Samedi 25 mai — 6 h 46

Alors que le tramway de Clark se rapproche tranquillement de Vil de Ville, la bibliothèque d’archive la plus importante située dans la ville la plus infâme du pays, il reflète d’une façon mitigée les événements qui se sont produits en ce matin désenchanté.

Pour une fois, il plut à Atmos. C’est une pluie fine, légère, qui accompagne les nuages d’un gris pâle et calme.

Clark pense surtout à la situation d’hier. Deux jours d’affilée que Clark surprend Jano à vouloir se rapprocher de lui par des situations un peu louches. Il hésitait sur ses conseils, ainsi que sur ce qu’un intello pouvait lui apprendre. Dans les deux cas, Clark a découvert quelque chose à propos de lui-même qu’il ne pensait pas avoir, des états de penser et d’agir très différents.

La deuxième découverte est la plus troublante. Bien que sa force monstrueuse ne lui a pas échappé de la conscience, disproportionné par rapport à sa taille, il est néanmoins surprenant, voire terrifiant, de constater que cette force peut non seulement réparer et construire, mais détruire.

S’il y a une chose dont Clark ne veut pas devenir, c’est un monstre.

Parlant de monstre, ce matin, parce que bien sûr que ça chanterait au malfaiteur qui a osé lui faire découvrir cette partie de lui misérable et incomparable, Jano l’accompagne à Vil de Ville.

Clark ne peut s’empêcher de regarder son colocataire, le cerveau à moitié réveillé, en train de se poser des questions plus ou moins pertinentes.

« Qu’est-ce que tu fous dans le tramway au juste ? »

« Clark, quel quatrième mur essaies-tu de briser ? Tu sais très bien pourquoi je t’accompagne ! »

« Il doit pleuvoir pour une raison », répond Clark en soupirant.

« Oh fait pas ton intéressant ! Ça va être chouette, t’inquiète ! Je ferai juste mon gentil observateur. Aussi, j’ai fini le tome 4 et j’ai noté tout ce qu’il y avait à noter dans l’historique de Jano l’aventurier. »

Si Clark buvait du café, il l’aurait craché tout par terre (ou sur la figure de Jano, tant qu’à manquer de respect).

« Quoi !? Déjà !? Mais tu lis à la vitesse d’une voiture de course ! Tu ne peux pas prendre ton temps avec ces conneries !? »

Clark ne se rend pas compte d’à quel point il y a plusieurs habitués dans ce tramway qui le reconnaissent comme le bizarre mystérieux (et sexy) dans leur chemin de travail. Il est considéré comme bien beau gosse de loin, mais reste inapprochable. 

Cette version pleine d’émotions est un extraterrestre, une nouvelle espèce sapienne pour la majorité d’entre eux. 

Mis en évidence est le contraste entre le style suave, chic et professionnel de Clark contre le côté « je viens juste de me lever » de Jano, ses cheveux orange soleil décoiffé et ses vêtements baggy au point où son manteau de printemps vert pastèque approche dangereusement ses genoux.

La seule source de distraction de cette dynamique un peu farfelue est, encore une fois, Musika. Pour une fois, Jano n’a pas vraiment le choix de se taper les nouvelles, et remarque effectivement que tous les hommes dans le tramway (Clark inclut) regardent cette femme comme une déesse.

« Bon, elle a l’air sympa, mais on ne va pas arrêter pour la casse-croûter des yeux* quand même », balance le jeune homme de 21 ans, avec une nonchalance qui envenime certains des hommes dans le tramway.

« Dit, Clark. Je t’ai présenté mon art martial hier. Maintenant, il faut que tu m’expliques un peu plus ce qui te pousse dans cette histoire d’archive et de politique. »

Clark regarde autour de lui. Il n’a pas envie que tout le monde entende son raisonnement.

« Je t’expliquerai sortie du Tramway », répond Clark dans sa réclusion.

Aux nouvelles, la voix de Musika prend de nouveau un ton infantilisant envers son public.

« Et bien, encore une fois, nous avons deux personnes disparues en même temps ! Un des infâmes mutants s’est encore enfui, dans quel endroit souterrain possible, il y a 48 heures de ça ! », rappelle la star des médias. « Et maintenant un journaliste, je le répète, un journaliste, est confirmé décédé ! Alors là, j’en ai fait mon voyage ! » 

Clark observe la télévision, un regard choqué qui reflète l’écran. Quelqu’un dont son opinion sur la situation pourrait aider à changer toute la donne sur Troposville, décédé.

Une image plus nette et professionnelle du journaliste de renom est placée à côté de Musika.

« Fameux Athomas Killian, journaliste du gouvernement qui avait été reporté M.I.A il y a plusieurs semaines ! Ont ne retrouve que ces vêtements dans une benne à ordure, dans une ruelle de, vous ne devinerez jamais quelle ville incroyable, Troposville. Effectivement, il s’agit ici d’un homicide. Son corps serait encore recherché par les autorités. Mais entre vous et moi, ces foutus policiers ne trouveront rien de spécial, car Troposville est une ville démoniaque remplie de monstres ahurissant! », finit la jeune femme d’un ton sarcastique.

Jano observe son colocataire d’un air désolé. 

Bien qu’il comprenne les enjeux que cela apporte d’avoir une figure médiatique hautement gradée trouver morte de circonstances fantomatiques, Jano ne peut empêcher l’arrière-goût nauséabond du mot « homicide » lui retourner l’estomac.

De son côté, Clark est dans une frustration invisible. Athomas Killian, l’un des journalistes les plus actifs dans le cas des mutants, disparus et retrouvés morts des jours plus tard. Complètement dingue.

* * * * *

À 6 h 56, les deux hommes sortent du Tramway pour entrer à l’intérieur de Vil de Ville.

Clark commence à marcher lentement tout en donnant à Jano la réponse tant convoitée.

« Je suis née à Mésosville ».

Ce n’était pas la réponse dont Jano s’attendait.

« Mais même en vivant dans une ville du trifecta touristique et patrimonial d’Atmos, on a fini par m’enfermer dans cette cage. »

Clark serre les poings.

« Pourtant, je me suis fait de bons camarades dans cette cage. J’ai de bonnes personnes qui m’entourent et qui m’ont guidé dans ma dépression. C’est mon devoir de retourner la médaille. Cette ville qui m’a redonné espoir se fait abattre de tous les côtés par son propre pays, et ça, je ne le tolérerai pas. »

Le message de Clark ne semble pas singulier, mais il est définitivement plus éclairant pour Jano. Ce patriotisme est compréhensible de ce point de vue. De même que cela crée beaucoup d’intrigue. Le tome quatre en main, Jano sourit à son colocataire loufoque.

« Et bien dis-donc, t’es vachement plus cool que je m’y attendais », complimente le ricaneur.

« Ouais… merci, je suppose », répond Clark, voulant montrer une indifférence face au commentaire.

C’est avec cette énergie un peu étrange que Jano et Clark traversent les portes de Vil de Ville.

[Clark Deschaines — NIV : 00 — EXP : 310/1000]