Épuisée mentalement et physiquement, j’étais là, au sol. J'essayais de calmer mon souffle tant bien que mal, mes poumons brûlants à chaque inspiration. Mes muscles tremblaient, mon esprit vacillait, mais je devais reprendre mes esprits, ne serait-ce qu'un instant.
La pierre de vie… Elle était là, scintillant doucement. Il ne me restait plus qu’à la récupérer… à accomplir ma mission.
Quelques instants après, les grandes portes de la chapelle s’ouvrirent lentement, laissant filtrer une lumière éclatante. Je m’avançai doucement, épuisée par tout ce que je venais de traverser, mes pieds traînant presque sur le sol. La pierre de vie en main, mes doigts abîmés par les épines de la pomme de pin, je me sentais déconnectée, comme si mon esprit flottait ailleurs.
À ma sortie, une clameur assourdissante m'accueillit. Une foule de chats s'était rassemblée devant la chapelle, leurs visages rayonnants de joie et d'espoir. Ils m'acclamaient, criaient mon nom. Leur bonheur aurait dû me redonner des forces, mais tout ce que je ressentais, c'était un immense vide.
“ Yui ? Ça va ? ” demanda Kumo, ses yeux scrutant mon visage.
“ C'est que… ” commençai-je à répondre, mais mes mots furent noyés par la marée féline.
Sans prévenir, les chats m'entourèrent, heureux, m'arrachant à Kumo. Ils me soulevèrent dans les airs, m'emportant vers l'arbre millénaire avec des chants de victoire.
“ Yui ! ” s'écria Kumo, tentant de me rejoindre dans cette foule effervescente, mais il fut rapidement submergé.
Portée par les chats, je fus déposée devant l’arbre millénaire, ce colosse végétal qui dominait tout de sa majesté. Mon cœur battait à tout rompre alors que je m’avançai vers lui, la pierre de vie serrée contre moi. Je ne savais pas pourquoi je tremblais autant... peut-être à cause de la fatigue, ou de cette étrange pression qui pesait sur mes épaules.
L'endroit où insérer la pierre était dissimulé dans les racines de l'arbre. Une cavité, presque invisible, se dessina lentement devant moi, comme une invitation silencieuse. L'intérieur brillait d'une lueur douce, mystérieuse, comme si l'arbre lui-même m'appelait.
Je pris une grande inspiration et plaçai la pierre de vie dans la cavité. Tous retinrent leur souffle.
Rien.
Je me figeai, surprise. Des murmures parcoururent la foule, des regards inquiets se croisèrent.
“ Pourquoi… ça ne fonctionne pas… ? ” murmurais-je, abasourdie.
Pensant que la pierre avait mal été placée, je la retirai doucement et la remis en place, espérant cette fois un signe, une réaction quelconque. Mais rien.
“ Qu'est-ce qui se passe… ? ” entendis-je derrière moi.
“ Était-elle vraiment l'Élue ? ” questionnait un autre.
Les murmures devinrent de plus en plus oppressants. L’inquiétude des chats se transformait en déception palpable. Ils attendaient un miracle. Ils attendaient que je les sauve.
Mes mains tremblaient alors que je retirais à nouveau la pierre, la remettant encore et encore. Désespérée, je n’entendais plus que les voix dans ma tête, les reproches, les attentes.
“ S'il te plaît… ” suppliai-je à voix basse, les larmes aux yeux, priant pour que ça fonctionne.
Mais rien. Mon esprit s'embrouillait à nouveau, des souvenirs amers refaisaient surface. Les voix de mes parents, leurs reproches d’autrefois résonnaient dans mon crâne comme un écho impossible à chasser.
“ Tu n'es bonne à rien. ”
“ Tu échoues encore. ”
Ces mots m’écrasaient. Je les entendais, de plus en plus forts, de plus en plus destructeurs.
“ Pourquoi es-tu si incapable ? ”
Je sentais la panique grandir en moi, mes doigts glissants sur la pierre, incapable de faire quoi que ce soit de bien.
“ Non… Non… ” répétai-je, mes pensées se brouillant, mon souffle devenant erratique.
