Jano et Geneviève se regardent.
Le grand roux apporte une curiosité ouverte face à la gentille demoiselle qui est devant elle. Il est évident que Jano a un petit intérêt pour cette femme. Il y a eu un temps où Clark, probablement par désir d’être foutue en paix, avait ouvert à Jano une minuscule porte sur sa vie, environ deux mois et demi de ça.
Cette porte fut Geneviève Térez.
Geneviève fait une tête et demie de moins que Clark. Sa peau bronzée contraste avec ces cheveux blonds en forme de deux queues de cheval, le tout couronné par un chapeau en carreaux que des poètes et écrivains d’ancien temps portaient.
Geneviève aussi est habillée très chic, avec des pantalons noirs qui lui arrivent jusqu’à la moitié des jambes, le reste caché par des bottes de cuivre réconfortantes en cette journée pluvieuse.
Ce qui n’est pas réconfortant pour Geneviève est les actions récentes de Clark. Le déni fait de son mieux pour tenir le coup, mais de là à être pris pour accompagner ce colocataire bouffon après que son prince charmant soit charmé par une autre femme. Ça, c’est un coup bas.
Geneviève n’a pas la même corpulence physique que Riana, et elle ne veut pas changer ça pour rien au monde. Elle avait tout de même l’impression que Clark avait un goût plus raffiné pour les femmes que de simplement juger par le physique. Penser qu’il aurait choisi cette Riana pour ses formes souples la rend dingue à l’intérieur.
Elle doit supporter toute cette connerie tout en amusant la question presque tentante du second homme devant lui.
« Écoute, on ne se connait pas, mais Clark m’a parlé un peu de toi. Comment vous êtes-vous rencontrés ? », demande Jano.
« Ah ! Clark a parlé de moi. Et bien, une chance qu’il me garde proche dans son estime », réplique Geneviève avec un ton sarcastique. Elle fait de son mieux pour reproduire l’autorité repoussante et envahissante de sa directrice. Jano l’a regardé avec un air confus.
« J’imagine », réplique le jeune homme.
Il attend une réponse à sa question, les mains dans les poches, un regard mou et nonchalant. Geneviève ressent déjà une tension.
« Et bien, moi et Clark nous nous sommes rencontrés au travail, il y a trois ans », répond-elle, brève.
« Ah, c’est bien. Donc ça fait trois ans que tu travailles ici. C’est sympa. Je lui disais que la bibliothèque semblait vraiment plus raffinée que je m’attendais et que — ».
« Tant mieux ! », conclut Geneviève. « Voulez-vous de l’aide en particulier ? »
Jano peut ressentir la presse dans sa voix, comme si elle voulait en finir.
« Et bien monsieur, je peux vous proposer ici la salle des recherches historiques sur Atmos. Si vous avez une quelconque question, une personne désignée pourra vous répondre ».
Elle n’était pas sûre si c’était par manque d’intérêt ou à cause de l’image floue de l’homme dont elle avait toujours rêvé d’enlacer qui se faisait menacer, mais ce Jano Legrand n’a rien en commun avec Clark Deschaines.
Il n’a ni l’aspect chic ni le côté tendre et assuré, et surtout il est dépourvu du sérieux de son colocataire.
Elle délimite son territoire. Ici, à Vil de Ville, c’est du sérieux, c’est professionnel. Jano est un client, un client qui a manipulé le pauvre prince pour venir ici plus tôt que n’importe quel autre client et sucer toute l’énergie de l’endroit.
Jano, de son côté, trouve l’attitude de la dame un peu drôle.
« Oh, OK, je vais aller chercher là-bas. Merci bien ».
Jano passe à côté d’elle et se rend dans la salle désignée.
Ce qui est bien avec cette interaction manqué est que Jano regarde un peu partout tout en gardant un œil sur elle. Il se laisse un peu emporter. La petitesse de Geneviève et son caractère est adorable à ses yeux. C’est dommage que Clark ne voie pas d’intérêt et que, en retour, elle soit trop investie envers quelqu’un d’aussi distant.
Il avait cependant dû deviner quelque chose chez elle qu’il allait tranquillement garder en tête durant sa recherche plus sérieuse.
Il se retourne vers des bouquins étranges empilés dans une section dédiée aux différentes villes d’Atmos. Jano se mit à fouiller avec difficulté. Clairement les manuels papier ne sont pas son point fort. Clark aurait probablement trouvé ce qu’il cherche en un claquement de doigts. Pour Jano, il passe un record de 7 minutes et 35 secondes à regarder dans le néant des encyclopédies, jusqu’à ce qu’il tombe sur la ville qu’il désire rechercher.
