Soma rongeait son frein avec difficulté en attendant dans l'allée, son sac à la main, que les premiers passagers descendent de l'avion. Depuis une heure déjà il ne tenait plus. Enfin, il allait pouvoir agir au lieu d'être bloqué dans cet avion coupé de tout ! Lorsque ce fut finalement son tour, il s'échappa de l'avion et se mit à courir dans le couloir à la recherche d'un marchand de journaux. Arrivé devant, il jura et regarda de tous côtés. Il n'avait même pas eu le temps de prendre d'argent français. Avisant un distributeur, il s'y précipita, vérifiant par la même occasion que les bagages de son vol n'étaient toujours pas arrivés. Provisions faites, il put enfin attraper les quelques journaux qui évoquaient le drame africain. Il jeta le premier qui s'attardait plus sur la politique et la situation de l'Afrique et des missions humanitaires, avant de trouver ce qui l'intéressait. Les blessés avaient été admis à la Salpetrière. Son cœur se serra. Il connaissait cet hôpital, c'était l'endroit où Seishi l'avait emmené consulter pour ses problèmes cardiaques. Heureusement, car il était aisé de se perdre dans ce gigantesque centre. Les blessés à présent... Le responsable français, ça ne pouvait être que Sei, toujours... entre la vie et la mort... Soma se passa une main sur les yeux. Oh Kami-sama, il ne parvenait toujours pas à réaliser... Il abaissa le journal, sa main trop tremblante à présent pour le tenir, puis souffla. Non, au moins cela voulait dire que Sei était vivant et c'était tout ce qui importait. A présent il allait être soigné, ils feraient tout pour cela. Il se dirigea vers le tapis roulant pour récupérer ses bagages. Plus de paperasses que de vêtements, songea-t-il avec amertume. Il était loin le temps où il était venu pour la première fois en France pour des vacances... avec Sei... De Roissy, il jugea trop compliqué de rejoindre La Défense en métro, il prit donc un taxi et jeta ses affaires dans le premier petit hôtel venu, non loin d'où devait se trouver l'immeuble de sa compagnie. Il se fit conduire ensuite à l'hôpital.
Soma paya distraitement le taxi puis contempla l'entrée imposante. Il prit son souffle. Les choses sérieuses allaient commencer.
Il pénétra dans l'enceinte et se dirigea vers l'accueil, tentant de rappeler à lui tout le français qu'il avait fini par maîtriser un peu plus de deux ans auparavant. Après de longues minutes de patience une des deux hôtesses fut enfin à sa disposition. Comment diable allait-il présenter les choses... surtout à une heure aussi tardive, dix-neuf heures trente, même les visites normales ne devaient plus être autorisées.
- Bonsoir mademoiselle... Pouvez-vous m'indiquer à qui je dois m'adresser pour voir Seishi Desmond d'Arbois, le...
- Le blessé du Mali ??! interrompit la jeune femme, l'air effaré.
- Ano... Euh, oui c'est ça je...
- Je suis désolée monsieur mais, comme vous devez vous en douter, des mesures exceptionnelles ont été prises pour ce cas. Le public n'a pas accès à...
- Je suppose effectivement tout cela mais je suis un proche de Seishi et de sa famille. J'arrive à l'instant spécialement du Japon et n'ai pu entrer en contact avec ses parents.
- Mais... Il faut une autorisation du...
- Ne pourriez-vous juste appeler quelqu'un qui pourrait me dire comment les contacter ? Je suppose qu'ils sont ici, alors dites-leur juste mon nom, je vous en prie.
L'hôtesse parut troublée et réfléchit un instant.
- Ecoutez, reprit-elle avec hésitation, vous n'êtes pas dans le bon secteur de toute manière. Ce que je peux faire c'est prévenir la sécurité mise en place dans l'aile où ont été placés les rapatriés pour que vous puissiez leur exposer votre cas. Eux décideront qui contacter éventuellement.
- Merci, murmura Soma. Si je peux ne serait-ce qu'avoir des nouvelles ou contacter ses parents ce me sera d'un grand secours.
La fille, qui fouillait dans ses papiers, finit par lui sortir un petit plan de l'hôpital avec un sourire.
- Tenez, nous sommes ici, sortez par la droite là-bas et ce sera indiqué, vous devrez vous rendre ici. Vous ne pourrez pas vous tromper, ajouta-t-elle avec un soupir, il y a plein de journalistes à l'entrée. J'aime autant vous dire que vous aurez la chance de vous expliquer avec la sécurité mais n'espérez pas les duper.
Soma soupira à son tour.
- Je me doute, mais je pense tout de même avoir de quoi les convaincre s'ils daignent m'en laisser l'occasion. Mais cela fait presque deux jours que j'ai pris connaissance de cette tragédie et depuis je n'ai pas pu avoir la moindre information ou le moindre contact avec ceux que je considère comme ma famille alors je désespère sérieusement et une nuit de plus me rendrait vraiment fou !
La jeune femme sourit à nouveau.
- Laissez-moi juste votre nom qu'ils vous laissent passer.
Soma lui donna les renseignements voulus puis partit au pas de course vers le lieu où enfin il trouverait Seishi. Somme toute, la première étape ne s'était pas si mal déroulée. La suite à présent...
Soma n'eut effectivement pas de mal à trouver l'aile où étaient soignés les membres de l'expédition. Quelques journalistes attendaient postés au pied de la porte. Il eut un souffle de dégoût et se dirigea fermement vers eux. Il se fraya un chemin entre eux, ignorant ceux qui prenaient des photos au cas où et faisant mine de ne pas comprendre les autres l'assaillant de questions sur ses liens avec les blessés et les informations qu'il en avait.
- Noguro Soma, annonça-t-il au garde en espérant qu'il n'aurait pas besoin de recourir au français pour expliquer plus devant les journalistes.
Celui-ci haussa un sourcil puis, après en avoir référé à qui de droit dans son talkie-walkie, entrouvrit la porte. Soma s'y faufila prestement pendant que l'homme retenait les journalistes et leur brouhaha. A peine entré, il faillit percuter un autre géant. Il leva les yeux pour s'expliquer lorsqu'une autre voix l'interpella. Un troisième homme, vêtu plus civilement cette fois, s'était approché.
- Bon alors, qu'est-ce qu'il se passe ici ? Qui êtes-vous ?
Et Soma expliqua à nouveau son histoire face au scepticisme de son interlocuteur.
- Ecoutez, supplia-t-il une dernière fois, je n'ai pas d'appareil photo, pas de magnéto, je veux bien vider toutes mes poches si vous voulez mais je vous jure que je ne suis pas journaliste... et je ne porte pas cette espèce dans mon cœur non plus.
- De toute façon les médecins n'accepteraient personne à cette heure-ci.
- Alors laissez-moi juste attendre ici quelqu'un ou leur laisser un message. Parlez-leur de moi et vous verrez bien. Soit ils m'acceptent soit ils ne me veulent pas et vous me fichez dehors !
L'homme hésita.
- Je vous en prie. Soma baissa la tête, Seishi est tout pour moi et...
- Soma-kun ?!
Soma sursauta. Cette voix... Une seule personne l'appelait encore ainsi. Il fit volte-face.
- Soma-kun c'est bien vous... Vous êtes venu.

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