Ils avaient roulé toute la journée, s'arrêtant ça et là pour faire se reposer les deux chevaux qui tiraient la charrette. C'était assez long. D'autant plus qu'Ori avait l'habitude des journées bien remplies à l'orphelinat. Il courrait toujours dans tous les sens, tantôt pour préparer à manger avec Hana, tantôt pour consoler Zoe, et même parfois pour courir après chrome, l'empêchant de faire ses bêtises. Enfin il donnait le change pour faire plaisir à Gran' ma mais il le camouflait la plupart du temps.
Quoi qu'il en soit, il n'était pas habitué au calme qui régnait. Nochi et Kuwa ne s'étaient presque pas disputés, un grand soleil venait réchauffer Ori, et le roulis de la charrette était même plutôt agréable. Si bien qu'il tomba très vite dans un sommeil profond, bercé par la route et le léger parfum de violette qui émanait de Flore.
Ori avait beaucoup travaillé pour ramener quelques pièces à l'orphelinat. A la ferme lors des périodes de récolte, le soir pour faire le service dans quelques auberges, il avait même essayé de travailler à la capitainerie du port sud... l'odeur de poisson l'avait fait vomir et il n'y était jamais retourné. Au contraire, il adorait travailler chez le vieux Jacob, un fleuriste du quartier sud. C'était un homme très doux et généreux, qui faisait travailler Ori bien que les affaires n'étaient pas "florissantes". Il adorait cette blague. En y repensant Ori revoyait son étal coloré et pouvait même sentir le parfum enivrant des violettes au milieu de l'étagère.
- - Ori... Ori, on va s'arrêter là. Flore était debout au milieu de la charrette, penchée sur Ori.
Quand il ouvrit les yeux, elle était si proche qu'Ori pouvait presque se voir dans ses yeux. Elle dégagea une mèche qui tombait devant ses yeux puis se releva.
- - On s'arrête là pour aujourd'hui, les chevaux sont fatigués. Ylva et Nochi sont partis trouver à manger, Kuwa et Ozan préparent la route pour demain, et nous on doit s'occuper de monter le camp.
Ori remit ses longs cheveux en place nerveusement.
- - Oui... ok je... J'arrive tout de suite.
Il avait du mal à être à l'aise avec elle. Lui qui était plutôt discret et habitué à se fondre dans la foule, il était gêné quand Flore était là. Comme un mauvais pressentiment. Elle le fixait toujours de ses grands yeux noisette, comme si elle perçait à travers lui et voyait quelqu'un d'autre. C'était vraiment déstabilisant. Mais pour le bien de cette expédition, il faudra bien faire avec.
Ils commencèrent donc à monter les tentes, non sans difficultés. Si bien qu'Ori se retrouva vite les quatre fers en l'air enroulé dans une toile. Flore qui s'occupait d'allumer un feu quelques mètres plus loin éclata de rire.
- - J'aimerais bien t'y voir toi ! Répondit Ori en se débattant. J'ai toujours dormi sur un tas de paille moi, je sais pas monter de tente.
- - Laisse-moi t'aider alors. Tu sauras y faire avec une pierre à feu ?
- - Ça va, je suis pas idiot non plus. II suffit de frotter de toute façon.
- - Exactement. En espérant que tu brûles pas la toile. Dit-elle la main tendue vers Ori assis par terre.
Ori attrapa la main de Flore qui l'aida à se relever. Une fois debout il répondit avec son habituel faux sourire jusqu'aux oreilles :
- - Je vais faire de mon mieux pour pas brûler votre jolie robe, princesse.
Flore perdit alors son sourire
- - Ne m'appelle pas comme ça s'il te plait.
Elle donna à Ori sa pierre à feu et partit s'occuper des tentes l'air renfrognée. Ori marmonna l’air pensif :
- - Ou là, j'ai dit quelque chose qu'il fallait pas. C'est bon à savoir...
Perplexe, il se mit à allumer silencieusement le feu que Flore avait préparé. En jetant un coup d'œil, il remarqua qu'elle se débrouillait étonnamment bien avec la tente. Une fois le feu allumé, il décida de la laisser tranquille et d'aller voir Ozan et Kuwa. Ils étaient debout, à l'ombre d'un chêne, une carte dans la main du cyborg qui commençait à s'agiter et à faire de grands gestes en pointant la forêt puis la route.
- - Mais je dis que le nord-ouest est par là ! Je sais encore lire une carte !
- - Oui mais on doit passer par la forêt Kuwa.
- - Ça nous ferait un détour d'une journée complète ! On va avoir du mal à avancer avec la charrette.
