[JOURS SUIVANTS ]
Port de roches sur des pentes raides
À l'aube, le silence règne. La montagne est encore couverte d'une brume dense. Zolan, le dos voûté, grimpe lentement avec un énorme rocher attaché par des lianes sur ses épaules. Chaque pas est une guerre contre la gravité.
Ngwarr'Ken (de tout en haut, voix qui claque dans l'air froid) :
> "T'as pas de jambes, t'as des promesses molles ! Grimpe comme si t'avais le diable à tes trousses !"
Zolan glisse, chute, roule dans la pente, s'écorche, puis se relève sans un mot. Il serre la mâchoire, saigne du genou, et recommence. Trême, lui, un déjà fait l'ascension… deux fois.
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Épreuve du feu
De nuit, des braises rougeoient sous une couche de cendres fines. Le sol fume encore. Zolan observe ses pieds, hésite, puis pose le premier pas. La chaleur monte d'un coup. Il vacille, souffle bruyamment, avance lentement.
Ngwarr'Ken (calme, mais tranchant) :
> "T'as perdu des proches. Tu peux bien perdre un peu de peau. Continuer."
Zolan avance malgré la douleur. À la fin, ses pieds sont brûlés à vif. Il s'effondre à genoux, le souffle court, les mains tremblantes… mais le regard plus noir que jamais.
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Combat à l'aveugle
Bandeau sur les yeux. Un anneau de pierres autour d'eux. Zolan est présent. Rien. Puis un bruit. Un coup d’État fulgurant. Il tombe. Se relève. Bis. Il tend l'oreille. Échec. Trempe l'étrille avec précision, toujours en silence.
Ngwarr'Ken (depuis l'ombre) :
> "Ce n'est pas les yeux qui écoutent l'adversaire… c'est le souffle. La tension. L'intention. Ressens-le."
Zolan commence à bouger avec plus de prudence. Il pare une attaque. Juste une. Tremme lui souffle au creux de l'oreille :
Tréme (voix basse) :
> "Pas mal. Tu commences à te battre comme un vivant."
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Réflexes dans l'eau glacée
Une rivière de montagne, gelée jusqu'à l'âme. Zolan y plonge, torse nu, jusqu'à la taille. Il doit rattraper des pierres que Tréme lui lance à une cadence croissante. À chaque échec, une pierre lui tape l'épaule, le soutien-gorge, le visage.
Trême (sèchement, sans moquerie) :
> "Tu veux attraper le destin à mains nues ? Commence par attraper ça."
Les dents de Zolan claquent. Il est bleu de froid, mais ses bras deviennent plus vifs, ses doigts plus précis. À la fin, il attrape trois pierres d’affilée. Il tombe à genoux dans l’eau. Les yeux brillants. Mais pas de larmes. De rage.
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Nyama scellé — une semaine
Ngwarr’Ken trace une rune sombre sur le torse de Zolan. Le Nyama est scellé. Plus de force, plus d’endurance surnaturelle. Rien que la chair et la volonté.
Ngwarr’Ken (sombre, presque compatissant) :
> "Tu vas découvrir la vérité. Ce n’est pas le Nyama qui fait un guerrier… c’est ce que tu fais quand tu ne l’as plus."
Les jours passent. Tout est plus dur. Dormir. Se nourrir. Respirer. Tréme le domine encore plus facilement. Mais Zolan n’abandonne pas. Il s’adapte. Il compte ses pas. Il anticipe. Il endure.
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[MOIS 27]
Autour du feu, Zolan est à bout de souffle. Mais pour la première fois, Tréme l’observe longtemps. En silence. Puis il pose une gourde près de lui.
Tréme (avec un air indéchiffrable) :
> "Le mois prochain … le sceau sera levé. Et là, on verra si t’étais juste un gosse en colère… ou un guerrier qui se relève.”
[RETOUR AU COMBAT — MOIS 28]
La plaine est sèche, marquée de leurs pas, griffée par les affrontements. Zolan avance, souffle court mais regard aiguisé. Tréme, toujours aussi calme, tourne autour de lui en cercle, tel un fauve qui jauge sa proie.
Zolan (pensée intérieure) :
> “Il recule toujours d’un demi-pas avant de frapper… Il baisse légèrement l’épaule droite. Je peux le lire. Un peu.”
Tréme fonce. Un coup de pied balaye l’air, mais Zolan esquive d’un pivot rapide. Il pare un direct, puis tente une riposte — un crochet gauche. Touché. Tréme recule d’un pas, cligne des yeux. Un mince filet de sang à la lèvre.
Ngwarr’Ken (ton tranchant, bras croisés) :
> "Il t’analyse, Tréme. Et toi ? Tu fais quoi ? Tu le testes ou tu dors ?"
