“Mura! Mura, nom de nom, où es-tu passée?”
Tobias, Aeris et un groupe de volontaires ont passé la soirée et la nuit à chercher Mura, sans succès. Tous les buissons, tous les arbres, tous les sentiers proches de la maison et de la clairière ont été fouillés, tous les lieux qu’elle affectionne, jusqu’aux greniers et aux caves des maisons vides, mais elle reste introuvable. A court d’idées, épuisée et la jambe douloureuse, Aeris se laisse tomber sur une racine proche et se laisse aller à la panique.
“Je ne sais plus quoi faire, Tobias. On a cherché partout. Et s’il lui était arrivé malheur? Si elle s’était cassé quelque chose, si elle avait été enlevée, ou pire? Il faut la retrouver, je dois retrouver ma maman, Tobias, je t’en prie, dis-moi qu’on va la retrouver!”
Elle ne peut s’empêcher d’imaginer les pires des scénarios, devant ses yeux défilent des images qu’elle refuse de voir mais ne peut effacer : sa mère, enchaînée, traînée vers Stargh; sa mère une jambe brisée, au fond d’un trou couvert de broussailles, appelant au secours, ses cris étouffés et perdus dans le silence de la forêt; sa mère, allongée, inanimée…
“Non!”
Elle ne s’est même pas aperçue que ses yeux se sont fermés d’eux-mêmes, tout comme elle n’entend pas les grondements de son estomac vide ni ne sent la douleur de plus en plus forte de sa jambe blessée. Ce n’est vraiment pas le moment de se laisser aller à écouter son imbécile de corps, sa mère est en danger! Aeris se relève et tente de repartir, elle ne sait où mais il le faut, elle ne supporte pas de rester là les bras croisés alors qu’elle devrait être en train de retourner chaque motte de terre de cette fichue forêt.
Elle ne saura jamais comment elle s’est retrouvée étalée par terre, ni à quel moment elle a perdu connaissance. Son imbécile de corps, semble-t-il, a atteint ses limites. C’est frustrant! Le médecin, bien entendu, fait partie du groupe de volontaires rassemblé pour chercher la disparue, et intime à Aeris de rester allongée, de manger et de se reposer.
“Vous n’irez nulle part dans cet état, il vous faut de l’énergie. Vous en demandez trop à un corps blessé, qui de plus a travaillé toute la journée d’hier. Et la panique, il n’y a rien de plus épuisant. Mangez, dormez, et reprenez s’il le faut vraiment vos recherches cet après-midi. Vous n’êtes pas seule, Aeris, à vouloir retrouver Mura. Nous pouvons nous passer de vous quelques heures.”
Après avoir péniblement réussi à rejoindre la maison la plus proche, qui s’avère être celle de Borvo, un ami de Kameno, et lui avoir exposé la situation, Aeris et les rats grignotent sans appétit une tartine de pâté accompagné d’un thé au miel et vont se coucher sur le lit vide de leur hôte. Ils sombrent dans un sommeil agité, couinant et gémissant à intervalles rapprochés mais irréguliers, leurs cauchemars un mélange de souvenirs douloureux et de ce que leur inquiétude pour Mura forme comme visions d’horreur dans leur imagination.
Sentant une main sur son épaule, ses réflexes la font se mouvoir alors même que son inconscient laisse la place à la conscience. Lorsqu’elle ouvre les yeux, elle a un couteau à la main et posé sur la gorge du vétérinaire venu leur donner des nouvelles.
“Aeris, réveillez-vous!”
Repoussant le couteau, le vétérinaire se lève et pose sur ses patients, dans une posture offensive, un regard inquiet. Même épuisés, leur premier réflexe est de se battre, et cela lui fait plus de peine qu’il ne voudra l’admettre. Les pauvres sont bien loin d’être guéris…
“On a retrouvé Mura...”
Sans laisser à son interlocuteur le temps d’en dire plus, Aeris attrape Gründ et suit Rahar, déjà parti en courant vers la sortie, la truffe levée à la recherche de l’odeur de celle qu’il espère revoir en un seul morceau.
Aeris retrouve sa mère chez le médecin, allongée sur le lit qu’elle-même occupait quelques jours plus tôt, les traits tirés et les yeux rougis de chagrin et de fatigue. Elle a erré toute la nuit sans savoir où elle allait et sans s’en soucier, et on l’a retrouvée au milieu d’une clairière, hagarde et perdue. Elle s’est endormie dans les bras de Tobias dès qu’ils sont sortis de la clairière, et vient tout juste de se réveiller, désorientée, chez le médecin.
“Maman…”
De joie, de soulagement, de chagrin, et d’un mélange d’émotions trop complexe pour être défini, Aeris sent sa gorge se serrer et ne peut résister au besoin urgent de prendre dans ses bras cette mère qui la rend folle mais qu’elle aime profondément.
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