Le printemps venait d'éclore dans toute sa splendeur, transformant les environs en un tableau vibrant de couleurs. Les fleurs s'épanouissaient, offrant leur palette éclatante aux regards admiratifs.
En ce début de saison, ma grand-mère et moi nous préparions pour notre rituel habituel : la cueillette des pissenlits au lac Towada. Ces herbes, précieuses pour ses remèdes maison, étaient un symbole de nos moments partagés.
Dans notre maison en bois, vieillie par le temps, je m'étais installée au pied de ma grand-mère, sur le sol en tatami, les cheveux dénoués.
Tandis que je chantonnais une douce lullaby que nous aimions partager, ma grand-mère, assise derrière moi sur le canapé, se mettait à l'œuvre. Ses mains, à la fois délicates et empreintes des marques des années, tressaient mes cheveux avec une minutie pleine d'affection.
“ Tes cheveux sont magnifiques, Yui. Il est important d'en prendre soin. ” disait-elle, son sourire aussi chaleureux que le soleil de printemps.
“ Ne t'inquiète pas, Mamie. ” répondis-je, ma voix pétillante d'enthousiasme.
Elle chérissait mes cheveux, trouvant dans leur couleur rousse une éclatante beauté, accentuée par les boucles soyeuses qui s'enroulaient autour de ses doigts usés mais habiles.
Un bref silence s'installa, et une pensée me traversa l’esprit. Je pris une inspiration avant de lui confier :
“ Dis, Mamie... J'ai fait un rêve étrange la nuit dernière. ”
Elle me regarda avec un sourire bienveillant, comme toujours lorsqu'elle sentait que quelque chose me tracassait.
“ Ah bon ? Raconte-moi ça, ma chérie. ”
“ Tout était noir, je me sentais perdue... Je ne me souviens pas vraiment de ce qui s’est passé entre-temps, mais je sais qu’à la fin, je me suis retrouvée en pleurs, dans les bras d’une fille qui pleurait aussi. C’était tellement étrange… ”
Ma grand-mère, toujours sereine, fronça légèrement les sourcils avant de répondre d'une voix douce et apaisante :
“ J'espère que c'est un bon présage, Yui. Parfois, nos rêves essaient de nous montrer des chemins que nous ne comprenons pas encore. ”
“J’espère aussi, Mamie.”
“ Voilà, c'est terminé, ma chérie. ”
“ Merci, Mamie, tu es la meilleure ! ”
Je me levai en un saut vif et tournais sur moi-même, ravie par la touche finale que ma grand-mère avait donnée à ma coiffure. Ses doigts agiles, malgré les années, donnaient à mes cheveux un éclat particulier que je ne pouvais trouver ailleurs.
Nous nous hâtâmes de partir avant que la lumière du jour ne s'évanouisse. Le chemin vers le lac était encore baigné dans les derniers rayons dorés du soleil couchant.
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Je marchais le long des rives du lac Towada, éblouie par la beauté sereine du lieu. Les eaux cristallines du lac reflétaient le ciel en une parfaite symphonie de bleu, tandis que le champ de pissenlits déployait devant moi une mer de têtes jaunes éclatantes. La fraîcheur de la verdure environnante contrastait avec la vive couleur des fleurs.
Je m’élançai avec entrain dans ce champ vibrant, me penchant pour cueillir un pissenlit, puis deux, puis trois. En un rien de temps, mes mains étaient chargées de bouquets de pissenlits, l’un dans chaque main.
Ravie de ma cueillette et de ma rapidité, je me retournai, impatiente de montrer le fruit de mon travail à ma grand-mère.
“ Mamie, regarde ! J’en ai cueilli plein ! ”
Mais, en un clin d'œil, je réalisai avec effroi que ma grand-mère n'était plus là. Une vague de panique s’abattit sur moi, mon cœur battant la chamade.
“ Mamie…? ”
Je scrutais le paysage, appelant désespérément ma grand-mère, mais ma voix se perdait dans le silence environnant. L'angoisse montait en moi, chaque battement de mon cœur résonnant comme un tambour dans cette tranquillité troublante.
La nuit qui tombait n'arrangeait rien, accentuant mon sentiment d'isolement et me laissant incapable de me repérer. Des larmes commencèrent à perler dans mes yeux effrayés et désespérés.
“ Mamie… J'ai peur… Mamie, où es-tu ? ”
En proie aux sanglots, je me sentais seule, redoutant que des créatures sauvages surgissent de l’ombre.
Alors que je pleurais, un papillon bleu passa devant moi. Sa lueur douce semblait offrir un éclat d'espoir dans cette pénombre grandissante. En observant de plus près, je remarquai que d’autres papillons de la même couleur se déplaçaient autour de moi. Leur présence illuminait le champ, transformant le lieu sombre en un spectacle féerique.
Sans vraiment comprendre pourquoi, je ressentis une étrange sensation de réassurance. Mon pouls se stabilisa, et un calme apaisant envahit mon être, comme si ces papillons dispersaient une poudre magique.
Je suivis du regard le ballet des papillons, qui convergèrent vers le lac. Fascinée, je me dirigeai vers les eaux scintillantes. La surface du lac, animée par les papillons, brillait d’un éclat presque surnaturel.
Je m’accroupis pour observer l’eau, mais je perdis pied soudainement. Je tombai dans les profondeurs obscures du lac, m'enfonçant dans une pénombre oppressante. Malgré mes efforts pour me débattre, mon corps refusait de bouger. La panique m’envahissait, et la douleur de l'asphyxie se faisait de plus en plus vive.
Alors que je me sentais prête à céder à l’étouffement, je me réveillai en sursaut, haletante, dans mon lit. Ce n'était qu'un rêve, bien que terriblement réaliste. Mais une sensation persistante de malaise me troublait, comme si l'humidité froide du lac et son odeur demeuraient encore sur ma peau. Était-ce vraiment un rêve ? Mon esprit restait profondément perturbé.
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