Jeudi 23 Mai — 22 h 46

Cette nuit illuminée par le ciel est peinte d’étoiles. Les lumières des lampadaires se dissolvent tranquillement pour signaler que la ville ferme ses yeux. La lune est pleine et donne une lueur mystérieuse. Elle dévoile les ombres qui traversent.

En dessous de cette pleine lune, un personnage court de bâtiment en bâtiment, dans une hâte presque apeurée. Il est caché par une vieille cagoule brun foncé et des gants d’une couleur rapprochée. Derrière la cagoule, le fugitif cache son visage par un masque de ski noir. 

Ses vêtements ne sont pas portés pour le style, tâchés de sang et d’autres fluides qui ont séché au fil du temps.

Aux trousses de cet homme, la milice d’Atmos, précisément son département de Troposville.

Quatre voitures roulent à toute vitesse alors que l’acrobate qu’ils poursuivent continue son parcours avec férocité sur les toits des immeubles résidentiels.

Dans la première voiture, Richard Young est aux commandes avec ses deux camarades de ce matin, York Mezzanine et Holland D. Pétrarque. Mezzanine et Pétrarque sont deux cadets qui viennent tout juste de débarquer dans leur poste. C’est Richard qui les a recommandés. Ils voient un peu ce dernier comme un héros.

En ce moment, leur héros est dans une colère profonde. 

Finalement, après des mois et des mois passés dans cette foutue ville malmenée, le prodige de la milice atmoscienne est à deux doigts d’attraper une de ces mutations. Un mélange de rage et d’excitation colore sa conduite et joue dangereusement sur son professionnalisme.

«York!» crie le chef du trio policier. «Prends le mégaphone! Holland, prépare la mitraillette! On va encercler le bâtard!»

«Boss, sauf votre respect, on l’encercle avec quoi au juste? La mitraillette va le tuer plus que d’autre chose!», critique Holland, en train de perdre la tête.

«Je m’en bats les couilles! Prends la mitraillette et rentre le plus de balle dans son crâne que possible!»

Richard ne fait presque aucun sens, mais les deux en arrière suivent les ordres de leur chef puisque sa conduite laisse énormément à désirer, dépassant les 100 kilomètres par heure sur une route de 50. Trop argumenter entre eux risque de causer un accident.

Holland, pris dans une panique, prend l’arme à feu contre son gré et se prépare à tirer. Pendant ce temps, York se précipite vers le mégaphone, ouvre la fenêtre de la portière droite et se met à hurler à l’évadé, la peur poussant sa voix plus loin que prévu.

«Arrêtez-vous! On vous ordonne de vous arrêter! Hé arrêtez de courir!»

Le criminel murmure d’un air grave.

«Quelle honte! Il gueule ça dans le confort de sa bagnole. Corrompu, comme tout le reste.»

Il entend une autre fenêtre s’ouvrir. Lorsque son regard croise les voitures de police, il aperçoit Holland avec une mitraillette. Le fugitif est surpris. Son regard de stupeur croise celui d’Holland, terrorisé. 

Le policier armé se met à crier et ferme les yeux en tirant dans la direction de l’homme qu’ils poursuivent.

C’est en sautant du bâtiment que l’homme se fait atteindre de plusieurs balles aux deux jambes. Il braille sa douleur grande ouverte, avant de se cogner l’estomac contre le coin d’un toit. 

Il agrippe ce toit du mieux qu’il peut avec ces mains. L’homme ne sent plus une partie de ses membres inférieurs.

Soudainement, un écran rectangulaire rempli d’ornement doré avec des touches de cristal vert lumineux apparaît devant lui. Un message assez glauque à son sens est projeté sur l’écran.

[Attention : joueur «Athomas Killian» en danger. Perte soudaine de 39,23 % de sa barre de vie.]

«J’avais déjà deviné», réplique le fuyard nommé Athomas, sa voix remplie de douleur.

Dans les fenêtres des bâtisses, des lumières s’ouvrent et des rideaux se dégagent pour voir l’ampleur de ce qui se passe. Certains civils terrifiés ont un excellent visuel sur le suspect qui saigne des jambes à profusion.

Les voitures de police se sont arrêtées. Richards et sa bande sortent de leur véhicule. Trois autres batch de trois policiers sortent de leur véhicule, totalisant une douzaine dans le corps policier. Des armes à feu à leur disposition, ils se préparent à mettre fin à la vie de leur proie, si nécessaire. 

Richards prend le temps de se calmer et de savourer sa victoire. Il était un peu fou furieux derrière le volant, mais maintenant qu’il a réussi à rattraper ce mutant, la ronde de question commence dans sa tête. Il vole le mégaphone des mains de York.

«Bon, ça suffit! On arrête cette course tout de suite, criminelle! Si tu te rends, je te promets qu’on va te descendre de là tranquillement». 

Pendant que Richard parle au mégaphone, il fait signe aux autres policiers d’aller calmer les civils, leurs yeux collés à leur fenêtre d’appartement.

Clairement, pour cette pauvre population qui se fait martyriser par le reste du pays, c’est un jour de chance. Après tant d’années, ils ont finalement réussi à attraper un de ces voyous. Il y avait un moment où cela semblait impossible. Aujourd’hui, Richard Young va leur passer un avant-goût de tranquillité d’esprit. Il va être un des éléments clés dans l’histoire du pays à avoir résolu le fameux mystère des monstres.

Pendant ce temps, Athomas voit un autre écran apparaître devant lui. Il se tient à peine et sent que ses bras perdent de plus en plus de force.

[Activation du système universel des cauchemars : Pour activer le système, crier le mot de passe.]

Dans ces circonstances, Athomas ne réfléchit pas trop bien à la situation. Pour lui, c’est soit mourir aux mains de personnes qu’il aurait espéré avoir comme allié; soit tomber par manque d’énergie dans son haut de corps et s’écraser par terre; soit s’en sortir indemne à l’aide du système. 

Il n’a que très peu d’expérience avec ce pouvoir imprévisible. Il avait au début l’impression que la vie se moquait de son châtiment par l’entremise d’un faux jeu vidéo. 

Athomas a cependant saisi la nature de cet objet en un temps record, étant le seul capable de voir son écran. Si les autres «joueurs» ont un écran similaire, certaines propriétés sont strictement les siennes.

Ce fut un apprentissage rapide, mais par nécessité plutôt que volonté.

Athomas pose un dernier regard sur Richard Young. Il grince des dents, le chagrin sur son visage qui pâlit de plus en plus après chaque goutte de sang perdu.

«Désolé, camarade. C’est ici que ça se termine entre toi et moi!»

Il prend une dernière bouffée d’air et cri avec toute l’énergie qui lui reste :

«Sang-sure!»

[Le système a reconnu votre mot de passe.]

Les policiers sont pris par mégarde. Pourquoi est-ce que le criminel vient juste de gueuler le mot «censure»? 

Tout à coup, Richard fait le lien dans sa tête. Il reconnaît la personne derrière cette cagoule par la voix. Ses émotions sont déséquilibrées en une fraction de seconde.

«Non non attend c’est une blague là.», exprime Richard, abasourdi.

[Voulez-vous activer votre système de cauchemar universel?]

«D’après toi! Fais-le maintenant!» crie de nouveau Athomas, un craquement éraillé dans sa voix alors qu’il perd du sang au point d’en tomber inconscient.

[Sous-système «Sang-sure» : activé]