Chapitre 4 – Rumeurs et inquiétudes
« LA GARDE EN ALERTE ! UN MONSTRE A INFILTRÉ LA VILLE !! » Criait de bon matin le vendeur de journaux sur l’esplanade devant la Tour de l’Aube.
Ce gros titre en première page du journal « Le Parchemin Volant » reflétait l’agitation des habitants de la cité depuis la veille, quand le monstre avait été vu pour la première fois. Les rumeurs allaient bon train, et personne ne savait vraiment comment démêler le vrai du faux. La garde n’avait pas encore donné de version officielle, ses investigations étant toujours en cours.
« Je l’ai vu filer à travers le marché hier midi ! » Déclara un boulanger avec effroi. « C’était une chose noire informe qui glissait sur le pavé, comme un fantôme ! »
« Le monstre crachait du feu ! Il a réduit en cendre la charrette de Mr Joval ! » Renchérit un autre.
Sa voisine, une matrone qui en avait vu d’autres, répliqua aussitôt : « Ah ! Même pas ! Ça, c’était le travail d’Edman de la Tour Bleue ! Si seulement il passait plus de temps à apprendre à viser plutôt qu’à traîner à la taverne, le problème serait déjà réglé ! ».
Cela rouvrit le débat sur les dérives de certains magiciens et leurs incidences sur la vie des habitants. Nul besoin de préciser qu’aucune personne présente ce matin-là n’arriva à l’heure au travail. Et que la garde dû intervenir avant que certains n’en viennent aux mains, ce qui ne les aida certainement pas dans leur recherche du monstre.
*****
En tant que propriétaire de la Taverne du Sanglier Ivre, Youl Weiss avait entendu les rumeurs les plus saugrenues depuis qu’il avait repris la boutique treize ans plus tôt. Mais même lui devait admettre que ce qu’il entendait ce jour-là était assez hors du commun, même pour une cité de mages.
« Mon oncle Reck a vu le monstre hier soir ! » S’exclamait un jeune homme attablé au comptoir. « Quand il a quitté la taverne, il est passé par le Vieux Quartier et il est tombé nez à nez avec la créature ! Une horrible chose noire tapie dans l’ombre qui a soudainement surgi devant lui. Avec des cornes et des griffes tranchantes sur tout le corps ! Il est rentré en courant à la maison et a passé la nuit avec son vieux fusil dans les mains, tremblant comme une feuille. Mon père a failli trébucher sur lui au petit matin et il a évité de justesse une balle dans la tête. C’est de la folie !!! »
Son interlocuteur, un employé d’une guilde marchande secoua la tête avec un mélange d’horreur et de stupéfaction.
« Par Skellus… Je croyais que ce n’était qu’une rumeur exagérée ! Un sort hors de contrôle ou une autre des maudites inventions de Zokel. Un monstre a vraiment réussi à passer la Barrière ?! C’est à peine croyable… »
Youl, occupé à sécher ses chopes de bières, ne put s’empêcher d’acquiescer avec inquiétude, songeur.
« En parlant de Zokel, j’en ai une bien bonne à vous raconter ! » Intervint un client sur une table voisine, avec un air goguenard. « Zokel a enfin réussi à se bourrer la gueule avec les fumées toxiques de ses expériences farfelues ! Hier après-midi, je l’ai vu tenter de tirer le chef de la garde vers sa vieille bicoque pour faire constater des dégâts imaginaires dans son laboratoire. Le vieux délirait complètement, en répétant hystériquement qu’un monstre avait volé toute l’encre de ses livres ! ».
« Nan, mais sérieux, faut qu’il arrête avec ses âneries… » Répondit son voisin.
« Et le meilleur dans cette affaire, c’est que le chef l’a coffré pour ivresse sur la voie publique ! Je vois encore sa tête quand les gardes l’ont emmené au poste ! Ah ah, inoubliable !! Regardez, ils l’ont immortalisé en dernière page du Parchemin Volant, c’est à mourir de rire ! ».
Effectivement, la photo était assez drôle. Deux gardes musclés avaient pris Zokel sous les aisselles et le magicien, bien plus petit qu’eux, battait des pieds dans l’air en criant, les yeux exorbités.