“ Yui ! Yui ! ” appela une voix familière, celle de Kumo, mais je ne pouvais pas l’entendre. Tout ce que j'entendais, c'était les voix de mes parents, me plongeant dans cette spirale infernale.
“ Tu échoueras encore, comme toujours. ”
Mon cœur battait de plus en plus vite, mon corps semblait m'abandonner. Soudain, le peuple des chats, comprenant que rien ne se passait, commença à paniquer. Des cris éclatèrent. Un rugissement retentit, résonnant à travers la plaine, si proche que les tremblements parcoururent le sol sous mes pieds.
Le monstre approchait. Il était là, juste derrière eux, une ombre immense qui ravageait tout sur son passage. Mais je ne pouvais pas le voir. J'étais absorbée par mon propre échec.
Mes mains commencèrent à devenir transparentes, mon corps se désintégrant lentement. J’allais disparaître, me transformer en esprit errant.
Puis, une voix douce, apaisante, s’adressa à moi. Elle était si calme, si rassurante, qu’elle coupa net mes pensées chaotiques.
“ Je sens tes peurs et ta colère, mais ton cœur demeure silencieux, Yui. ”
D’où venait cette voix ? Elle n’était pas humaine… non, elle semblait venir de l’arbre lui-même, profonde et enveloppante, comme un murmure de la nature.
Avant même que je ne puisse réagir, des bras puissants m'enlacèrent, me soulevant brusquement du sol. Je fus emportée dans le ciel.
“ Hein ? Mais qu'est-ce que… ? Seiryu ? ” m’exclamai-je en me retournant pour apercevoir le Gardien.
Derrière lui, une masse noire gigantesque se dressait. Le monstre. Il avançait lentement, détruisant tout sur son passage, ses yeux luisants fixés sur moi. Les chats couraient dans tous les sens, tentant d’échapper à la destruction.
“ Kumo ! Il faut l’aider ! ” criai-je en panique.
“ Je m’occuperai de lui après! ” répliqua Seiryu, ses ailes nous portant toujours plus haut. “ Tu dois partir avant qu'il ne soit trop tard… tes mains… ”
Je regardai mes mains et compris de quoi il parlait. Elles étaient presque transparentes, comme si mon âme, fragile, commençait à se détacher définitivement de mon corps. Ce n'était plus qu'une question de temps avant que je devienne une errante.
Seiryu vola de plus en plus haut, perçant les nuages, visant le ciel. C'était par là que j’étais tombée, alors cela devait être le portail vers l'autre monde, le fil ténu entre la vie et la mort.
“ Pitié, faites que ça ne marche pas… ” ai-je souhaité du plus profond de mon cœur, épuisée de tout.
Soudain, une barrière invisible mit fin à notre élan. Nous n'arrivions pas à traverser le ciel. Mon souhait avait été entendu. Sans m'en rendre compte, un sourire naquit sur mes lèvres. Seiryu tenta à plusieurs reprises de forcer le passage, mais rien n'y faisait.
“ Merde ! ” jura Seiryu, frustré.
Pendant ce temps, en dessous de nous, le monstre avait encore plus grossi, sa masse sombre s'étendait, et étrangement, il avait pris pour cible Seiryu et moi. Des éclats noirs, semblables à des pointes de verre, se condensèrent à la surface du monstre et furent projetés dans notre direction avec une vitesse effrayante.
Le Gardien esquiva les projectiles avec une grâce et une agilité impressionnantes, virevoltant dans les airs, me protégeant du mieux qu'il pouvait. Mais malgré son habilité, l'une des pointes noires l'atteignit à l'épaule, arrachant un grognement de douleur.
“ Bon sang... ce n’est pas bon du tout ! ” dit-il, visiblement agacé par la situation et inquiet pour le peu de temps qu’il me restait.
Il décida de descendre en urgence, rejoignant le sol où Kumo attendait, inquiet. Il me déposa près de lui, me demandant de rester à l’abri, pendant qu’il se préparait à affronter le monstre.
Je regardais autour de moi, les chats affolés, le chaos qui régnait.
