“Je peux vous servir quelque chose madame ? Euh, monsieur ?... Euh …”

Un jeune homme se tenait devant Lys. Si ses cheveux bruns ébouriffés et son teint mat laissaient entrevoir des origines méditerranéennes, ses yeux vairons, un brun et un vert, lui donnaient un profond charisme. Enfin, un charisme un peu entravé par une petite maladresse verbale semblait-il.

“Monsieur ou madame, à votre convenance”, pouffa Lys. “Je pense que je vous prendrais un thé Earl Grey, ainsi qu’une tartelette à l’abricot, s’il vous plaît.”

“C’est noté, euh, madame, je vous ramène ça de suite !” bredouilla le serveur avant de se diriger vers le bar, maudissant son élocution douteuse.

Lys souriait. Cet endroit avait tout pour plaire. Il commença à sortir ses affaires de son sac, et entreprit de réaliser ses fiches.

Non-binaire. C’est comme cela que Lys se qualifiait. Il acceptait n'importe quels pronoms, masculins, féminins, neutres, tout lui allait. Son apparence parfaitement androgyne, et sa voix assez claire semait le doute et la confusion chez autrui. Il s’amusait parfois de l’hésitation des uns et des autres, à savoir “monsieur, madame ou autre ?”. Mais ce n’était pas si simple tous les jours, se prenant des remarques discriminantes ci et là, “pédale”, “travelo”, “tafiole”, “enculé de petit pédé”, on en passe et des meilleures … Ce n'était pas facile. Mais il était heureux comme ça. Surtout qu’il avait Alexis, son meilleur soutien. Sa transidentité ne l’épargnait pas non plus, si ce n’est encore moins, mais elle se montrait solide comme un roc, chaque insulte renforçant sa carapace, et aidait Lys dans cette voie.

Le serveur revint quelques minutes plus tard, avec le thé et une tartelette sur un petit plateau. Après l’avoir remercié, Lys goûta la pâtisserie. Même si elle avait l’air d’avoir été faite deux jours avant, le goût y était, l’authenticité aussi. Le thé était également très bon. Ledit thé était accompagné d’un petit spéculos et d’un carreau de chocolat noir. L’écossais savourait ce petit goûter, fort apprécié après sa journée de cours. Il continua ses fiches, et commençait sa dernière quand sa montre indiquait 18h40.

Il se leva. Avec le bon timing, il serait rentré à son appartement vers 19h. Il sortit son mobile, et nota le café sur Google, 4/5. De sa part, c’était une excellente note. Il évaluait chaque lieu public qu’il fréquentait, et les notes ne dépassaient que rarement 3. Pour lui, 5 était la note parfaite, le meilleur endroit au monde. Même si ce café était le meilleur qu’il ait fréquenté à Nantes, il était encore loin de ceux qu’il avait connus à Glasgow.