On fait un saut vers 2003. L’alcoolisme de mes parents s’est estompé avec le temps, j’ai grandi. J’ai presque fini l’école et en lisant La Sagouine et Mariaagélas, je trouve même ça badass d’avoir un bootlegger comme oncle! Un vrai personnage de roman pour une nerd qui rêve déjà d’écrire des romans!
Et justement, ce vieil oncle est mort comme un personnage de roman, ou du moins comme un personnage de ces films fantastiques qu’il aimait tant: parti observer des oiseaux à sa cabane dans le bois avec ses jumelles, qu’il appelait “ses longues-vues de pirate”, on l’a trouvé mort, cinq minutes plus tard, en face de sa cabane un 18 juin, soit la fin de semaine même ou j’obtenais mon diplôme.
Et encore une fois comme dans un film, le matin de ses funérailles, un homme de ma famille qui a couché chez nous s’est levé, digne comme un prince et sans colère aucune, a mis pour la première fois un mot clair ou courageux sur les “t’sait...” opaques qu’on entendait au village comme des rapports d’ovnis.
-”Mononc, y m’a violé”
Et les vannes étaient ouvertes. Plus de “Tu l’sait...”, plus d’allusions. Deux hommes de ma famille m’ont admis avoir été victimes de cet oncle. D’autres rumeurs, “patchées” ensemble a partir de ces réponses opaques qu’on donne dans un village, font même état de pornographie infantile, trouvées dans sa maison après sa mort et filmés avec la même caméra que ce fameux réveillon de Noel. Ça m’étonnerait qu’il n’ait fait que trois victimes.
Et pourtant, aussi tard qu’en 2010 je trouvait encore le moyen de dire ces mots qui me font grincer des dents: “Y’a fait des choses horribles, mononc’, mais c’était un bon gars pareil”.
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