Et au milieu de tous ces démons…
Un humain.
Un humain qui n’avait clairement rien à faire là.
Luci resta figé, au sol, le souffle coupé.
… Merde.
Le silence devint étouffant.
Puis une voix jaillit de la foule, claire, tranchante, en latin parfait :
— Estne… homo?!
— Un humain ? Ici ?!
— Impossible, Lord Abbadon l’a interdit !
Les murmures en latin s’enchaînèrent, comme un feu qui court.
Luci sentit une goutte de sueur glacée lui glisser le long de la tempe.
Il était seul. Pas de garde. Pas de Lucio. Juste lui… et des dizaines de démons.
— Pourquoi il a un crâne ? Il se prend pour un démon ?
— Tu veux dire… pourquoi il a des chaînes ?!
— …Quelqu’un a perdu son dîner ?
Un éclat de rire secoua la foule.
Luci, lui, tendait lentement le bras vers son petit couteau de fortune, à peine à portée.
Son cœur cognait si fort qu’il noyait le reste.
Les rires s’éteignirent peu à peu.
Les démons s’avançaient. Le cercle se refermait.
Par réflexe, Luci se redressa légèrement et brandit son couteau, toujours au sol.
Sa voix jaillit dans un latin trop cérémonial, presque liturgique :
— Nolite… appropinquare ! ( n’approchez pas ! )
Un silence tendu.
Deux démons s’arrêtèrent, se regardèrent… puis firent un pas de plus.
— Nolite appropinquare dixi ! Je peux me battre ! Je vous préviens, si vous approchez, je… je vous attaque !
Le ton tremblait. Mais dans ses yeux brillait une étincelle farouche.
Celle d’un enfant royal pas encore prêt à plier.
Le démon aux écailles, un pangolin massif, celui sur qui Luci avait trébuché, leva un sourcil, intrigué.
— Tu veux… nous attaquer ?
— J-je n’hésiterai pas ! Si vous avancez encore, je—
Une hyène bipède au pelage sombre s’avança d’un pas léger, sourire aux crocs.
— Hmmm… Ça ressemble à une demande de duel, ça, non ?
Un frisson d’excitation traversa la foule. Des murmures, des sifflements.
Luci se sentait transporté dans le passé.
De nouveau ce petit garçon terrifié, brandissant un couteau ridicule face à un démon.
Espérant, une fois encore, que la bravoure suffirait à tenir le danger à distance.
— Je… je connais vos règles ! J’ai déjà combattu ! Je n’ai pas peur de vous ! Re-reculez !
La hyène hésita. Son regard alternait entre Luci et le pangolin, tiraillée entre prudence et hâte.
Ses griffes raclaient nerveusement les pavés.
Luci tenta une dernière carte.
— Écoutez-moi ! Je ne veux pas de conflit. Je suis venu en ami ! Alors… traitez-moi comme tel. Et je ferai de même.
Le pangolin soupira longuement, puis afficha un sourire en coin, narquois.
— Ah… Maintenant il faut traiter les humains comme des invités ?
Très bien, humain. Tu veux notre respect ? Gagne-le.
— Si tu le demandes, tu vas avoir l’accueil digne des démons, ahah !
Il se plaça en garde, sa queue cliquetant contre la pierre.
La hyène, elle, se lécha les crocs, les griffes sorties, un rire rauque dans la gorge.
La foule fit cercle autour d’eux, avide du spectacle à venir.
Luci serra les dents. Se releva lentement.
Un couteau minuscule dans une main. Une chaîne dorée nouée à son bras gauche.
Un humain, seul, face à deux démons.
Il avait cette étrange impression…
D’avoir choisi tous les pires dialogues possibles.
Mais pas de bouton “recommencer”.
Il n’avait plus qu’à jouer sa vie…
Dans l’arène des monstres.
Il allait devoir se battre.
Luci se redressa, son couteau attaché à la chaîne dans sa main, un sourire en coin sur les lèvres. S’ils voulaient voir un humain se battre… ils n’allaient pas être déçus.
La démone hyène se mit à quatre pattes, tandis que le démon pangolin se roulait en boule.
Première règle d’un combat : bien analyser son advers—
BAAAM !
Luci n’eut même pas le temps de cligner des yeux. La boule le percuta de plein fouet, l’envoyant valser comme un vulgaire caillou. Il traversa la foule dans les airs et ne dut sa survie qu’à un petit cours d’eau qui serpentait au cœur de la place.
Un démon aux écailles, qui nageait par là, le regarda un instant, surpris, avant de tourner les nageoires en marmonnant un grognement incompréhensible. Peu importe ce qui se tramait ici, ce n’était pas son problème.
Luci toussa en émergeant de l’eau, trempé, meurtri… mais vivant. Et il comprit une chose : ces démons le surpassaient en tout. Force, vitesse, résistance… Ils n’avaient pas besoin de sorts pour dominer, et ils n’allaient certainement pas le ménager. Ici, c’était chez eux.
Lorsqu’il posa un pied hors de l’eau, les rires éclatèrent dans la foule. Même ses adversaires ne le prenaient plus au sérieux. Il avait fait forte impression… mais clairement pas celle qu’il espérait.
Il serra les dents. Ses vêtements détrempés le ralentissaient, son allure de serpillière ne l’aidait pas. Il fallait réagir, vite.
— Ex calidus aqua evaporata…
Des pousses d’arbres dépassaient à peine entre les dalles, se dirigeant vers le ruisseau. Une idée germa.
Il posa ses mains au sol et murmura :
— Mana vitae, pare voluntati, connectere creationibus. Terra, aqua, plantae. Crescite. Vigor, tempus acceleratum, energia transmittantur.