- - Je sais et c’est pour ça que le trajet est si long alors que le village n'est pas loin.
- - Mais pourquoi est-ce qu'on passerait par la forêt alors qu'on peut raccourcir le trajet...
- - Parce qu'on n'a pas le choix ! Je ne peux pas te l'expliquer mais c'est comme ça. A ton avis, pourquoi il n'y a que des mages et des animagis qui peuvent trouver nos villages. Même votre Maréchal en chef pourrait raser la forêt qu'il ne trouverait pas un seul village magus !
- - Ça va, ne dis pas ça comme si on était des monstres. Ce n’est pas parce qu'on est en guerre contre Raï qu'on va venir raser vos forêts.
- - Bah j'espère pas ! De toute façon vous avez largement assez à faire en pillant les montagnes de Raï.
- - Mais qu'est-ce qui m'arrive... j'vais pas commencer à débattre politique avec un gamin magus...
Ori, spectateur jusqu'ici, intervint en se raclant la gorge.
- - Moi je fais confiance à Ozan. Après tout c'est dans son village qu'on va donc il doit savoir ce qu'il dit.
Les deux autres se retournèrent vers Ori. Il continua, gêné.
- - Oui, fin... je pense... c'est vous qui décidez.
- - T'as raison Ori. Dit Kuwa en soupirant. On va pas se prendre la tête, désolé Ozan.
- - T'inquiète, je serai toujours là pour avoir raison si tu as besoin.
- - Prends pas trop l'habitude gamin, répondit Kuwa en ricanant. Ça pourrait te monter à la tête. Allez, je vais m'occuper des chevaux. Vous avez quartier libre jusqu'à ce que nos deux chasseurs nous ramènent à manger. Mais ne vous éloignez pas trop.
Ori fit un salut militaire, le bout des doigts collés sur son front.
- - A vos ordres général Kuwa !
Ce qui décrocha un rire à Ozan, qui se communiqua aux deux autres.
Ori ne voulait pas retourner voir Flore tout de suite, alors il proposa à Ozan de s'installer sous un grand chêne un peu à l'écart du campement en attendant d'avoir de quoi manger. La nuit commençait à tomber et à dévoiler sa robe étoilée.
- - Merci Ori dit Ozan après une gorgée dans sa gourde. Merci d'avoir pris mon parti tout à l'heure.
- - Oh c'est rien t'inquiètes. J'ai lu quelques livres sur les magus, et ça disait que leurs villages étaient inaccessibles pour ceux qui ne savaient pas comment y aller. Du coup ça me parait logique de suivre ta route.
- - Logique ou pas, merci beaucoup. Je suis parti de chez moi pour me prouver que je suis capable de me débrouiller tout seul. Ça fait plaisir de se faire valider par quelqu'un
- - Haha tu sais je pense que mon avis vaut pas grand-chose à côté d'un général cyborg, d'une guerrière valkyrie, d'un aréniste Raï, ou d'une princesse royale.
- - T'as pas tort. Répondit Ozan avec un sourire en coin. Au final on est les deux plus normaux du groupe.
- - Mouais... si "normal" consiste à faire de la magie élémentaire et à créer du vent.
- - Oh tu sais, si t'avais mon niveau tu serais pas heureux. Et puis on manipule, on ne crée pas. C'est pour ça que j’ai du mal quand il fait beau.
- - Aaah... Donc par exemple tu peux pas faire d'eau si t'es en plein milieu du désert de San ?
- - Alors moi je ne peux pas faire d'eau tout court parce que je suis un mage de vent, mais oui dans l'idée c'est ça.
- - Tu choisis qu'un seul élément ?
Ozan ricana
- - Si seulement on pouvait choisir... Malheureusement on n'a pas cette chance. Notre élément est décidé aléatoirement. La seule exception c'est le magus ultime, il parait qu'il maitrise tous les éléments, mais personne ne sait comment il fait
- TOUS ?! Waaa je pensais pas qu'il était si fort. Pour moi c'était un vieux papi essayant de mettre d’accord les villages magus.
- - Ça pour être vieux, les anciens disent qu'il était déjà là depuis des siècles quand ils sont nés. Je ne sais pas d'où il tire sa longévité.
Ori leva la tête vers le ciel rempli d'étoiles. Ses yeux l'étaient aussi.
- - Ça me donne encore plus envie de le voir. Lui, les différents pays, tous les peuples, leurs pouvoirs, leurs cultures.... Je suis content d'être venu avec vous.
Plus loin, du côté du camp, Nochi et Ylva revenaient un chevreuil sur les épaules du combattant.
- - À taaable!
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