Mai 2017, par un beau matin ensoleillé, un ciel dépourvu de tout nuage. Les radios s’allument, les douches se mettent en route, les pains sont dévorés par des bouches affamées par la nuit qui vient de s’écouler. C’est l’heure, l’heure du commencement, l’heure du déclenchement de l’histoire. Chut… Les personnages vont se lever.
Le détective abattit son poing sans délicatesse aucune sur son réveil. Il maugréa un moment, enfoui sous ses couvertures bien chaudes. Cette fichue sonnerie avait le don de le tirer du sommeil en sursaut ! Décidant enfin à s’extirper du lit, il bâilla et s’étira longuement avant de se diriger d’un pas de somnambule vers le couloir.
- Allez, on se lève, c’est l’heure, grommela-t-il en frappant à la porte de l’enfant, située en face de la sienne.
L’infirmier se glissa doucement hors des bras de sa petite amie pour ne pas la réveiller. Non par gentillesse, mais subir son babillage incessant dès le réveil, non merci ! Il piocha quelques vêtements dans son armoire puis jeta un coup d’œil à son horloge murale. Un juron fleuri lui échappa en constatant son retard et il se hâta vers la salle de bains.
La femme de ménage poussa un soupir de bien-être quand elle sentit l’eau chaude de la douche couler sur son corps et chasser de son esprit les dernières brumes de sommeil. Sommeil dû encore une fois à ses somnifères. La jeune femme chassa de sa tête ses problèmes de santé pour se concentrer sur ce moment vivifiant. A tâtons, elle chercha son gel douche. Elle s’en saisit, l’ouvrit et le porta à son nez pour se laisser envahir par la douce odeur de vanille.
- Debout, tu vas finir par être en retard en cours ! pesta l’épicier.
Un grognement lui répondit. Peu convaincu, le père de famille, bien décidé à déloger sa larve de fils, l’attrapa par un pied qui dépassait du lit et tenta de le tirer. Mais le lycéen parvint à se dégager et à regagner le couvert protecteur de la couette. Le père poussa un soupir, les mains sur les hanches.
- Monsieur, je vous apporte votre petit-déjeuner.
L’intéressé grogna dans son sommeil. Il aurait souhaité tourner le dos à l’intruse, mais cette dernière était déjà en train de relever le lit pour qu’il puisse s’asseoir et manger convenablement. L’infirmière déposa son plateau sur ses genoux.
L’adolescent mordait à pleines dents dans sa tartine de Nutella sans faire attention aux informations que diffusait la radio, entièrement plongé dans la leçon de sciences physique qu’il tentait en vain de retenir. Oui, bon, sa mère n’avait pas arrêté de lui dire la veille d’apprendre sa leçon, mais il avait d’autres choses à faire. Terminer son dernier jeu vidéo en date, par exemple.
La vieille femme chantonnait gaiement devant sa glace, tout en faisant glisser délicatement sa brosse dans ses cheveux blancs tout bouclés et tout vaporeux, grâce au shampoing de la veille. Elle sourit à son reflet avec conviction.
- Ma petite, tu as toujours aussi bonne mine ! affirma-t-elle.
Il est sept heure, la journée vient à peine de commencer. Les rues de Honeda sont pourtant déjà pleines de monde. On se grouille, on se presse, on se bouscule. C’est la chevauchée avant que le gong ne sonne, le moment où tout le monde court pour gagner son pain. Dans deux, trois heures, l’effervescence sera retombée et, avec elle, cette poisseuse impression de fièvre moderne.
Parmi toutes les personnes, un homme marche. Son pas est tranquille et un peu boiteux. Il porte un béret élimé qui ne parvient à cacher la totalité de ses cheveux blancs. Entre ses lèvres pend misérablement un vieux mégot. Sur son passage, les gens s’arrêtent et se retournent. Tous le connaissent, mais personne ne s’attendait à le voir ici, en plein milieu de la rue. Gianni, car tel est son nom, alors appelons-le par son nom, lui, se fiche complètement des regards hallucinés qu’on lui jette. Il n’y prête même pas attention.
Gianni parcourt les rues de Honeda sans se presser. Il marche à son rythme sans même chercher sa route. Il connaît chaque recoin de cette ville, de toute manière. Il emprunte rues, boulevards et ruelles sans s’arrêter une seule fois.
Il trimballe derrière lui un chariot où s’entasse un monstrueux bazar. De cette montagne hétéroclite, on parvient à discerner une épuisette, un ciré, des bottes en cuir, un ballon de foot, un balai de sorcière, une glacière et une statue de la Vierge Marie. Le reste disparaît sous une épaisse bâche verte. On aurait dit qu’il avait décidé de déménager… Sur son épaule se balançait un sac en plastique bleu qui semblait contenir une masse ronde. De temps à autre, des reniflements provenaient dudit sac. Gianni secouait alors un peu les épaules et les bruits s’arrêtaient.
Gianni s’arrêta enfin devant un immeuble. Il se tordit le cou pour en apercevoir le sommet, une main mise en visière au-dessus de ses yeux pour les protéger du soleil. Un soupir lui échappa. Ah, il était enfin arrivé !
Il pourrait bientôt regagner son cher banc…
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