Bon, ça, Youl devait admettre que Zokel ne l’avait pas volé. Ses expériences étaient tragiquement connues dans toute la ville pour être soit complètement idiotes et source de migraines pour les individus ayant le malheur de croiser son chemin, soit à la limite du miracle et néanmoins terriblement dangereuses. Sans jamais aucun moyen de savoir de quel côté la balance allait pencher. Il y avait une bonne raison pour laquelle le magicien n’avait jamais été promu mage.
Youl posa la dernière chope en grimaçant. Et chassa immédiatement d’un bon coup de torchon le chat noir qui venait de bondir sur le comptoir.
« T’as entendu ce qui s’est passé au marché hier ? Il parait qu’un monstre de feu a dévasté trois échoppes ! Et que les mages de la Tour Bleue présents n’ont pas réussi à attraper le monstre ! La garde a fouillé toute la cité, sans succès. »
« Quoi ? Trois échoppes ? Je n’ai vu aucune trace d’incendie en venant ici. Il ne faut pas croire tout ce qu’on raconte, gamin.»
« Mais si, je te jure, Jo ! C’est la Grande Mage elle-même qui a réparé les dégâts en un claquement en doigts ! ».
« Nil, je doute fortement que la Grande Mage ait le temps de se préoccuper de ça, avec le Haut Conseil des Mages qui commence dans onze jours. Ils ont d’autres chats à fouetter avec ce qui se passe sur le reste du continent » Répondit Jo avec un air sombre. « Il y a des rumeurs terrifiantes qui circulent depuis des mois. Des monstres énormes qui surgissent de nulle part et qui font de nombreuses victimes. Je ne te parle pas du menu fretin qu’on connait depuis des siècles. Mais de loups dégénérés de la taille d’un cheval ou de harpies assoiffées de sang. Il y en a même qui parlent de cadavres de victimes qui se relèvent après leur mort… ».
Ces mots jetèrent un grand froid sur l’assemblée. Personne n’osa répondre à cela et la peur pouvait être vue dans les yeux de tous.
Bon, là, c’était clairement le moment de changer de sujet. Une taverne avec une ambiance sombre, c’était mauvais pour les affaires.
« Allez, ça suffit ! » S’exclama Youl. « Qui veut trinquer à la santé de la garde ? Nos valeureux protecteurs qui ont dû supporter un Zokel ivre toute la nuit ? Je n’ose imaginer quelle catastrophe il a pu engendrer depuis sa cellule… Ont-ils précisé combien de temps ils le gardaient au frais ? ».
« Hmm… Je crois qu’ils avaient parlé de le forcer à suivre un stage de remise à niveau en mesures de protection pour les disciplines magiques. Le fameux stage auquel le Haut Conseil l’a déjà inscrit sept fois, sans jamais qu’il s’y rende. Attendez deux minutes, je regarde. Qui est le dernier à avoir eu le journal ? Ah, il est là, deux secondes… Heu.. ? Quoi … ?! ».
A la stupéfaction de tous, le journal laissé sur la table voisine avait quelque peu changé d’aspect, avec des pages vierges et complètement dépourvues d’encre.
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« RAAAHH !!!! MAIS PUISQUE JE TE DIS QUE JE NE SUIS PAS IVRE !!!! » Hurla Zokel à plein poumons depuis sa cellule. « Je n’ai ni bu, ni fabriqué de potion hier, ni même lancé un seul sort !! J’ai passé la journée à écrire sur des parchemins et à parcourir des vieux grimoires et c’est tout ! ».
De l’autre côté des barreaux, le garde l’observa d’un air dubitatif.
« Les sorts de tests alcoolémiques n’ont effectivement rien révélé. Mais venant de toi, Zokel, faut admettre que ça pourrait quand même être des hallucinantes causées par tes expériences loufoques. La dernière fois qu’on s’est vus, tu courais dans tous les sens en criant dans une langue imprononçable. Avec la peau verte. Et les yeux jaune brillant. Il a fallu que Madame Petzel elle-même intervienne pour t’attraper au vol alors que tu venais de te jeter des remparts de la cité. Sous les yeux du Conseil et de l’ambassadeur de Windurt, en plus. »
« Je venais juste de créer un sort de traduction d’un dialecte gnome ancien !! Entièrement fonctionnel ! C’est une avancée majeure pour la recherche magique !! ».
