Après un bon repas, rien de mieux qu'une bonne nuit de sommeil. Kuwa et Nochi ne pouvant pas dormir dans la même tente, Ori s'installa avec le grand gaillard. Il ne le savait pas encore mais c'était un très mauvais choix. Entre sa sieste dans la charrette et les ronflements de Nochi, Ori n'arrivait pas à fermer l'œil. Il sortit donc de sa tente pour prendre l'air, et fut surpris de voir Ylva assise devant le feu. En le voyant sortir elle l'interloqua
- Alors ma sœur, pas facile de dormir avec ces rustres hein ?
En sortant, Ori remarqua qu'en plus des ronflements de Nochi, un étrange cliquetis métallique régulier se faisait entendre de la tente de Kuwa et Ozan.
- Toi non plus tu n'arrives pas à dormir ?
- Non moi je monte la garde. On est encore sur une route marchande fréquentée alors je me méfie des brigands.
- En pleine nuit dehors ?
- C 'est justement quand tout le monde se repose que le danger est présent. C'est mon rôle de vous protéger. Les deux idiots se débrouilleront, mais j'ai quand-même une princesse et deux enfants à surveiller
- Désolé de t'infliger ça, tu préférerai sûrement être auprès de ta famille.
- Je suis orpheline... alors ma seule famille, c'est la matriarche. Elle a eu la bonté de me recueillir et de me faire intégrer sa garde personnelle très tôt, j'ai presque grandi avec elle. Et même si elle considère toutes les valkyries comme ses filles, j'aime à penser que je suis vraiment la sienne... Alors lorsqu'elle m'ordonne de vous accompagner et de traquer ce criminel, j'accepte et je prends ma mission à cœur, comme toutes les autres.
- Je vois... moi aussi tu t'en doutes, je n'ai jamais été ailleurs qu'à l'orphelinat, alors je te comprends assez bien. Même si mon parent est une vieille femme qui crie tout le temps et pas la dirigeante d'un royaume céleste.
- C'est pour ça qu'il faut qu'on se serre les coudes... Comme des sœurs...
Ylva avait dit ça en tendant son poing vers Ori. Ce dernier soupira, esquissant un léger sourire, et joignit son poing à celui de la valkyrie.
- Comme des sœurs !
- Allez, essaye de dormir un peu. Et appelle-moi s'il faut donner un coup de coude au grand bonhomme parce qu'il prend trop de place, je le ferai avec plaisir.
- Merci mais ça va, à défaut d'être silencieux, il se fait petit...
Puis Ori retourna dans sa tente. Et c'est l'esprit presque apaisé, qu'il parvint à s'endormir.
Le lendemain, à l'aube, le groupe leva le camp, sans un mot, puis partit en direction de la forêt. Tout le monde semblait avoir du mal à se réveiller après cette nuit pour le moins bruyante, et ce n'était pas pour déplaire à Ori. Et c'est ainsi, dans le silence, que la journée de la veille se répéta presque à l'identique. Ori fut tout de même impressionné par la quantité d'arbres que pouvait contenir une forêt. Il passa donc toute l'après-midi allongé dans la charrette à regarder les rayons du soleil percer entre les cimes des arbres jusqu'à ce que les racines de ces derniers rendent la route inconfortable pour quiconque se tenant dans la charrette.
- On devrait s'arrêter là pour aujourd'hui Conseilla Kuwa. Le chemin commence à être difficile à pratiquer pour les chevaux
- On y est presque, répondit Ozan. Si on se dépêche, on pourra y être avant la nuit.
- On est au milieu de nulle part gamin. Il devrait pas y avoir au moins un petit chemin, des villageois ou je ne sais quoi... ?
- J'avoue qu'il n'y a même pas une petite brise marine renchérit Ylva. Bizarre pour un village de pêcheurs.
- Oui c'est normal, faites-moi confiance répondit-il en scrutant les alentours
- Ouais en gros on est paumés quoi, renchérit Nochi en haussant les épaules
- Mais non. J'vous dit que je reconnais le coin.
Kuwa arrêta la charrette...
- Ecoute, sans méchanceté, je ne vois pas comment tu pourrais reconnaitre quoi que ce soit ici sachant que tu n'es pas venu depuis des années et que y'a que des arbres et des rochers aux alentours.
- Je comprends pourquoi les anciens du village disent que les Baru sont stupides malgré leurs avancées, rétorqua Ozan. La nature est vivante, son mana est identifiable, chaque lieu est unique et reconnaissable.
Flore s'approcha alors et posa sa main sur l'épaule d'Ozan.
- Je pense qu'on devrait continuer, même moi je sens que cet endroit est spécial.
- Kuwa soupira, comme vous voulez... Mais je vous laisserai vous débrouiller quand il faudra monter le camp de nuit dans le noir complet.
Ils reprirent alors la route, avançant tant bien que mal à travers ce dédale boiseux.
La nuit venait de tomber quand Ozan s'exclama
- C'est là ! Ça y est on est arrivés au village. J'en étais sûr ! Qu'est-ce que je vous avais dit ?
Ozan avait sauté de la charrette et entamé une petite danse de la victoire.
- Euh Ozan ? Intervint Ori. Un silence gênant s'était installé dans le groupe... C'est juste une petite grotte ça.... y'a pas de village. On voit même le mur du fond....
