Le soleil illuminait de ses rayons la terrasse du manoir Sait Halim d'Istanbul, où se pressaient des invités de la haute société turque, triés sur le volet.
Coupes de champagne à la main, ils devisaient en admirant la vue sur le Bosphore, tandis que le personnel s'agitait pour s'assurer de la perfection de la réception.
De part et d'autre d'une immense pelouse, étaient disposés des bancs et au centre, trônait une arche recouverte de roses blanches, symboles de pureté et de franchise.
Ce décor idyllique avait été pensé par Orhan pour marquer cette journée chère à son cœur.
Devant Dieu et les hommes, il allait unir son destin à celui de la femme qui partageait sa vie, Lütfen.
Son frère aîné Ömer contemplait l'assemblée, attendant les futurs mariés qui avaient fait le choix de partager avec leurs proches ce jour qui promettait d'être inoubliable.
Héros d'une romance qui semblait impossible, Orhan et Lütfen venaient de milieux différents et avaient réussi, contre toute attente, à déjouer les pronostics qui donnaient peu de chance à leur histoire.
•••
Le caractère singulier de cette idylle, entre l'héritier du conglomérat Iyi Yogurt et une simple roturière avait retenu l'œil des journalistes qui s'étaient pressés pour couvrir le mariage de l'année.
Pour célébrer leur union, les tourtereaux avaient fait le choix d'une cérémonie moderne, proche des standards occidentaux, pour éviter à la jeune femme le poids de certaines traditions, elle qui avait grandi sans famille, dans un orphelinat.
Ainsi, ils ne s'étaient pas vus avant la cérémonie et avaient passé la veille la journée chacun de leur côté.
Tiré à quatre épingles dans son costume de créateur, Ömer attendait, agité, à côté du représentant de la municipalité que les tourtereaux fassent leur entrée.
Il n'avait pas vu Orhan depuis la veille, après un enterrement de vie de garçon bien arrosé.
Il regarda nerveusement sa montre, car, s'il était d'usage que la mariée se fasse désirer, son frère, en revanche, était à cheval sur la ponctualité et avait pourtant près d'une demi-heure de retard.
Il héla l'une des employées à qui il demanda ce que faisait Orhan et Lütfen, d'autant qu'il commençait à percevoir des murmures dans l'assistance.
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Ne la voyant pas revenir plusieurs minutes plus tard, Ömer entra à son tour dans le manoir, sous les regards intrigués des invités.
Le cri glaçant qu'il poussa peu après plus tard déchira le silence.
Un groupe d'invités courut à sa suite pour lui porter secours et le trouvât rapidement dans l'une des suites à l'étage.
En entrant, ils eurent l'impression d'assister à un mauvais film : l'employée de maison était pétrifiée, incapable de bouger, la pièce était sens dessus dessous et Ömer secouait son frère en vociférant :
— Réveilles-toi et dis-moi ce que tu as fait ! Orhan ! Qu'est-ce qui s'est passé ?
Affalé sur le lit de la suite, Orhan était couvert de sang et sentait l'alcool à plusieurs mètres.
Eberlué, il n'avait pas l'air d'appréhender la situation et semblait hagard.
— Öm ... Ömer ? Euh ..., je dormais c'est ce que font les gens la nuit ! Et puis, qu'est-ce que tu fais ici d'ailleurs, je suis en retard ? J'ai mis mon réveil pourtant ...
Ömer asséna à son frère une gifle retentissante.
•••
— Ton réveil ? Tu te fous de ma gueule ?!? Qu'est-ce que tu as fait à Lütfen imbécile ?
— Lâches-moi ! Lulu ? Elle doit être en train de se préparer pourquoi ?
Ce n'est que lorsqu'il tenta de se dégager de l'emprise de son frère, qu'Orhan prit conscience de son environnement.
Autour de lui les meubles étaient renversés, les murs et les tapis maculés de tâches de sang et trois de ses invités le dévisageaient comme s'il était le Diable incarné.
Encore ivre, il ne parvenait pas à rassembler ses souvenirs et décida de chercher sa fiancée.
Il repoussa Ömer et ouvrit à la volée la porte de la salle de bains :
— Lütfen, arrêtes de jouer. Ça suffit, ta blague n'est pas ...
Il ne peut terminer sa phrase car il s'évanouit sous le choc en voyant l'état de la pièce.
•••
Quand il reprit ses esprits, il était tenu en joug par des policiers, qui le menottèrent avant de lui lire ses droits :
— Vous êtes en état d'arrestation pour le meurtre présumé de Lütfen Yilmaz. Vous avez le droit de garder le silence. Si vous renoncez à ce droit, tout ce que vous direz pourra être et sera utilisé contre vous devant une Cour de Justice.
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