Après plusieurs jours de pluie, le soleil pointe enfin le bout de son rayon. Les feuilles de la forêt, encore pleines de gouttes, renvoient de minuscules arc-en-ciels qui s'entremêlent pour former un plafond irisé au-dessus de la tête d'Aeris. Enfermée de force pendant bien trop longtemps, elle redécouvre avec bonheur la chaleur du soleil et les odeurs de pluie qui lui plaisent tant. Ses deux compagnons à fourrure, sentant le moral de leur amie augmenter, sortent leur museau et se posent sur ses épaules pour faire une sieste bien méritée.
Quelle vision que celle de ces trois-là! Aeris, boiteuse, couverte de cicatrices et de sang séché, un oeil à demi fermé d'avoir pris trop de coups, son fléau pendant au bout de son bras et un grand sourire un peu édenté aux lèvres; Rahar, le petit gris, avec un morceau de queue en moins; et Gründ, le gros blanc, qui a perdu un oeil dans une bataille contre un chien de chasse très malpoli qui voulait manger son ami, rentrent chez eux après deux longues années de captivité aux mains d'un groupe d'esclavagistes de Stargh.
"Eh bien mes amis, nous voici rentrés..."
En arrivant en vue de la maison dans laquelle elle a grandi, Aeris ne peut retenir quelques larmes. Son long calvaire est fini. Sa mère, jetant un oeil par la fenêtre et voyant une guerrière inconnue approcher, s'arme d'une solide casserole et d'un marteau et ouvre la porte.
"Qui êtes-vous? Que voulez-vous? Dégagez de ma pelouse!"
L'absence de sa fille, et de son père parti la chercher, a changé le caractère de cette femme douce et timide au coeur ouvert. Les difficultés de vivre seule et l'inquiétude pour ceux qui lui sont chers l'ont endurcie.
Aeris aussi a beaucoup changé pendant sa captivité. D'un naturel réservé et craintif, elle a dû se battre chaque jour pour survivre, surmonter ses peurs et ses désavantages pour devenir la meilleure danseuse du Carré des Voiles, la meilleure guerrière du Cercle de Sable, et surtout la plus grande gueule de l'enclos des esclaves. Car le plus dur n'était pas de survivre aux épreuves imaginées par des maîtres idiots et cruels, mais bien à ses compagnons d'infortune, qui voyaient dans l'infamie et la vilenie le moyen de supporter l'horreur de leur situation.
"Maman..."
C'est à peine plus fort qu'un murmure, et pourtant ce simple mot résonne aux oreilles de Mura comme une cloche de bronze. Ses yeux s'agrandissent sous le choc et elle distingue, sous les traces du calvaire qu'elle a subi, le visage de sa petite fille qu'elle croyait perdue. Elle avance une main tremblante vers le visage d'Aeris qui, de soulagement, de fatigue et d'émotion, choisit ce moment précis pour s'évanouir.
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