La fête battait son plein à Potalu. Comme tous les cinq ans, la ville accueille un conseil exceptionnel. Les représentants de tous les pays se rejoignent dans la cité-état de Potalu. Cette ville, centre économique et culturel du monde, était toujours restée neutre dans les conflits entre les différents pays. C'est donc naturellement que ce lieu fut choisi pour accueillir leurs dirigeants, et discuter calmement autour d'une table. Ce congrès est également une bonne occasion de fêter et célébrer les accords de paix ou commerciaux qui y sont signés. Mais cette fois, sous toute cette effervescence et cette euphorie, se cache de graves événements. Alors que la majorité se réjouit d'apercevoir les cortèges royaux arriver d'ici peu, d'autres se préparent. Il faisait sombre et l'air était plutôt humide, et entre le bruit de deux gouttelettes d'eau, un homme apparu dans la pénombre. 

- Tu n'as rien oublié ? Demanda-t-il d'une voix ferme et profonde. Il s'adressait à une autre silhouette, à peine plus éclairée que lui, qui se retourna dans un sursaut et laissa tomber ce qu’elle avait en main dans un cliquetis métallique.

- J'ai tout placé comme tu me l'avais demandé. Sauf pour le dernier, il va falloir réussir à passer. Dit-elle en s'avançant vers son interlocuteur se dévoilant dans le léger puit de lumière qui les séparait.

Elle avait une silhouette féminine, mais semblait disproportionnée, comme si elle avait été sculptée par un enfant. On entendit la foule avoir une clameur étouffée, alors que l'homme se retournait.

- Ne t'inquiète pas pour ça, dit-il. Avec ce que je compte faire, tu auras tout le temps qu'il te faut.

- T'es sûr de ton coup ? Demanda la femme, visiblement inquiète.

- Il va bien valoir.

Pendant ce temps, les cortèges commencent à arriver en ville. Aux premières loges, juste au bord de la route, un groupe d'enfant s'émerveille devant une suite d'immenses machines de guerre roulantes.

- Regarde ! s'écria un ado en montant sur la barrière de protection : Il est énorme ce canon. Je croyais qu'ils pouvaient en faire que des petits, mais regardez celui-là ! ll doit faire au moins deux fois ma taille !

Une jeune femme s'approcha et le prit pour le faire descendre de la barrière.

- Attention Ori, ne t'approche pas trop. Si tu tombes et que tu te fais mal c'est moi qui vais me faire gronder par Gran 'ma. Vous avez déjà de la chance que j'ai réussi à la convaincre de vous laisser assister au défilé des cortèges.

- Merci Hanaaaa !!! Dirent tous les enfants en cœur. Sauf Ori, qui semblait vexé.

C’était le seul à dénoter un peu du groupe. Ori dépassait les autres enfants d'au moins deux têtes, mais n'était pas beaucoup plus large qu'eux, et maintenant que les chars étaient passés, le sourire qu'il arborait jusqu'aux oreilles s'était effacé.

- Ori… dit Hana sur un ton accusateur en la toisant avec un regard qui l'était tout autant.

- Merci Hana, dit Ori avec un grand sourire que Hana savait faux.

C’était sa spécialité. Cette façon de passer une mèche de ses longs cheveux châtain derrière l'oreille en arborant un grand sourire insolent. Ça avait le don de mettre Gran 'ma en rogne, mais ça amusait Hana et il le savait très bien. Elle lui rendit donc son faux sourire avant de siffler quelques notes pour rassembler les enfants. Le son était très doux mais étonnamment puissant. Il couvrit même le brouhaha autour d 'eux.

- Allez les enfants tenez vous la main on va rentrer.

- Mais… On n'a même pas vu le cortège de Banshalla ! Protesta Ori.

- Tiens c'est vrai ça… Elles ont dû arriver directement au palais à dos de pégase je suppose.

- Z' aimerai trop avoir un pégase moi aussi ! Intervint une petite fille derrière Hana.

- Moi aussi Zoé mais tu sais très bien qu'ils sont réservés aux Valkyries ma chérie. Mais si tu veux une fois rentrés à l'orphelinat je pourrais t'en faire une peluche qu'est-ce que t'en dis ?

- Ouais !!! Allez venez on rentre vite ! s'exclama- t-elle en attrapant le poignet d'Ori pour le tirer. Visiblement dépité, Ori se laissa trainer par Zoé.

- Merci Ori ! Dit Hana avec ce même sourire insolent, avant d'ouvrir la marche pour le groupe.

À quelques rues d'ici, un magnifique carrosse d'un blanc immaculé avançait péniblement dans une rue bondée, tiré par deux chevaux ailés montés par des femmes en armure étincelantes… elles aussi ailées. Une voix s'éleva de l'intérieur du carrosse:

- Ylva qu'est-ce qui prend si longtemps ? Nous devions arriver il y a déjà un quart d'heure

- Veuillez m'excuser mère. Répondit une des deux cavalières. Mais une charrue marchande bloquait toute la rue principale après avoir brisé ses roues. Nous avons donc dû prendre le second itinéraire. Mais il n'était pas prévu que nous passions ici alors la garde n'a pas fait évacuer le passage.

- Pff… ces hommes, une vraie bande d'incapables… Marmonna la femme à l'intérieur du carrosse. Et à quoi nous servent nos pégases alors… envolez- vous !

- Je suis désolé mais vu le poids du carrosse et tous ces hauts bâtiments il est impossible de manœuvrer convenablement. Je m'excuse de ce désagrément mère, je ferai part du problème au Général Taeg.

- Faites au plus vite, ce serai une honte d'arriver après ce balourd de Drakus.

- Bien mère. Répondit Ylva en continuant sa route à travers la foule.

Puis, après quelques minutes de route, le sol se mit à trembler, ainsi que les bâtiments, et le son d'une explosion retentit à quelques rues. Deux autres femmes ailées sortirent alors du carrosse, se postant tout autour en un instant, dégainant lances et boucliers.

- Valkyries, restez auprès de mère ! Ordonna Ylva. Je vais voir ce qu'il se passe.

Toutes s'exécutèrent en un instant alors que Ylva montait habilement sur le toit du carrosse. Mais elle avait beau être quelques mètres au-dessus des autres, elle ne distinguait rien à part une foule paniquée et des dizaines de personnes criant et tentant de se frayer un chemin dans cette cacophonie générale. Ylva profita alors d'un balcon à quelques mètres d'elle, et en un instant, se retrouva une dizaine de mètres au-dessus, sur le toit du bâtiment. Elle déploya alors sa paire d'ailes argentées, et plongea en avant.