Le brouhaha du marché me tira lentement du sommeil, les bruits de conversations animées et les éclats de rire créant une ambiance chaleureuse mais nouvelle pour moi. J’ouvris doucement les yeux, encore enveloppée dans la douceur du chariot du marchand.
Kumo était enroulé en boule contre moi, son ventre montant et descendant de manière régulière, mais même son sommeil paisible semblait perturbé par l'agitation autour de nous. D’un coup, ses oreilles se redressèrent et ses yeux s’ouvrirent d’un coup.
“ Je n’ai jamais été au marché auparavant, c’est à ça que ça ressemble alors ? ” murmurai-je, émerveillée par ce que je percevais à travers les parois du chariot.
“ Nya ! Tu n’as jamais été au marché ? Chatperlipopette ! ” s’exclama Kumo, visiblement surpris.
Nous sortîmes du chariot, attirés par l’effervescence qui emplissait l'air. Devant nous, le marché se déployait en une mer colorée de stands bariolés, où des tissus flottants dans le vent, des étals débordant de produits exotiques, et des lumières chatoyantes créaient une scène à la fois animée et fascinante. C’était comme si le monde entier se réunissait ici pour échanger, rire et vivre ensemble. Mon cœur battait fort d'excitation.
Je posai mon regard sur le marchand qui, à quelques pas, avait déjà installé son stand de vêtements. Cependant, contrairement à l’ambiance animée, il semblait morose, la tête basse et les épaules affaissées.
“ Bonjour Monsieur ! ” lançai-je avec un sourire.
“ Ah, vous êtes réveillés, les jeunots. Bien dormi ? ” demanda-t-il d’une voix douce, tout en forçant un sourire.
“ Oui, grâce à vous. Je vous remercie énormément ! ” répondis-je avec enthousiasme.
Kumo, quant à lui, avait un autre besoin plus immédiat en tête.
“ Dites m’sieur, vous n’auriez pas un petit quelque chose à mettre sous la dent ? Je vais mourir de faim, nya ! ” plaisanta-t-il en se frottant le ventre.
Le marchand eut un léger rire et nous tendit une petite assiette contenant des friandises étranges mais appétissantes, d’un violet brillant et parsemées de petits éclats dorés.
Je pris une bouchée, et mes yeux s’ouvrirent de surprise.
“ C’est tout simplement miaoulicieux ! ” s’exclama Kumo.
“ Le goût est incroyable ! D’où vient cette recette ? ” demandai-je, impressionnée.
“ Content que ça vous plaise, les gamins. ” répondit le marchand avec un sourire un peu plus sincère cette fois, mais je remarquai que son regard se perdit un instant, trahissant une certaine tristesse. Cela me troubla.
“ Monsieur, y a-t-il quelque chose qui ne va pas ? Vous sembliez préoccupé tout à l’heure… ” lui demandai-je doucement, mon inquiétude grandissant.
“ Ah, ce n’est rien… C’est juste que… comme dans d’autres villages, ici non plus, je n’arrive à rien vendre. Mes vêtements ne semblent plaire à personne… ” avoua-t-il, l'air abattu.
Je jetai un coup d'œil aux vêtements en vente sur son étal. Ils étaient bien faits, avec des matières soyeuses et des couleurs vives, mais il manquait quelque chose, une touche qui capterait l’attention dans ce marché plein de merveilles. Une idée me traversa l’esprit.
“ Monsieur, puis-je apporter quelques modifications ? Je pense savoir comment attirer le public. ” proposai-je timidement.
Il sembla surpris, mais hocha la tête.
“ Eh bien, si tu as une idée en tête, ce n’est pas de refus. ”
Je pris quelques vêtements en main, des robes légères, des capes aux motifs classiques, et avec un peu d’imagination, je commençai à y ajouter des broderies, des détails dorés ici et là, des boutons plus originaux, des accessoires assortis qui apportaient une touche unique et moderne. Chaque pièce était ainsi transformée pour devenir plus éclatante, plus captivante.
“ Tu sais ce qu’elle compte faire ? ” demanda le marchand à Kumo, intrigué.
“ Nyan, mais dès qu’elle fait quelque chose ça finit toujours bien. Faites-lui confiance. ” dit-il en finissant la dernière bouchée de sa friandise.
Petit à petit, des passants intrigués commencèrent à s’approcher, observant les vêtements que je retouchais avec curiosité.
“ Excusez-moi, puis-je essayer ce chapeau magnifique ? ” demanda une dame en pointant l’une de mes créations.
“ Oh mon dieu, c’est splendide ! En avez-vous d’autres ? ” s’exclama une autre.
En un clin d’œil, le stand, qui était auparavant ignoré, se retrouva submergé de clients. Le marchand, d’abord incrédule, se mit rapidement au travail, vendant ses vêtements à un rythme effréné. Kumo l'aida à empaqueter les articles tandis que je continuais d’apporter des touches finales aux pièces restantes, essayant de suivre la cadence.
En quelques heures, tout le stock du marchand était épuisé. Le marchand, d’habitude assis et patientant, était désormais débordé, mais un sourire radieux éclairait son visage.
“ Je ne sais pas quoi vous dire… C’est la première fois qu’on me dévalise tout, et en si peu de temps. ” dit-il, la voix tremblante d’émotion, presque au bord des larmes.
“ C’était amusant, je dois l’avouer. J’ai beaucoup aimé retoucher vos vêtements. ” répondis-je avec un sourire.