« Ouais, ouais, tu as surtout failli faire une avancée majeure vers ta transformation en pancake. Bref, c’est quoi cette histoire à dormir debout qui nous vaut ta visite ? ».
« C’est la faute de ce monstre qui a saccagé mon laboratoire ! Tous mes précieux livres et grimoires magiques sont perdus… des années de recherche parties en fumée ! ».
Le magicien s’effondra contre le mur, les larmes aux yeux. Le jeune garde se passa la main dans les cheveux en grimaçant.
« Bon, je t’en dois une pour l’affaire des vouivres en peluches. Je vais aller voir ce qu’il en est de ton labo. Avec un masque contre les fumées toxiques, au cas où. On en rediscutera après. »
« David !!! Attends, ne me laisse pas ici !!! Daviiiiidd !!!! ».
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« Si c’est pour Zokel, il n’est pas ici en ce moment. »
David resta un instant sans voix. Devant lui se tenait un géant aux cheveux roux hirsutes, d’une carrure impressionnante et le visage couvert de balafres. Avec un tablier trois tailles trop petites et un fichu jaune sur la tête.
Le garde ne s’attendait pas à rencontrer le mercenaire Grégor Mallory en toquant à la porte de la maison de Zokel. Devant son regard fixe, Grégor fronça des sourcils et ajouta d’une voix menaçante : « Un problème ? ».
« Non, non, non !!!! Aucun problème !! Je sais où est Zokel, il est actuellement en cellule de dégrisement au poste des gardes. Je venais constater l’état de son laboratoire. Il m’a parlé d’un monstre qui aurait saccagé ses livres ? ».
Grégor poussa un long soupir et s’écarta de la porte pour le laisser rentrer.
*****
Skellus observait avec curiosité les allers et venues frénétiques des humains dans le hall principal d’une des Guilde des Mercenaires de la cité. Il s’était repu un peu plus tôt d’encre fraiche laissée en évidence sur des petits bouts de papiers accrochés non loin de là. Un en-cas bien mérité après avoir passé la journée à découvrir la ville et ses habitants.
Maintenant tranquillement allongé sur le dessus d’une caisse, Skellus était fasciné par un des humains en particulier. Bien que similaire physiquement aux autres humains à ses yeux, ses congénères s’écartaient à son passage et tremblaient devant lui.
« ALORS ?!! Qui peut m’expliquer ce qu’il est arrivé au panneau des quêtes ?!! Comment est-ce que toutes les quêtes affichées ont pu s’effacer toutes seules sans que PERSONNE n’ait rien vu ?!! Hein !! Lequel d’entre vous trouve ça drôle ?!! ».
Est-ce que chez les humains, le plus fort était l’humain qui criait le plus fort ? Leurs voix remplaçaient donc leurs griffes ? Curieux.
« Raaaahhh !!!! Personne ne partira d’ici tant que je n’aurai pas le coupable !!! Et Julos, je te charge de nous réafficher une copie de toutes les annonces de quêtes dans l’heure. »
« Une copie ? Mais on n’a pas de copie des quêtes, chef. Suite aux économies de budget de l’année dernière et au départ de Julia en conséquence, il n’y a plus personne chargé de faire une copie des annonces de quêtes. »
Le hurlement qui sorti de la gorge du chef résonna à travers toute la pièce et fit trembler tous les autres humains comme des feuilles. Leurs excuses fusèrent dans tous les sens dans un brouhaha incompréhensible.
Donc « Chef » était le nom de l’humain qui criait le plus fort. Skellus préférait son nom à lui.
*****
Que va faire Skellus ?
Choix 1 : Espionner Iris et son père
Choix 2 : Découvrir les joies de la bibliothèque de la ville
Choix 3 : Aller voir du côté de la Tour de l’Aube

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