Ses paumes s’illuminèrent de vert. La lumière se répandit entre les fissures du sol, puis des racines jaillirent. Des arbustes, des lianes, des troncs. Une mini-forêt naquit, brisant la pierre de la place et surprenant toute l’assemblée.
La visibilité disparut. Les lignes droites aussi. Le terrain devenait étroit, irrégulier… parfait pour freiner un démon qui charge.
Privés de leur avantage, les adversaires grognèrent, hésitants. Malheureusement pour eux, ils n’étaient pas coordonnés. Ils se séparèrent aussitôt.
Luci sourit. Une aubaine. Il ramassa son couteau et alla les observer depuis les branches. C’est le pangolin qui croisa sa route en premier. Il lui fallait plus de force pour contrer son épaisse carapace et il avait l’incantation pour ça.
— Fortis maxima.
Son corps se renforça d’une aura rouge. Il fondit sur le pangolin, bondissant d’une branche, couteau prêt. Mais l’ouïe surnaturelle du démon le trahit. Il leva le bras juste à temps. Le couteau se planta… entre les écailles. Coincé.
Luci tira. Rien. Il lâcha l’arme pour esquiver un coup de griffe. Sa queue claqua violemment au sol, fendant la terre en deux et brisant même un arbre. Il Luci bondit au dernier instant pour esquiver le coup de justesse.
Il avait bien fait de ne pas tenter un affrontement frontal. Ce démon ne retenait plus ses coups. Sa puissance était brute, sans filtre. Et maintenant… il était en colère.
— IL EST À MOI !
La hyène n’avait pas attendu son tour. Elle surgit sur le flanc de Luci en criant, griffes en avant. Il esquiva à nouveau de justesse, mais pas complètement. Une entaille lui barra la joue.
Il prit la fuite à travers les arbres. Son souffle se fit court. Il colla son dos contre un tronc et essuya le sang qui coulait. Juste une égratignure, cependant s’il voulait avoir une chance de se soigner il ne pouvait pas continuer à dépenser son mana sans compter.
Son sort de terrain complexe lui avait déjà bien entamé ses réserves, maintenir le sortilège de Force aller bientôt épuiser ce qui lui rester. Et puis durant sa glissade il avait déjà dépensé du mana avec ses sorts de lumière, bien plus gourmand que le reste.
Le plus inquiétant s’était que son adversaire était un démon: une créature avait un mana naturel bien plus généreux qu’un humain. À l’inverse de Luci ils pouvaient le dépenser sans compter.
La voix railleuse de la démone se moquait de lui.
— Tu es amusant, toi. Tu crois vraiment pouvoir me semer alors que t’es si lent ? C’est idiot de te cacher… d’un canidé.
Elle avait raison.
Mais Luci avait un plan.
Il toucha ses chevilles, chuchota :
— Celeritas aucta.
La lumière bleuté entoura ses pieds.
— …Quand on pue autant le sang !
Un éclat fusa avec un souffle immense. Des griffes de mana tranchèrent l’arbre où il se cachait. Il avait roulé à temps. Son sort de vitesse lui permettait d’éviter les attaques, mais pas indéfiniment. Il était en danger.
Et il n’avait plus d’arme… seulement cette chaîne.
Règle numéro deux : retourner la force de l’adversaire contre lui.
Plutôt que fuir, il prit appui sur un tronc et glissa droit vers la hyène. Il se baissa, glissa entre ses jambes. Au passage, sa chaîne s’enroula autour de sa pattes.
CRACK !
Elle s’effondra face contre terre, le menton contre une racine. Le sang coulait légèrement, elle était furieuse.
— TOI ! Reviens ici !
— Je t’attends.
Elle fonça. Mais au moment d’assainir le coup de griffe elle perdit l’équilibre: sa patte arrière, encore entravée, la fit tombée. La chaîne entre eux s’étant accrochée à une grosse racine, cela tira Luci vers elle en même temps. Il ne résista pas. Il utilisa l’élan pour sauter, pivoter et asséner un coup de pied magistral.
La hyène vola. K.O contre un arbre.
Il se releva et récupéra sa chaîne. Son cœur battait à tout rompre. Mais pas le temps de célébrer.
Un cri de guerre retentit dans son dos.
Le pangolin.
Il chargea, toujours en boule, toujours avec le couteau fiché entre les écailles. Luci esquiva, mais sa vitesse faiblissait. Il ne tiendrait pas indéfiniment.
La créature s’arrêta, fit demi-tour.
Encore plus rapide.
Cette fois, il ne fallait pas fuir. Il fallait frapper.
Luci attendit. Bondit au dernier moment. Il agrippa le couteau avec sa chaine puis tira de toute ses forces.
La boule dévia. Tourna. Sa trajectoire modifiée, elle fit un tour complet autour d’un arbre… et s’écrasa violemment contre le tronc.
Luci relâcha la chaîne. Son souffle saccadé. Il leva le bras.
— Fortis maxima !
Il frappa. Le démon s’écroula, inconscient.
La chaîne se rompit sous toute la tension subit.
Le silence enfin.
Luci se retourna. Le cœur battant. La foule figée.
— J’ai gagné.
— C’EST PAS FINI !
La démone hyène. Elle revenait, sang sur le visage, rage dans les yeux.
Luci esquiva encore, mais les effets de ses sortilège prirent fin. il n’avait plus de sort. Plus de force. Il trébucha sur une racine et Il tomba. Il essaya de ramper puis de se relever seulement pour retomber plus loin près de la foule.
Dos à la foule. Plus d’arme. Plus de mana.
La hyène bondit gorge ouverte, le rugissement au bord des crocs.
Luci leva les bras pour se protéger. Tout ce qui lui restait c’était prier.

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