“ Moi je suis exténué, nya ! ” grogna Kumo en s’écroulant au sol, provoquant un fou rire entre le marchand et moi.
Notre rire fut soudain interrompu par un cri perçant, profond et effrayant, venant des cieux. Kumo et moi nous figèrent.
“ Chatperlipopette ! Le Gardien ! ” s’exclama Kumo.
“ La marmotte a finalement décidé de se réveiller, on dirait… ” murmurai-je, le cœur battant.
Je savais ce que cela signifiait. Nous devions partir, vite.
“ Je suppose que vous proposer de travailler avec moi est inutile ? ” demanda le marchand avec un sourire triste, comprenant la situation.
“ Oui… Je suis navrée, monsieur. ”
“ Pas de problème, jeune fille. Je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu as fait aujourd’hui. ”
Le marchand, un sourire mystérieux aux lèvres, s’approcha de nous et sortit quelque chose d’un sac en toile. C’était une petite statuette de chat, pas plus grande que ma main, sculptée avec soin dans du bois sombre.
Je la pris dans mes mains, observant les détails minutieux. Le chat, assis dans une posture élégante, semblait presque vivant. Ses yeux, deux cristaux bleus brillants, dégageaient une lueur douce et hypnotisante. Les gravures fines sur son corps imitaient un pelage délicat, et une série de petites plumes scintillantes ornaient son dos, formant un éventail replié.
“ Oh, un Neko-vent, nya ! ” s'exclama Kumo avec admiration, ses yeux s'illuminant de curiosité.
“ Un Neko-vent ? ” ai-je demandé, intriguée. “ C’est quoi exactement ? ”
Le marchand fit un signe de tête et expliqua avec une certaine fierté :
“ C’est un artefact rare. Tourne la molette sous son ventre, et tu verras. ”
Suivant ses instructions, je tournai délicatement la petite molette dorée cachée sous le ventre de la statuette. Aussitôt, un léger vent se mit à tourner autour de nous. Les plumes du dos du chat se déployèrent en un éventail majestueux, et une plateforme cristalline bleutée apparut sous nos pieds, comme si elle avait été invoquée par magie. Elle était assez grande pour que Kumo et moi puissions nous y asseoir confortablement.
La lumière dorée qui émanait du socle de l'objet enveloppait la plateforme d'une aura protectrice, nous isolant du reste du monde, tout en faisant vibrer l'air d'une douce mélodie portée par le vent.
“ Incroyable… ” murmurai-je en admirant la perfection du Neko-vent. “ Il flotte vraiment… ”
“ Oui, et vous pourrez voler avec. ” dit le marchand en souriant. “ Il est contrôlé par vos pensées, alors n’ayez crainte, il saura vous emmener là où vous devez aller. ”
Kumo, les yeux écarquillés d’émerveillement, bondit sur la plateforme.
“ Nyahoo ! On va pouvoir échapper au gardien plus vite avec ça ! ” s'écria-t-il, surexcité.
Je souriais en le regardant. Le Neko-vent était plus qu’un simple objet, il incarnait l’ingéniosité et la magie de ce monde. Ses plumes irisées brillaient sous le soleil du marché, créant un spectacle envoûtant.
“ Je ne sais pas qui vous fuyez… ” ajouta le marchand, en rangeant calmement son sac, “ mais ceci pourra vous aider. Faites attention, les jeunots. ”
Je baissai la tête, émue par ce cadeau inattendu.
“ Merci beaucoup, monsieur. Vous nous aidez à nouveau. ” murmurai-je, reconnaissante, tout en caressant doucement la statuette qui avait rendu possible notre envol.
Nous commençâmes à nous élever dans les airs.
“ Merci encore, monsieur ! ” criai-je depuis les hauteurs.
“ Ce fut un plaisir de vous rencontrer ! Filez maintenant ! ” répondit-il en agitant la main.
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Nous partîmes, suivant à nouveau ce papillon bleu, qui continuait de nous guider, comme il l’avait fait depuis le début.
“ Au fait, où est-ce qu’il nous mène, ce papillon ? Depuis qu’on le suit, on se retrouve toujours dans des situations étranges, nya. ”
“ Aucune idée, mais tant qu’il nous éloigne du Gardien, ça me va. ” répondis-je en jetant un dernier coup d'œil derrière moi, là où l’ombre menaçante du Gardien devait encore rôder.
Mon regard s’arrêta soudain sur une masse sombre, lointaine et difforme. Quelque chose d’étrange et inquiétant…
“ Kumo, cette masse noire au loin, qu’est-ce que ça peut être ? ” demandai-je, inquiète.
“ Nye ? Aucune idée, sûrement pas le gardien. Mais vu qu’il peut voler, il nous retrouvera plus facilement dans les airs. Il faut trouver un abri sur terre. ”
Nous commençâmes à chercher du regard un endroit pour nous poser, contemplant les paysages qui défilaient sous nos pieds. Des forêts verdoyantes, des prairies illuminées par le soleil, des rivières scintillantes… tout cela semblait paisible et magnifique après ce que nous venions de vivre.
Alors que nous admirions ce décor apaisant, un petit chaton en pleurs attira notre attention, seul au milieu d’une clairière.
“ Se serait-il perdu, nya ? ” demanda Kumo, inquiet.
“ Aucune idée, mais allons voir ! ” répondis-je, alors que nous descendions pour l’aider.
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