Il tombe sur la section la plus courte des livres sur Atmos, celle de Mésosville.
En tournant les bouquins, Jano se rappelle des événements terribles qui ont marqué une grande partie de la discussion des dernières années : la destruction de Mésosville, il y a 8 ans de ça, par une créature que l’on considère comme étant le premier des mutants. Il s’agissait d’un goliath, un monstre qui faisait au moins 40 mètres de haut.
La destruction apportée à cette pauvre ville est le fataliste de tout ce mouvement anti-mutant.
Jano connaît l’histoire de ce monde disjoncté par cœur presque.
Il préférerait ne pas y penser.
C’est ce genre de sensation de perte de repère qui le gruge de l’intérieur. Jano en train de faire des recherches plus poussées, de sortir du superficiel, dans le but de comprendre quelqu’un de si récent dans son entourage.
Créer de l’empathie, en ce moment, rentre en conflit avec ses propres crises.
Jano tremble, les yeux omnibulés, collés aux pages de ce livre qui lui rappelle les horreurs du passé.
« Ah, je vois qu’on cherche à propos de quelque chose de top secret par ici », s’exclame Geneviève juste derrière lui.
Jano fait le saut. Il ne s’attendait pas à se faire avoir d’une telle façon. Pourtant, il a visé en plein dans le mille en pensant que Geneviève le scrutait de loin. On aurait dit une tigresse qui s’apprête à dévorer sa proie.
« Je peux vous aider, mademoiselle ? »
« Ce serait à moi de vous demander ça ! Et maintenant vous me vouvoyez ? Ridicule ! », critique Geneviève avec sévérité. « Et bien, parler ! Que voulez-vous chez Clark Deschaines !? »
Jano approche une intense envie de s’enfuir de la situation. Il tente désespérément de garder son calme, mais se lève d’un trait, ce qui le fait paraître encore plus suspicieux.
Jano se concentre sur l’une des queues de cheval de Geneviève plutôt que de laisser les yeux autoritaires de la jeune femme lui dévorer l’âme. Dans la montée irrégulière des émotions, Jano s’emporte et propage cette phrase à haute voix.
« Pour de vrai, qu’est-ce qui t’attire chez Clark ? Le mec ne semble pas si intéressé et tu as l’air de plier ton égo en quatre pour le rejoindre à moitié. »
Un employé plus loin crache son café sur l’une des vitrines en entendant cela.
Geneviève pète tout semblant de professionnalisme.
« Pour l’amour du ciel, on est un samedi 7 h 10 du matin, tu es littéralement le premier client de la journée alors que normalement ils arrivent tous à 10h-10h15 gros max », stipule Geneviève, la fumée lui sortant par les oreilles.
« C’était vachement précis », réplique Jano.
« Jeune homme ! »
« Plus vieux que toi. »
« J’ai 23 ans, connard ! »
« Oh merde en effet tu es plus vieille que moi ! »
« Pardon !? »
« Mademoiselle, je vous le jure, je ne suis pas ici pour vous faire chier. »
« Vraiment ? Tout ce que je te demande, c’est d’identifier ta raison d’être ici si tôt et d’arrêter de prétendre que tu comprends ce que je ressens pour cet homme, et d’arrêter aussi de prétendre que tu comprends ce que cet homme ressentait pour moi, s’il n’était pas en train de prendre une mauvaise décision ! », hurle l’employée de Vil de Ville.
Geneviève, en criant cela à toute allure, attire l’attention d’une multitude d’employés.
Jano a effectivement mal choisi son moment de confrontation. Pourtant, la vérité a éclaté en face, à 7 h 11 du matin. La vie continue.
Encore sur le coup de l’émotion, Geneviève décide de prendre une grande respiration. Son arch nemesis aussi.
« Bien, puisqu’on est claire sur cette base, je vais vous demander poliment de sortir, s’il vous plaît ».
« Volontier », répond Jano, toujours sur le coup de l’émotion. Le plus d’arguments donnés depuis des lustres et cela à fini en cauchemar.
Soudainement, alors que Jano est sur le point de partir, Clark l’intercepte de plein fouet, une rage mixée avec de la panique dans son visage.
« Jano ! Ne pars pas tout de suite ! Nous avons le nouveau tome de Jano L’aventurier ! Exclusif ! »
Jano porte des yeux remplis d’étoiles filantes, soudainement excité à l’idée d’un nouveau tome.
« Exclusif !? »
« Exclusif ! », répète un Clark Deschaines trempé de sueur.
En voyant cela, Geneviève pense immédiatement que ceci est un stratagème manigancé contre elle.

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