Mura est inquiète. Elle ne sait pas ce que Aeris est allée faire chez le médecin, et sa fille est restée très silencieuse en rentrant. Les rats avaient l’air hagards, ils avaient le même regard que le premier jour, quand ils sont arrivés.
Ce n’était clairement pas une visite de courtoisie, et au vu de l’état des trois amis, ce n’était pas non plus une partie de plaisir. Bien sûr qu’elle a remarqué les changements dans leur comportement, leur façon de sursauter à chaque bruit fort, leurs yeux qui se perdent parfois dans le vague ; bien sûr qu’elle entend les cris et les couinements au milieu de la nuit. Mais elle ne les comprend pas, et comme personne ne lui explique, elle ne sait pas comment réagir. Alors Mura essaie de masquer son inquiétude en forçant sa fille à sortir, à marcher et à rencontrer les autres habitants du village, disant que ça lui ferait du bien de prendre l’air.
Aeris n’ose pas dire à sa mère que ce qu’elle veut c’est de ne voir personne, et de reprendre les exercices qu’elle faisait tous les matins au lever. A force de ne pas les entraîner, elle a peur de perdre ses muscles et ses réflexes, et de se retrouver à nouveau vulnérable si un autre évènement venait à se produire. Elle ne veut plus jamais se sentir faible. Mais Mura déteste ces exercices, et les lui a interdit tant qu’elle ne serait pas complètement rétablie, même si le médecin a donné son autorisation.
Les deux femmes n’arrivent pas à communiquer et leur relation se fait plus distante malgré l’affection qu’elles se portent. Elles sentent que cela leur fait du mal mais ne savent pas comment régler le problème : chacune pense avoir raison et agir pour le mieux, et le fait que Aeris cache à Mura la vraie raison de sa visite chez le médecin n’arrange pas les choses.
Quand Mura est inquiète, elle va aider les paysans. Les récoltes sont terminées mais il reste beaucoup de choses à faire, son aide est donc la bienvenue. Travailler de ses mains l’aide à faire le tri dans ses pensées, mais cela ne suffit pas : tant qu’elle et sa fille n’auront pas parlé, le fossé qui s’étend entre elles ne fera que se creuser de plus en plus, et l’inquiétude de Mura avec.
Même Tobias ne parvient pas à la rassurer, malgré sa présence amicale et ses sourires d’encouragement. Il ne comprend pas plus que son amie la cause des réactions d’Aeris ni de son silence, les attribuant au temps trop long passé loin du village et de ses habitants. “Moins on parle aux gens, moins on sait quoi leur dire.”
Mura, elle, culpabilise. L’explication de Tobias, bien que sensée, ne suffit pas, et elle s’imagine que c’est à cause de son insistance à entendre leur histoire le lendemain de leur arrivée, et de la fête qu’elle a organisée, que les rescapés se sont éloignés d’elle. Elle ne peut pas concevoir que les exercices qu’Aeris veut faire tous les matins puissent lui faire du bien, elle refuse de croire que sa fille veuille faire quoi que ce soit qui puisse lui rappeler les deux dernières années. Y penser, en parler, revivre l’expérience, ne peut faire que du mal, n’est-ce pas? Il faut oublier et passer à autre chose.
Aeris profite de l’absence de sa mère pour aller dans une clairière proche de leur maison avec les rats, dans le calme et la solitude, et essayer de faire quelques exercices d’étirement. Elle ne peut mentir à sa mère, et donc les entraînements au combat lui sont pour l’instant inaccessibles. Mais Mura ne lui a jamais interdit de s’étirer.
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