- Laisse tomber petit, enchaina Kuwa il a mangé trop de champignons...
Ozan se retourna vers eux, une lueur de défi dans le regard.
- Ah ouais ? Et ça c'est quoi ?
Il s'avança jusqu'au fond de la grotte, posa sa main contre la paroi et ferma les yeux. Puis dans la faible lueur de la lune, la paroi rocheuse ondula comme une vague dans un léger bruit.
- Ah ha ! S'exclama-t-il d'un ton moqueur. “Nan, mais il sait pas de quoi il parle, il est complètement fou, après tout c'est pas comme si sa famille habitait là-bas, il a aucune idée de comment y aller...”
Flore pouffa de rire. Il faut admettre qu'il avait raison
- Comme d'habitude finalement ! Mais soit ; je suis beau joueur, j'accepte tes excuses si tu t'agenouilles devant moi vieux cyborg
- Et puis quoi encore... Heureusement que t'as fini par t'y retrouver sinon tu remplaçais le sanglier d'hier soir sur la broche.
- En parlant de sanglier je serais pas contre un bon repas chaud ! coupa Nochi
Ils traversèrent alors tous cet étrange portail de pierres.
De l’autre côté se trouvait un petit sentier en plein air, éclairé par des torches plantées de part et d’autre de ce dernier. L’air y était frais et iodé, et on pouvait voir clairement la lune, complètement dégagée de tout feuillage. Le groupe était complètement bouche bée. Il faisait face à l’entrée d’un petit village de pêcheurs, illuminé de toutes parts par des lanternes accrochées aux murs de cabanons en bois. Ori bégaya
- Mais on vient de... fin... la forêt...
- C’est la magie des Magus ! S’exclama Ozan en écartant les bras. Foncez droit dans un rocher au beau milieu d’une forêt et retrouvez-vous au bord de l’eau dans un petit village.
Il reprit à voix basse
- Enfin n’essayez pas ça au hasard hein, les entrées ne sont trouvables et ouvrables que par des Magus
- Je suis vraiment curieux de savoir comment vous faites ça. Continua Kuwa intéressé.
- Pour ça il faut écouter la nature, et pas la détruire ! C’est là-dessus que se base notre magie. Normal que vous y arriviez pas vous qui minez partout.
Le jeune garçon avait lancé un regard accusateur au général puis se retourna en direction du village, avançant d’un pas léger.
- Maintenant il faudrait que je puisse parler à mon oncle sans avoir à réveiller tout le village.
Il avança alors jusqu’aux premiers cabanons, quand une silhouette avança dans sa direction en titubant.
- Ozan ? C’ti ?
Un vieil homme à la longue barbe grisonnante et au crâne dégarni s’avança à la lueur des torches alors que le groupe rejoignait le jeune magus. Il avait du mal à tenir debout et avait dans sa main droite une amphore dont un arôme fort et inconnu émanait. Il écarta les bras en direction d’Ozan qui esquissa une grimace, visiblement mécontent de tomber sur lui.
- Oh m’garçon c’ti super q’ti viennes nous voir ! Mais ti d’vais pas être en voyage au bout du monde ? S’interrogea-t-il avec un fort accent.
- Si Harold, répondit-il en faisant signe au vieillard de parler moins fort. Je viens juste voir mon oncle rapidement, je resterai pas longtemps. Mais si tu pouvais éviter de réveiller tout le village ce serait pas mal.
Harold mit son index devant sa bouche en signe de silence, lâchant au passage l’amphore qui vint se briser au sol
- Oh b’sang la bourbe ! S'exclama ce dernier si fort, qu’on aurait certainement pu l’entendre à travers le portail.
- Shhhhhhh !!! Ozan enfoui sa tête dans ses mains en soupirant.
Ylva s’approcha alors de lui
- Tu veux que je m’en occupe ?
- Non non ne t’en fais pas, c’est juste Harold... Dès qu’il met pied à terre il prend une amphore avec lui car je cite : “L’eau me manque, il me faut du liquide”... On a beau lui expliquer que l’alcool et l’eau c’est pas pareil il continue jour et nuit.
Harold s’était penché pour essayer de ramasser les morceaux de terre cuite mais avait trébuché dans un bruit sourd.
- Bon Harold, content de t’avoir vu mais je dois aller voir mon oncle, en espérant qu’il ne dort pas déjà.
- Ouch, t’inquiète po va. Il do’être en train d‘disciter avec lis autres sur les quais.
- À cette heure-ci ? Mais de quoi ils parlent ?
- C’ti lis boto, ils disporaissent d’un coup.
Ozan fronça les sourcils, intrigué par ce qu’il venait d’entendre.
- Venez. On va voir ce qu’il se passe.
- Si ils n’ont plus aucun bateau je ne vois pas trop comment ils pourraient nous en prêter un, marmonna Kuwa.
- On va déjà voir ce qu’il se passe, on peut peut-être les aider, proposa Flore.
- Malheureusement mademoiselle, répondit Ylva, on n’a pas beaucoup de temps devant nous pour les aid...
- Moi j’aimerais bien rencontrer la famille d’Ozan, dit Ori. Et puis si on peut aider au passage c’est pas plus mal.
- Crois moi Ori, t’as pas envie de passer du temps avec eux. Quoique mon oncle est plutôt cool à sa manière.
- Super ! Allons voir ça.
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