Il y a 12 ans
Asher était émerveillé.
Maintenant que Luci était si proche, il pouvait le voir plus clairement : sa peau lisse et parfaite, ses yeux rouge vif, ses cheveux bleus roi. Tout en lui semblait irréel, intouché par la rudesse du monde. Rien à voir avec les mains calleuses de son père, marquées par le labeur.
Et puis il y avait cette lumière. Cette étrange lueur que Luci avait invoquée plus tôt, éclatante et pure, semblable à celle des créatures célestes de la Bible.
Est-ce que c’est un ange ?
Asher déglutit, ses petites griffes se crispant sur ses genoux. Si c’est un ange, alors… il doit être précieux, non ? Quelqu’un comme moi ne devrait pas le toucher…
Sa queue se resserra autour de son corps. Devait-il seulement oser poser les yeux sur lui ?
Luci, lui, ne se posait pas toutes ces questions.
Il posa la dernière fleur sur sa couronne et afficha un sourire satisfait.
— Je suis le prince des camélias, maintenant ! Ahah ! Camélia Luci, ça sonne bien, non ? Merci, Asher ! Elles sont vraiment jolies !
Asher sentit sa gorge s’assécher.
— D-de rien… ahh… arh…
Une douleur fulgurante traversa sa jambe. Instinctivement, il replia ses ailes autour de lui, dissimulant sa blessure.
Luci fronça les sourcils.
— … Je peux voir ?
Il s’était déjà rapproché de quelques centimètres.
Asher sursauta.
— N-non… C’est bon… Je… arh…
Luci hésita. Il n’était pas habitué à demander la permission. Il était un prince—il n’en avait jamais eu besoin. Mais la réaction d’Asher le fit s’arrêter.
— … Laisse-moi voir si je peux arranger ça, dit-il plus doucement. Puis, avec une maladresse évidente, il ajouta : … S’il te plaît ?
Asher se recroquevilla un peu plus.
Luci soupira. Agacé par cette résistance, il tendit la main et posa ses doigts sur l’une des ailes du démon.
La texture était étrange. Pas vraiment comme la peau humaine. Peut-être comme celle d’une chauve-souris ? Non… d’un lézard ? C’était plus doux qu’il ne l’avait imaginé, mais toujours ferme. Son index traça un léger mouvement sur la membrane, sa curiosité s’éveillant.
Asher devint cramoisi.
Cette chaleur—douce, inconnue—le figea complètement.
Luci, lui, ne remarqua même pas sa réaction.
— D-d’accord… murmura Asher. M-mais… pas de lumière blanche… Je n’aime pas ça… Ça me fait me sentir… bizarre…
Luci haussa un sourcil mais acquiesça.
Asher relâcha lentement ses ailes, dévoilant sa jambe blessée.
Luci blêmit légèrement.
Du sang recouvrait la jambe du démon, tachant l’herbe sous lui. La blessure était profonde—sérieuse. Le piège rouillé avait causé bien plus de dégâts qu’il ne l’avait cru.
— … Eh bien… marmonna Luci, … c’est pas joli.
Les oreilles d’Asher s’abaissèrent immédiatement.
— … Je sais que je suis moche, murmura-t-il. Contrairement à toi… Je suis désolé…
Luci cligna des yeux.
— Pas toi, idiot. La blessure.
Asher se figea.
Luci s’approcha encore, inspectant la plaie de plus près.
— C’est dans un sale état… mais je vais essayer de faire quelque chose.
Un silence.
— … Donc, tu ne me trouves pas moche ?
Luci le regarda enfin attentivement. Maintenant qu’il était si proche, il pouvait voir chaque détail étrange de son corps : sa peau sombre et écailleuse, ses griffes acérées, sa longue queue enroulée autour de lui-même.
Il chercha ses mots.
— … Tu es…
Il hésita.
— Spécial.
Asher écarquilla les yeux.
— J-je suis spécial ?
Luci se frotta la nuque. Je suis même pas sûr que c’était un compliment… Mais en voyant la queue du démon remuer légèrement, il décida de ne pas rectifier.
Son attention revint sur la plaie.
Il pensa un instant à utiliser sa magie—sa lumière—mais les paroles d’Asher lui revinrent en mémoire.
Cette lumière venait de son père. Du sang de la lignée des Star.
Une lumière censée bannir les démons.
Il avait déjà blessé Asher avec.
Si essayer de le guérir l’aggravait encore plus ?
Luci serra les dents. Mieux vaut éviter de tenter le diable…
— Je ne connais pas de magie pour soigner les démons, admit-il. Mais… la blessure ne saigne plus autant. C’est bon signe. On va la nettoyer et l’enrouler. Ça devrait suffire.
Asher hocha la tête avec hésitation.
— D-d’accord… mais… comment ?
Luci baissa les yeux vers sa propre tenue.
— … J’ai pas de bandages, répondit-il. Mais ça fera l’affaire.
Sans attendre, il attrapa sa cape royale et en coupa une large bande avec son couteau.
Asher ouvrit des yeux horrifiés.
— NONNNN ! ATTENDS ! TU NE DEVRAIS PAS ! C’EST—C’EST TA CAPE DE PRINCE ! ELLE EST TROP PRÉCIEUSE ! NE LA DÉCHIRE PAS !
Luci ne leva même pas la tête.
— Cette chose ? Précieuse ? Il haussa les épaules. C’est juste une foutue cape royale pour la cérémonie d’ascension de roi. Leurs traditions débiles…
Asher eut un hoquet.
— M-mais… Ça veut dire que Luci est… r-roi ?
Luci se crispa. Ses doigts se serrèrent sur le tissu.
— Je ne suis pas roi, marmonna-t-il.
Asher cligna des yeux.
— Mais—
Luci lui lança un regard noir.
— Tu ferais mieux de pas dire un mot de plus, sinon j’utilise le reste de cette cape pour te faire taire.
Asher referma la bouche instantanément.
— Bien, fit Luci, satisfait.
Il se concentra de nouveau sur la plaie, utilisant un morceau de tissu pour essuyer le sang.
Asher inspira brusquement.
— … Arhh… mmh…
Luci fronça les sourcils.
Le saignement avait ralenti, mais la blessure restait vilaine. Avec un peu de chance, elle finirait par guérir seule.
Il enroula soigneusement le tissu autour de la jambe d’Asher, serrant juste assez pour maintenir le tout en place.
— Voilà.
Il recula légèrement et observa son travail.
— Un peu mieux, non ?
Il sourit. Pas un sourire forcé, pas celui qu’il arborait devant les nobles. Un petit sourire sincère.
Asher sentit son cœur rater un battement.
— O-oui… bafouilla-t-il. M-merci…
Luci secoua les mains, comme pour se débarrasser de la poussière.
— Tu penses que tu peux te lever ?
Asher hésita.
Il baissa les yeux vers sa jambe, puis regarda Luci.
Le prince l’observait avec attention, attendant qu’il essaie.
Il prit une lente inspiration.
Puis, avec précaution, il posa ses mains sur le sol et tenta de se redresser.
Comments (0)
See all