Mura, après avoir préparé le café du matin, a décidé de faire une charlotte aux fraises. Peut-être qu’un gâteau calmera les envies d’aventures de sa fille, ou en tous cas leur permettra de mettre au clair cette situation qu’elle commence à ne plus pouvoir supporter. Rahar s’est assis sur le plan de travail pour observer et prend grand soin de ne pas laisser trainer ce qu’il lui reste de queue trop près des ingrédients, de peur de se faire bannir de la cuisine. Mura l’en a menacé lorsqu’elle a attrapé l’appendice au lieu des biscuits cuillères, provoquant les couinements paniqués d’un rat qui a vu de beaucoup trop près un bol empli de café. Les gestes saccadés et quelque peu désordonnés de son amie l’hypnotisent, lui qui n’a jamais vu de sa vie quoi que ce soit s’apparentant à de la pâtisserie. Il est absolument fasciné par la gélatine. S’il n’avait si peur des conséquences, il serait allé voir de plus près le processus, mais le risque est trop grand et il attend sagement de voir ce qu’il va se passer...
“Je suis désolée, Rahar, tu dois être tellement déçu du résultat! Je dois t’avouer que, malgré tous mes efforts, je n’ai jamais réussi à faire une charlotte qui ressemble à une charlotte. Elles s’effondrent toutes. Je voulais faire quelque chose de spécial pour Aeris, et t’impressionner au passage, mais je suis vraiment trop nulle en pâtisserie. Tant pis, j’imagine que ce sera bon à défaut d’être beau! Tu veux bien aller réveiller ma fille, pour qu’on puisse y goûter et discuter avant que vous n’alliez voir le médecin?”
Rahar n’est pas déçu, bien au contraire! Il a pu assister à la transformation de quelques fraises et biscuits en un gâteau qui, même s’il ne ressemble à rien de ce qu’il connaît, sent délicieusement bon! Il est très reconnaissant à Mura de l’avoir laissé observer ce tour de magie, et estime qu’il peut bien en retour lui rendre quelques services. Il va donc, après avoir amicalement léché les doigts encore pleins de fraises de son amie, réveiller Gründ et Aeris.
“Maman, même si c’est un gâteau, ça s’appelle tout de même une tentative de corruption… Et ce n’est même pas le bon gâteau pour ça.”
Aeris sourit en s’asseyant à table, une tasse de café chaud et sucré à la main. Le café de sa mère pourrait réveiller un comateux, mais elle lui est reconnaissante d’en avoir préparé pour elle malgré leur dispute d’hier. Rahar vient fourrer son museau dans sa main libre pour lui signifier son affection, et elle caresse presque machinalement la douce fourrure du petit animal qui l’a réveillée en lui mordillant gentiment le bout de l’index. Lorsque c’est Gründ qui la réveille, c’est avec des coups de queue sur le bras. Des deux rats, Rahar est le plus délicat et Gründ, plus pataud, est aussi plus protecteur. Elle les connaît par coeur et leur bien-être est aussi important à ses yeux que le sien propre.
“J’espère que Rahar ne t’a pas trop empêchée de dormir cette nuit, je sais qu’il a tendance à couiner et remuer dans son sommeil quand il ne dort pas dans ma main. Il a dormi dans la tienne? Décidément, il doit t’aimer beaucoup pour te faire autant confiance. Il n’a pas essayé de manger les fraises avant que n’aies eu le temps de finir de les préparer, au moins? Il ne résiste pas à une fraise bien juteuse.”
Mura, attendrie par ces marques d’affection et heureuse qu’Aeris soit si bien entourée, apporte sur la table sa tentative de charlotte et en offre le premier morceau à Rahar et Gründ, qui partagent une assiette. Le petit-déjeuner se déroule dans un silence plein de tendresse, ponctué par les bruits de couverts et de petites dents de rats qui n’en reviennent pas de leur chance. Gründ ne se souvient même plus de la dernière fois qu’il a mangé quelque chose d’aussi bon… Ah, si, ça lui revient. Les crêpes. Il décide qu’une femme qui fait d’aussi bonnes sucreries ne peut être que parfaite, et mord gaiement dans une fraise en observant sa bienfaitrice. Elle a l’air fatiguée, elle ne doit pas avoir beaucoup dormi cette nuit. Et elle semble vraiment inquiète pour sa fille.
“Maman, tu m’accompagnerais chez le médecin cet après-midi? J’aimerais que tu assistes à cette séance, et que tu sois présente lorsqu’on organisera notre départ. Je peux comprendre que tu préfères rester au village avec Tobias, mais tes talents d’organisatrice nous seraient d’une aide précieuse.”
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