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La chute d'Icare

BEC ET ONGLES • PT. III

BEC ET ONGLES • PT. III

Feb 22, 2025

La pluie qui avait commencé à couler depuis un moment sans qu'Apollodore ne s'en aperçoive réellement tapait fort et ils étaient trop loin de la faculté ou de la maison de l'un ou l'autre pour pouvoir y rentrer avant d'être entièrement trempés. Apollodore, le cartable d'Icare au dessus de sa tête pour se protéger tant que possible, jeta un regard circulaire autour d'eux pour trouver un endroit où ils pourraient se mettre à l'abris. Il commença à marcher, Icare à sa suite, quand une vitrine lui attrapa le regard.

« Raymond Bertin, antiquités et curiosités en tout genre. Ouvert tous les jours, à toute heure. Du jour, de la nuit. »

Il ne se demanda pas qui voudrait visiter un cabinet de curiosité en pleine nuit, pour eux, c'était une aubaine, ils allaient pouvoir s'y abriter jusqu'à ce que vienne la fin de l'averse.

« Viens. »

Il attira Icare vers la boutique dont il poussa la porte. Bien qu'ayant trop bu, Icare tenait fermement sur ses appuis et restait globalement cohérent.

« Tu sais que cette boutique me fait flipper, hein. Je suis sûr que ce Raymond est un vampire sorti tout droit du siècle dernier. Et puis sérieux, qui voudrait garder des yeux dans des bocaux ?»

Apollodore leva les yeux vers le ciel sombre. 

« Te fiches pas de moi ! C'est vraiment pas normal de faire ça ! » S'indigna le blond qui était redescendu en pression presque instantanément à partir du moment où il avait été seul avec Apollodore. La vérité c'est qu'en sa présence il ne pouvait se concentrer sur la colère qui lui mangeait le cœur tant il était accaparé par le soleil qu'il dégageait, même en pleine nuit.

« On y va juste pour s'abriter de l'orage. Regarde, mes boucles sont déjà trempés. Et tu sais que je déteste ça. »

C'était vrai. Ses cheveux crépus étaient déjà gorgés d'eau et il savait que quand ils allaient sécher, ils allaient friser de manière désagréable, devenant anhydres et cassant. Lui qui les avait hydraté le matin même...

« T'es vraiment une princesse ma parole. » Ricana Icare, de son habituel ton sarcastique.

« C'est toujours mieux que d'être un poltron. Et puis ne t'exprimes pas sur les sujets que tu ne maitrise pas. Tu ignores à quel point ta vie est plus simple, seulement parce que tu as des cheveux de petit garçon caucasien plein d'orgueil. » Glissa presque affectueusement Apollodore.

« Toujours est-il que ce garçon plein d'orgueil, comme tu dis, à le bon sens de ne pas foncer tête la première dans l'antre d'un vampire. Pourquoi crois-tu que sa boutique reste ouverte toute la nuit ? Et je te ferais remarquer, de surcroît, que tous les gens qui ont dit vouloir ''juste s'abriter de l'orage'' en y entrant n'en sont jamais ressortis. »

Icare et son imagination débordante. Si seulement il la mettait à profit pour autre chose qu'être en contradiction permanente avec son entourage. Apollodore rentra dans son jeu :

« Evidemment. Puisqu'ils ont été dévorés. » 

« Parfaitement, et... Tu te fiches de moi, c'est ça ? »

Apollodore se laissa aller à un rire sonore en assentiment, et poussa le blond à l'intérieur. Une fois dedans, la crainte d'Icare disparut presque immédiatement pour laisser place à sa curiosité. C'était d'une telle évidence qu'il serait incapable de se retenir de poser les yeux partout. Sa curiosité était par nature insatiable. Apollodore se rappelait d'ailleurs leur première rencontre, dans la bibliothèque, où il l'avait prit pour un énième petit bourgeois privilégié qui pensait se rendre interessant en lisant sur les sujets les plus futiles qu'il trouverait pour en suite se faire passer pour un expert de ces domaines. Au final, Icare s'était révélé bien plus intéressant que ça. Bien plus intéressé aussi. Ce qu'il lisait, il l'apprenait avec passion. Pas seulement pour donner l'illusion de la culture, comme tous ces nantis élitistes qui se font un plaisir de parler en termes amphigouriques pour perdre leur interlocuteur et se donner un genre plus intelligent que les autres.