Peu importe les attaques que Seiryu lançait sur la créature, le monstre semblait les aspirer, les dévorant pour en tirer plus de puissance. À un moment, une explosion se produisit à l'intérieur du monstre après qu'il ait absorbé une attaque explosive du Gardien. Et au centre de cette masse obscure, malgré l’épaisse noirceur, je distinguais une forme plus compacte, une silhouette humanoïde... comme si quelqu'un ou quelque chose contrôlait cette abomination.
Mais bientôt, le monstre détourna son attention de Seiryu, et je sentis son regard oppressant se poser sur moi.
“ Yui, fais attention ! ” cria Seiryu, sentant le danger approcher.
Nous esquivâmes les attaques à la dernière seconde, nous réfugiant derrière les restes d'une maison détruite. Mais il ne fallut pas longtemps pour que ce refuge ne soit plus sûr, le monstre se rapprochant de plus en plus.
Dans notre course pour fuir, des tentacules sombres jaillirent du corps du monstre, fouettant l’air et frappant brutalement le sol. L'une d’elles me toucha de plein fouet, me projetant violemment en avant.
“ Yui ! ” hurla Kumo et Seiryu.
Avant que je ne heurte le sol, Seiryu accourut et me prit dans ses bras, encaissant l'impact à ma place. Son dos heurta brutalement le tronc de l'arbre millénaire, et je vis du sang couler de sa bouche.
“ Urgh... Seiryu ! Seiryu, tu vas bien ? ” demandai-je, paniquée.
Kumo nous rejoignit rapidement, visiblement inquiet.
“ Yui ! Vous allez bien ? ” s'enquit-il.
“ Kumo, le Gardien est blessé ! ” dis-je, alarmée.
“ Qu'est-ce qu'on va faire ? ” répondit Kumo, cherchant désespérément une solution.
“ Tu vas devoir le mettre à l'abri, Kumo. ”
“ Moi, nya ? Je ne partirai pas sans toi ! ” protesta-t-il, les yeux écarquillés.
“ Kumo, je n'ai pas le temps de t'expliquer, mais fais-moi confiance. Ce monstre semble en avoir après moi, et je dois tester quelque chose. ”
“ Je ne peux pas te laisser faire ça, c'est bien trop dangereux ! ” s'exclama-t-il, refusant de me laisser seule.
“ Il ne me reste plus beaucoup de temps… ” dis-je en montrant mes mains translucides. “ Mets-toi à l'abri, s'il te plaît, et fais-moi confiance. ”
Kumo grogna, hésitant, mais finit par accepter à contrecœur.
“ Nya, t’as intérêt à revenir saine et sauve alors ! Sinon, je te transformerai en sardine séchée ! ” lança-t-il dans une tentative de plaisanter malgré la gravité de la situation.
Je souris faiblement tandis qu'il déplaça Seiryu derrière l’arbre millénaire, suivis par le papillon de cristal qui forma une barrière protectrice autour d'eux.
De mon côté, je pris une grande inspiration tandis que le Neko Vent se déployait pour me soulever dans les airs. Il était temps de prendre un risque. Si je voulais en finir avec ce monstre, je devais attaquer directement à la source.
Je m’élevai au-dessus du monstre, scrutant la masse sombre qui se mouvait en dessous de moi. Comme prévu, une tentacule surgit pour me frapper, mais j’étais prête. Je sautai du Neko Vent à la dernière seconde, laissant l’engin se faire détruire à ma place, et me jetai directement dans le monstre, plongeant au cœur de l’abomination.
Je me retrouvais absorbée par le monstre, mon corps pénétrant sa masse sombre. C’était comme si je traversais une substance dense, presque gélatineuse, mais glacée, chaque mouvement devenant plus lent, plus difficile. Autour de moi, des vagues d’énergie noire ondulaient, semblant réagir à ma présence.
Je ne pouvais plus voir Kumo ni Seiryu, leur voix étant noyée dans ce silence oppressant. Mon cœur battait fort, mais une étrange détermination me guidait. Si je voulais arrêter ce monstre, je devais atteindre son centre, comprendre ce qu'il était vraiment.
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