Tréme esquisse un sourire. Un vrai. Court. Vif. Il craque sa nuque.
Tréme (calmement) :
> "Je m’ennuyais un peu. Merci de m’avoir réveillé, p’tit."
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Et là, Tréme passe à la vitesse supérieure.
Ses pas deviennent flous. Ses coups, plus lourds, plus précis. Il feinte à gauche, frappe à droite. Zolan vacille, encaisse un direct dans les côtes, crache du sang… mais contre-attaque ! Un genou dans la cuisse. Tréme sourit encore. Cette fois, sincèrement.
Tréme (essoufflé, ton hautain mais presque admiratif) :
> "Pas mal… t’as pris quelque années pour me toucher. Tu veux devenir fort ? Continue de tomber. Mais surtout, continue de te relever."
Zolan serre les dents, repart, malgré les jambes tremblantes. Il chute à nouveau. Se relève. Coup dans l’épaule. Il chute. Rebondit. Encore. Encore.
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[SOIR — AUTOUR DU FEU]
Le crépitement du feu est le seul son. Zolan est assis, torse nu, corps couvert d’hématomes. Sa main tremble en approchant la gourde tendue par Tréme. Ce dernier ne dit rien, juste un signe de tête, un respect silencieux.
Zolan (entre deux souffles) :
> "J’ai perdu plus de fois que j’ai compté aujourd’hui…"
Ngwarr’Ken (voix grave, posée, presque paternelle) :
> "Et pourtant tu es là. C’est ça, le combat. Pas la victoire. La permanence. Tu commences à sentir la morsure du vrai combat. Pas celui de la vengeance… celui de l’évolution. Et ça, petit, ça brûle longtemps."
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Tréme (en regardant le feu, bas) :
> "Demain, tu vas tomber encore. Mais je te préviens… si tu tombes pas plus vite que tu ne frappes, je te laisserai pas respirer."
Zolan (sourire en coin, malgré la douleur) :
> "Parfait. J’commence à aimer tomber."
Deux Ans Plus Tard — L’Aube des Nouveaux Guerriers
La brume danse sur la clairière. Le silence est presque sacré. On n'entend que le vent léger et les battements de cœurs. Zolan et Tréme se font face.
Zolan a grandi. Son torse est solide, son regard tranchant. Il ne laisse plus sa colère exploser — il la canalise, il la respire. Pourtant, elle est toujours là, au fond, comme un tambour qui bat sans relâche.
Tréme, droit comme un sabre, calme comme une flamme bleue. Pas une once d’arrogance, juste cette froide maîtrise. Il a cessé de le sous-estimer depuis longtemps. Là, il le regarde comme un égal. Peut-être plus.
Ngwarr’Ken (du haut de son rocher) :
> « Des années à suer, tomber, cogner. Aujourd’hui, vous n’êtes plus des élèves. Mais êtes-vous des guerriers ? Le Nyama, c’est plus que la force. C’est une musique. Si vous jouez faux… vous mourrez. »
Le choc est immédiat. Pas d’échauffement. Pas de retenue.
Zolan avance, sabre bas, posture fluide. Il esquive une estoc de Tréme, riposte avec une coupe rasante. Lame contre lame, les étincelles fusent.
Tréme recule, pivote, contre-attaque d’un mouvement sec. Sa lame chante. Chaque geste est millimétré.
Zolan, lui, frappe avec intention. Pas de gestes superflus. Sa rage ne le guide plus — elle renforce chaque coup. Quand il frappe, c’est tout son passé qui frappe avec lui.
Tréme (en plein combat, entre deux souffles) :
> "Tu ne cognes plus comme un enfant. T’as appris à écouter ton sang."
Zolan (sans sourire) :
> "Et toi, t’as enfin appris à respecter ce que tu ne comprends pas."
Ils échangent à nouveau. Une danse brutale, rythmée, poétique. Chaque parade devient une parole. Chaque coup, une phrase. Ils se parlent avec leurs sabres.
À un moment, Zolan perd l’équilibre, Tréme fonce pour le finir — mais Zolan tombe volontairement, roule, se relève avec une torsion improbable et frappe. Tréme bloque inextremis.
Ngwarr’Ken (impressionné, bas) :
> "Ils chantent. Enfin."
Les deux guerriers sont à genoux, à bout de souffle. Aucun ne parle. Leurs regards se croisent, lourds de tout ce qu’ils n’ont jamais dit.
Tréme (sourire discret) :
> "Tu fais chier. Ta évoluer mais je reste meilleure."
Zolan (sérieux, mais apaisé) :
> "Je veux juste être assez fort pour ne plus jamais fuir."
Silence. Puis Ngwarr'Ken descend. Il frappe doucement un tambour de cuir. Une vibration grave se propage dans l'air, comme un appel venu du sol.
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