Icare déambulait entre les allées étroites du cabinet de curiosités. De l'autre côté d'un meuble bibliothèque en bois épais, presque grossier, dans la seconde allée, Apollodore avançait au même rythme que lui. Tous deux se regardaient entre les rayonnages, vue entrecoupée, saccadée a mesure qu'ils avançaient. Ils se voyaient tantôt au travers des toiles d'araignées qui semblaient tout à fais à leur place, tantôt au travers de bocaux emplis de liquides non identifiés, d'autres plein de formol servant à la conservation d'organes, de membres autant humains qu'animaux. Ici un cœur, puis une grenouille, là des globes oculaires. Ils se voyaient par intermittence, que des parties de visage, les lèvres d'Apollodore, le nez d'Icare, un œil, la courbe d'une bouche, l'arqué d'un sourcil, une oreille. Un sourire. Un de ceux avec des fossettes aux coin des lèvres. Parfois, la perspective déformée par le passage de la lumière dans le verre du bocal. Ça avait quelque chose de fondamentalement cubiste. La matière, la lumière et la transparence s'entremêlaient pour former l'image, le vrai, qui pourtant n'était que représentation, reconstruction par l'esprit du cumul d'informations perçues par les yeux. Icare le savait, la vue n'était pas fiable. Mais s'il y avait un point sur lequel il voulait bien aveuglément croire ce que ses yeux percevaient, c'était bien pour la beauté d'Apollodore. Aucun trompe-l'œil, aucune ruse n'aurait su l'entamer, ni lui rendre justice à sa juste valeur. Ils continuèrent leur exploration du visage de l'autre à travers la matière, les courbes révélées par la lumière chargée d'une poussière dorée. C'était une toute nouvelle façon de se voir, morceau par morceau, laissant le soin à leur esprit de créer l'image complète. Sourire aux lèvres, ils continuèrent d'avancer, jusqu'à la fin du meuble qui les séparait. Comme la fin du monde. Et enfin, c'était comme s'ils se voyaient entiers pour la première fois. Chaque détail était connu, assimilé en lui-même, puis tout à coup, il faisait partit d'un tout. Lui donnant encore plus de valeur. Alors Icare eut besoin, histoire de tout bien fixer dans sa mémoire, de le découvrir différemment encore. Et ce sont ces doigts qui partirent à la conquête du visage de son vis-à-vis. Il les posa sur sa peau noire, se délectant pour la première fois de sa douceur tiède. Du bout des doigts, debout dans ce cagibi miteux remplis de bizarreries, il cartographiait les traits de son ami. En passant son pouce sur ses lèvres pulpeuses, il décida qu'il les adorait. Et qu'il voudrait les explorer autrement encore. Peut-être les peindre. Ou les embrasser. Ou les deux en même temps. Leur faire l'amour. 

Le temps qui était comme arrêté, reprit doucement sa course quand la petite porte du cabinet de curiosité s'ouvrît sur un homme qui comme eux devait voir en ce lieu un abri convenable pour se protéger de la pluie. Il se découvrit en y entrant comme le voulait la politesse, lissant son chapeau pour en chasser les gouttes d'eau accumulées. Leur bulle brisée par ce nouvel arrivant, Icare glissa sa main dans celle d'Apollodore et le tira à sa suite, regagnant les rues de la capitale où il pleuvait encore à torrents. Mais étrangement, ça ne leur parut plus si insurmontable. Main dans la main, toujours, ils se mirent à courir, glissant parfois sur les pavés mouillés. Le soleil avait laissé place à la lune et aux lumière artificielles qui se reflétaient dans les flaques sur le pavé comme sur une toile orphique, évolution de l'impressionnisme. Où chaque source se lumière en crée de nouvelles par réflexion, et où la réalité peut être décomposée puis reconstruite de manière analytique. La lumière comme seul point d'ancrage. Et la plus grande source de lumière à ce moment dans le monde d'Icare n'était autre qu'Apollodore.

« Il faut que tu vois le monde comme je le vois. » S'enquit tout à coup Icare.

Il fouilla dans sa poche, longuement, avant de tendre une main vide à Apollodore qui ne comprit pas.

« Mon cartable. » Soupira le blond, comme lassé d'attendre. Comme si ça faisait déjà une éternité. À la vitesse où fusait son esprit, c'était le cas. Et il avait hâte qu'Apollodore sente lui aussi le temps se distordre de manière étrange.

« Oh oui. Tiens, le voilà. » Le noir lui tendit le sac.

Il ouvrit la poche en cuir et sortit un petit flacon transparent.

« Ouvre la bouche. »

« Qu'est-ce que c'est ? »

« Du bonheur liquide. »

« Icare, c'est de la drogue ? »

« Mais non. C'est une fenêtre sur le monde. Tu crois que les grands artistes étaient un jour frappés par l'inspiration divine sans autre raison que la volonté de créer ? Non. Le génie a besoin d'aide pour s'exprimer. Et cette aide ne vient pas de Dieu. Ou alors si. Et dieu a mit sur terre cet élixir permettant de l'atteindre. À toi de choisir ta vérité. Ouvre la bouche. »

Comme si cette idée avait quoi que ce soit de convaincante, Apollodore s'exécuta.

La goutte de liquide qu'Icare lui déposa sur la langue n'avait pas de saveur, si ce n'était un arrière goût un peu amer qui s'estompa bien vite.


P4R4D0X
Kracotte

Creator

#dark_academia #Revolte #Mai68 #Paris #art #amour #lgbt #bl

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Paris, mois de Mai 1968.
Dans les rues, les étudiants s'échauffent, ils protestent contre le pouvoir en place et montent des barricades.
Icare est l'un d'eux. Toujours d'accord pour être en désaccord, la croisade qu'il mène est essentiellement dirigée contre son père, les événements de Mai n'en sont que le mobile. Etudiant à la prestigieuse académie des Beaux-arts de Paris, il y fera la rencontre d'Apollodore, sculpteur de talent. Et avant même qu'ils ne deviennent amis, cette rencontre tournera à l'obsession. Une obsession dangereuse. Jusqu'à devenir sanglante.
Tandis qu'ils tombent amoureux, inexorablement, comme l'oiseau s'approche trop du soleil, le monde entier leur hurlerait bien que c'est indécent, mais ce dernier est bien trop tourné vers la rue, ses grèves et ses affrontements sans précédent. Alors au final, leur histoire ne restera que cela : une histoire. Courte mais intense. Leur petite révolution sur fond de la grande.
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