Présent, dans la cité d’Asher
La journée avait été éprouvante.
Toute la semaine, l’esprit d’Asher était ailleurs.
Depuis que Stolas lui avait balancé cette vérité en pleine face, il n’avait pas arrêté d’y penser. Cela l’obsédait. Il avait beau tenter de se concentrer sur ses responsabilités, sur la gestion des nouveaux clans et l’extension de la cité démoniaque qu’il avait bâtie de ses propres mains, rien n’y faisait.
Ses pensées revenaient toujours au même point.
À Luci.
Luci, prince de Camélia.
Luci, héritier des Stars.
Luci, petit prince humain à la langue bien trop pendue.
Luci, Luci, Luci… AHHHH !
Il se laissa tomber sur son lit, les ailes déployées sur le matelas.
Sa chambre lui sembla immense... immensement vide.
Autour de lui, tout était à son image : les meubles sculptés de ses propres griffes, les artefacts forgés au fil des années, un espace façonné par ses mains… Pourtant, rien de tout ça ne comblait l’absence qui lui pesait au cœur.
Asher soupira longuement, puis attrapa un de ses carnets de croquis. Dessiner, créer, sculpter, tout ça l’avait toujours apaisé.
Sans réfléchir, il esquissa un premier visage.
Luci.
D’abord, le Luci de son enfance, mais les contours étaient flous.
Trop lointains.
Il recommença.
Le Luci du champ de bataille.
Fier. Droit. Puissant.
Puis il le dessina souriant.
Son cœur se serra. Quand l’avait-il vu sourire pour la dernière fois ?
Sa main traça d’elle-même des lignes plus précises. Son cou. Ses épaules. Son torse nu.
Il s’arrêta net.
Ses écailles frémirent, ses joues tournèrent au rouge.
D’un geste rapide, il referma le carnet et le jeta sur la table de nuit.
— Merde...
Il
passa une main sur son visage brûlant. Il tourna les yeux vers la
fenêtre. Il commencait à pleuvoir. L’odeur de la terre humide emplissait
la pièce, un vent frais soulevait les rideaux. Il ne redoutait pas la
pluie.
La pluie éteint le feu. Et le feu…
Asher déglutit. Il s’adossa à l’oreiller, fixant le plafond, et glissa instinctivement sa main vers son auriculaire.
Le contact froid du métal.
La chevalière d'or.
Luci…
Il essaya de se souvenir de Luci.
Malgré
un début désastreux et seulement une courte semaine passée ensemble, il
se souvenait d’un Luci toujours gentil et enthousiaste. Il a était son
premier ami avant qu’il rencontre Stolas et les autres démons avec qui
il a pu créé des liens, puis cette cité. Luci était la première personne
à lui avoir dit qu’il était beau. La seule à avoir regardé ses écailles
et à les avoir trouvées fascinantes au lieu de les craindre ou de les
aduler. Cela l’avait marqué profondément dans son être.
Pour lui,
même après tout ce temps, Luci gardait une place particulière dans son
coeur. Luci était… différent. A partir de l’instant où il a rencontré
ses yeux brillant, Luci l’avait fasciné, envouté. Pour lui, Luci était
comme un ange tombé du ciel, il était si impressionnant, si pure, si…
beau.
Mais ce n’était pas pour ca que Luci était si special pour Asher.
Le
pauvre garçon ne s’était jamais senti ni humain, ni démon. Les hommes
le traitaient de monstre. Son père voulait qu’il se comporte comme un
humain. Et les démons ignoraient ses origines. Mais Luci l’avait vu tel
qu’il était. C’est seulement avec Luci qu’il s’était enfin senti libre
d’être toutes les facettes de lui même. il n’avait ni essayé de le
contrôler, ni chercher à être sous ses ordres, il avait était simplement
son ami.
Il avait été libre avec lui, comme si il déployer ses ailes pour la première fois. Cela lui manquait tellement, Luci lui manquait tellement.
Peut-être voulait-il retrouver ça ?
Peut-être voulait-il plus...
Que voulait-il vraiment de lui, aujourd’hui ?
Retrouver son ami ?
Qu’il soit son prince ?
Ou… plus que ça ?
Asher ferma les yeux.
Son esprit souffla la réponse.
Il voulait Luci.
À ses côtés. Contre lui.
Mais Luci était il toujours Luci ?
Il imagina Luci, assis sur le bord du lit, à quelques centimètres seulement.
— Luci… tu te souviens de moi ? Que penses tu de moi aujourd’hui ? que ressens tu à mon égard ?
Dans son rêve éveillé, Luci le regarda avec ce sourire pure si caractéristique.
— Ce n’est pas la vraie question, Ash…
Il se rapprocha, glissant ses doigts sur les épaules du démon avec un sourire plus envoutant. Asher frissonna sous le contact imaginaire.
— La vraie question, c’est…
Luci s’installa à califourchon sur ses cuisses, ses mains explorant sa peau brûlante.
— …Qu’est-ce que toi, tu ressens pour moi ?
Asher sentit son souffle se bloquer. Ses écailles prirent une teinte plus rougeâtre, trahissant son trouble.
— Je… je ne sais pas. Je… je veux que tu sois mon ami… encore ?
— Rien de plus ?
(AVERTISSEMENT : Scène mature )
( Fin de la scène mature )
« Luci, Je crois que je t’ai toujours aimé. »
Oui,
c'était un aveux à lui même. Il était amoureux de Luci depuis leur
première rencontre et maintenant qu’ils étaient adultes, il voulait
consumer cette amour.
Le bruit de la pluie le frappa de plein fouet, le ramenant à la réalité.
Il était seul.
Et même s’il était enfin clair avec lui-même, Il ne savait toujours pas si Luci ressentait la même chose.
Il prit une serviette humide et s’essuya avant de se rhabiller.
Son regard se posa sur la fenêtre. La pluie tombait plus fort maintenant, rendant l’horizon flou. Il toucha la pluie froide du bout des doigts.
Il était dur de rester avec ces questions sans réponse. Même si celle-ci pouvait lui briser le cœur.
Ce n’est pas comme s’il pouvait se présenter à sa porte en toquant et demander au prince de s’expliquer, pas vrai ?
Les mots de Stolas lui revinrent :
Un démon Lord peut faire ce qu’il veut. Arrête de te poser des questions et fais-le.
Stolas était sage et rusé, il avait sûrement raison. Asher inspira profondément.
Oui. Il devait savoir.
Il prit de quoi se couvrir et tout son courage, puis se dirigea vers la balustrade. D’un geste fluide, il déploya ses ailes. La pluie s’écrasait contre ses écailles brûlantes, mais il n’en avait rien à faire. Celle-ci le protégeait des flammes. Et ce soir, elle couvrirait aussi son vol à la vue de tous. Avec sa vitesse, dans moins de trois heures, il serait à la capitale de Camélia.
Et il aurait sa réponse.
D’un battement d’ailes plus rapide que le son, il s’élança dans la nuit.
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