusieurs espèces magiques et celle de l’humain. annonce-t-il
L’humanisation ! s’exclame un élève au fond de la classe.
Oui, reprends monsieur Sgoïl. L’humanisation est la période durant laquelle plusieurs créatures magiques se sont mises à apprendre la métamorphose pour se changer en Homme, ou une forme qui s’en rapproche. explique-t-il en écrivant et dessinant sur le tableau à craie.
Ces créatures avaient à l’époque pour objectif de permettre une meilleure communication entre elles malgré leurs différences d’espèces. Et ce besoin, jusqu’alors inexistant, pris tout son sens après un funeste événement qui a bouleversé l’équilibre de la magie. reprend-t-il. Nous n’en parlerons pas en détail cette année.
Chlotilde se lève pour parler. Bien sûr sans autorisation. Cette élève est la cousine adoptive de Yu. Et si elles ne vont pas ensemble à l’école, c’est pour une raison bien précise. Cette chère enfant, aux cheveux mi-long ondulés d’un blond aux reflets jaune poussin, adore embêter Yu de manière très abjecte. En effet, Chlotilde de son nom, avec ses grands yeux d’un bleu si clair et terne qu’il tourne souvent aux gris et ses fines lèvres, rejette Yu comme la peste. Elle, qui était choyée par toute la famille et recevait toute l’attention à l'extérieur pour sa beauté la faisant ressembler à une poupée, est maintenant comme laissée de côté. Jugée assez grande et indépendante pour son âge, sa famille concentre son attention sur Yu qui à une étrange maladie. Cependant, Chlotilde n’a que faire d’une étrangère et refuse que l’on lui “vole” sa famille et l’attention. Et c’est bien pour se faire remarquer qu’elle se lève pour parler.
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