Hors de question ! pense-t-il à haute voix, le regard soudainement motivé.
Il pose sa jeune sœur le plus délicatement possible. Il retire son blouson et le met sommairement en boule et le cale sous la tête de Yu. Il lui sourit tendrement, le regard emplit d’émotions contradictoires. Il se lève et fait volte-face. Il s’avance et regarde la brèche d’un regard féroce. Un peu comme regarder son pire ennemi dans les yeux. Puis, il ferme les paupières. Il inspire profondément, si bien qu’on peut entendre le flux d’air entrer par son nez. Et recrache tout l’air de ses poumons dans un souffle lent et fluide.
Il ouvre de nouveau les yeux d’un profond violet. Il y règne désormais un calme qui nous ferait oublier que l’on respire. Il adopte une position qui annonce un mouvement aussi net et rapide que puissant. Il canalise son énergie en fixant un bout de roche dépassant vers l’intérieur de l’ouverture. Puis, le poing fermé, il frappe ! De ce bout, il ne reste que le bruit de la pierre qui tombe au sol en morceaux.
Pas le temps de se réjouir, il réitère le même mouvement pour élargir le passage. Ce n’est qu’une fois arrivé au bout qu’il s’arrête. Il revient vers la jeune enfant en dégageant le passage des morceaux trop encombrant. Il ne laisse rien le distraire, ni la douleur, ni la beauté de la forêt ensoleillée. Il reprend Yu dans les bras et rentre à la demeure de la famille.
Trois jours plus tard, Yu se réveille enfin. Les yeux encore fermés, elle palpe le support sur lequel elle est allongée. Elle remarque aussitôt la douceur des draps qu’elle reconnaît si bien. Elle hume l’air pour s’assurer qu’elle ne se trompe pas. Le doux parfum des fleurs disposées le long de la fenêtre et l’odeur corsée du bois de son plafond. C’est cela. “Ma chambre.” pense-t-elle en esquissant un léger sourire.
Yu ! s’exclame Léo en se penchant sur le lit.
Doucement, lui dit Angeline. Leur mère.
Oups, pardon Yu, s’excuse Léo gêné de sa maladresse.
Angeline Naterelli lui sourit. Son visage est d’une douceur presque interdite. Sa longue chevelure blonde ondulée, aux reflets que seul le scintillement des étoiles peuvent égaler, repose tout le long de son dos délicat. Elle se place avec sa grande taille à côté de la fenêtre. L’éclat du jour éclaire ses yeux d’un gris clair aux notes violacées. Elle regarde en direction de Yu en essayant de dissimuler son impatience et son inquiétude. Ce qu’elle trahit par la goutte salée qui se forme au coin de son œil.
Yu essaie d’ouvrir les yeux. Cependant, la lumière du jour ensoleillé lui brûle aussitôt la rétine. Tout se traduit, dans un silence, par la grimace qui se forme sur son petit minoi. C’est alors que sa maman adoptive lit les traits sur son visage et tire les rideaux. Les rideaux, d’une couleur chocolat au ton caramel et d’un très fin tissu, filtrent les rayons du soleil.
La jeune Naterelli tente une seconde fois. Le vert de ses yeux aux touches dorées fait s’illuminer le visage de ses deux visiteurs. Son premier réflexe n’est pas de savoir comment elle est rentrée, mais plutôt ce qu’il s’est passé après s’être retrouvée seule dans la forêt.
Yu ! lâche Léo, ne pouvant se retenir.
Angeline le regarde un peu mécontente mais sourit aussitôt. La joie que leur petite protégée se réveille enfin est trop grande pour être contenue. L’adolescent regarde sa mère d’un air désolé et se tourne de nouveau vers sa jeune sœur.
Yu ! Tu es enfin réveillée ! Comment ça va ? Tu as mal quelque part ? Tu veux quelque chose ? De l’eau ? bombarde-t-il de questions sous l’excitation.
Léo, comment veux-tu que Yu puisse répondre à toutes tes questions à la fois ? lui demande sa maman d’une voix douce. Le sourire toujours inscrit sur son visage à la peau douce est d’une blancheur éclatante.
Pardon Yu. Commence son grand frère. Il se déplace pour aller à ses côtés : Je m’inquiétais, si tu savais. Mais maintenant que tu es réveillée, tout ira mieux, pas vrai ?
Avant qu’elle ne réponde, la jeune enfant remarque les bandes sur les mains de son grand-frère. L’inquiétude se forme alors sur son visage. Ses sourcils se froncent et ses yeux s’humidifient.
Léo la suit du regard et se redresse immédiatement en cachant ses mains derrière le dos.
Ce n’est rien. Je me suis légèrement égratigné. Demain il n’y aura plus rien, dit-il, la goutte de sueur se formant sur son front de menteur.
Tu mens grand-frère. Tu ne sais pas mentir, dit-elle avant de tousser la gorge sèche.
Yu regarde sa maman adoptive, les yeux évacuant la brume d’émotions vives dans les coins.
Ce n’est rien Yu, ton frère n’a pas totalement menti. Demain il n’y aura presque plus rien. Je vais demander à Rhita de vous monter le petit déjeuner. En attendant ma petite Yu, ne parle pas trop, d’accord ? annonce Angeline, la tendresse au bout des lèvres, avant de sortir de la chambre.
Yu acquiesce en un petit mouvement de tête. Elle et son frère se regardent ensuite dans les yeux et se prennent l’un l’autre dans les bras.
Soudain, un battement de cœur puissant frappe la cage thoracique de Yu ! Un pressentiment violent se fait ressentir dans toutes les cellules de son corps. Malheureusement Yu, n’a jamais vécu cela et ne sait donc pas à quoi cela fait référence. Une chose est sûre, quelque chose s’est passé la nuit de son aventure en forêt.
Elle ne pouvait pas avoir plus raison. Elle ne le sait pas encore, mais sa maladie a causé la fonte d’une bonne partie de la glace. En conséquence, sur la forme irrégulière aperçue, deux yeux se distinguent. Ils arborent un bleu océan profond aux nuances plus claires, éclairé d’une lueur bleue pâle à en faire frémir plus d’un.
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